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samedi 5 mai 2012

LD fie le ciel gris

Et  part (presque) à la pêche en disant merci à Emile Bravo.
L'illustrateur a posé de remarquables images et des couleurs de mer estivale sur une épatante nouvelle de Heinrich Böll, datant de 1963 et traduite pour la première fois  en français.
C'est  "La leçon de pêche" (p'titGlénat).


L'histoire commence dans un petit port de pêche, tout beau, tout paisible, un jour de grand soleil et de grand ciel bleu.
Amarrée à la jetée, une simple barque à rames.
Dedans, un pêcheur. Il fait la sieste, confortablement installé sur ses filets.
Des mouettes volettent.
La scène, charmante, n’échappe pas à un touriste de passage, pantalon blanc, chemise rose et panama.
Il dégaine son appareil photo. "Clic", "clic", "clic".
Finie la quiétude du port. Finie la sieste du pêcheur qui grogne à son réveil.

Ainsi commence "La leçon de pêche", en format à l’italienne.
L’album reprend ensuite le dialogue entre le vieux pêcheur et le touriste dynamique. Trop?
La conversation s’engage avec peine entre eux.
Du haut du quai, le touriste en fait trop, il tente de rattraper sa précédente maladresse.
Le pêcheur interrompu dans son somme ne répond que par des signes de tête.
Plongées et contre-plongées rythment l’échange verbal.

(c) p'titGlénat.
"Vous allez faire une bonne pêche aujourd’hui", dit l’un. L’autre secoue la tête.
"Mais on m’a dit que le temps était au beau", reprend l’homme de passage.
Ce que confirme le pêcheur.


Quand il apprend que le marin ne va pas sortir en mer une seconde fois en cette belle journée, puisqu’il a déjà pêché et que ses filets sont suffisamment garnis à ses yeux, le touriste commence à s’énerver.
Lui, le chantre de l’économie pure et dure, voit déjà les résultats que pourraient donner une deuxième sortie en mer, et une troisième, et une quatrième. Un programme qui, répété chaque jour, permettrait au pêcheur d’acheter un canot à moteur, puis une chaloupe, puis un chalutier… et puis le calme que l'entrepreneur qu'il sera devenu ne possède plus!
« Perrette et le pot au lait » n'était pas loin. Mais la chute est différente de celle de la fable de Jean de la Fontaine. C'est la critique féroce et définitive de notre société de consommation.

Quelle claque magistrale, quelle dérision, quelle leçon de vie que cette "Leçon de pêche" !
Le texte paraît d’autant plus grinçant que les illustrations d’Emile Bravo le suivent de près et font admirablement ressortir toutes les bêtises que défend, bec et ongles, le touriste en chemise rose.
Face à ses rêves d’entrepreneur, la sagesse du pêcheur n’en paraît que plus grande.
Sans faire de morale, Heinrich Böll incite à réfléchir aux choix de vie.

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