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lundi 3 mars 2014

LAP récie la nouvelle insouciance de Gilles Paris

L'autre samedi, à la Foire du livre de Bruxelles, lors d'un débat SACD-Scam sur le grand méchant loup et les prétendues tranches d'âge des livres pour enfants, deux auteurs ont déclaré penser écrire avec un âge constant. Thomas Lavachery se sent alors adolescent et Jeanne Ashbé, logiquement, bébé.

Gilles Paris, lui, qui vient de publier son quatrième roman, le réjouissant "L'été des lucioles" (Editions Héloïse d'Ormesson, 222 pages), tout en finesse, en surprises et en émotions, reconnaît volontiers qu'il ne se glisse pas dans une autre peau que celle d'un garçon de neuf ans quand il écrit. Victor dans ce nouveau roman. Jean-Jean dans "Papa et Maman sont morts" (Seuil, 1991, Points, 2012), Icare dans "Autobiographie d'une courgette" (Plon, 2002, J'ai lu, 2003, Flammarion, "Etonnantissimes", 2013), et Simon dans "Au pays des kangourous" (Don Quichotte, 2012, J'ai lu, 2014). A la différence par rapport à mes deux exemples que Gilles Paris destine ses livres aux adultes.

Gilles Paris. (c) D. Ignaszweski.
"J’aime bien redevenir enfant pendant l’écriture du roman", me dit Gilles Paris, de passage à Bruxelles. "Ce bonheur est fugace. Pour celui-ci, j'ai pris de temps en temps une semaine pour l'écrire avec des horaires d’écriture indécents! Ensuite j'ai beaucoup retravaillé mon texte."

"L'été des lucioles", tout juste paru, paraît plus insouciant que le livre précédent. "J’ai fait beaucoup de conférences à la sortie des "kangourous" (comprendre "Au pays des kangourous"), qui traitait de la dépression", m'explique Gilles Paris. "J’ai eu plaisir à les faire. Mais j’étais aussi frappé par la crise économique qui dure maintenant depuis six ans, j’ai eu moi-même de difficiles périodes de dépression. J’ai eu envie d’un léger tournant. Il m’est difficile de sortir de la peau d’un enfant, entre l’ombre et la lumière, mais en étant davantage du côté lumineux que de celui ombragé. J’ai pris une feuille de papier et j’y ai noté différents mots: "été", "plus léger que mes précédents", "lucioles: magie", "chemin des douaniers", entre autres."

Le voici donc, ce tournant, personnalisé par Victor, 9 ans et toute sa fraîcheur d'enfant. Le roman de Gilles Paris, qui est aussi celui qu'écrit son narrateur, commence ainsi: "J'ai deux mamans et un papa qui ne veut pas grandir". Une annonce simple qui n'appelle pas de commentaire du héros. On va suivre avec plaisir et intérêt le petit bonhomme, bien planté sur ses jambes, le temps d'un été dans une superbe résidence à Roquebrune. Un été étrange météorologiquement parlant, avec le retour des lucioles absentes depuis des années, des pluies sèches et des orages.

Un été plein des questions que Victor va se poser et tenter de résoudre... Pourquoi François, son papa, ne veut-il pas grandir? Pourquoi sa sœur Alicia, 14 ans, est-elle aussi horripilante? Qu'est-ce qui unit ses deux mamans, Claire, la vraie, libraire addictive à la lecture, et Pilar, l'autre, peintre venue d'Amérique du Sud? Qui sont les jumeaux, Tom et Nathan, qui apparaissent de temps en temps sur le Chemin des douaniers et semblent tout connaître des villas anciennes abandonnées? Quel est ce sentiment que Victor éprouve pour la jeune Justine, sa voisine au Grand-Hôtel du Cap-Martin? Qui était enfin, Félicité, la sœur disparue de son père dont personne ne peut parler?

Victor n'est heureusement pas seul face à toutes ces questions. Gaspard, son meilleur ami, l'assiste dans toutes leurs entreprises. Et on passe de merveilleuses heures en compagnie de ce roman délicat qui pousse parfois, sans qu'on s'en rende compte, vers le fantastique. Gilles Paris a composé une nouvelle fois dans "L'été des lucioles" une formidable galerie de portraits, auxquels se joignent d'étonnants personnages secondaires qui ont toute leur importance. Il maîtrise allègrement son récit, et offre de très plaisants moments de lecture affectueuse.


Quelques secrets de fabrication

Le chemin des douaniers entre Roquebrune et Monaco. "C’est comme si le temps s’y était arrêté. On y trouve un côté désuet, proche des années '30. Il y a les senteurs, les pins maritimes, les palmiers, des espèces rares là-bas comme des agaves ou des aloés. On y voit d’un côté la Méditerranée et de l’autre, on aperçoit des villas-palais cachées derrière leurs murs. Le chemin des douaniers est un terrain de jeu pour les enfants et le point de départ de mon histoire. La Résidence du Grand-Hôtel du Cap-Martin existe. Elle est considérée comme un des plus beaux palaces de la Côte d’Azur. Quel cadre formidable pour un roman!"

Victor. "Il vient d’un précédent roman: il est le fils du gendarme dans "Autobiographie d’une courgette". Il est plus actif que mon précédent narrateur, Simon. Il écrit lui-même un roman du même titre que le mien, "L’été des lucioles". Petit bonhomme attachant, il est de plein pied dans sa réalité. Sa sœur Alicia a 14 ans. Elle est agaçante au départ, rebelle, elle fait des fugues. Mais elle est plus romantique qu’elle ne le montre. Elle cherche le premier amour et elle est proche de son père."

Les deux mamans. "L'idée est déjà ancienne. J’ai une amie d’enfance qui, après plusieurs histoires d’amour avec des hommes qui ne se sont pas toujours bien finies, a connu une parenthèse amoureuse de deux-trois ans avec une femme. Elle a trouvé là de la douceur, de la quiétude, du calme, puis elle est revenue vers les hommes. Les deux mamans de Victor ont eu une rencontre coup de foudre. Et puis comme le dit le narrateur, "il fallait qu’un adulte veille sur maman"."

Les jumeaux. "Ils existent vraiment, ils vivent près de La Rochelle. Ce sont deux adolescents blogueurs. Tom et Nathan lisent entre 80 et 100 livres par an. Ils ont tout donné à la lecture, mais contrairement à ce que j’écris, ils détestent l’histoire. Le site de Tom, celui de Nathan." 

Les papillons et les lucioles. "Ils sont le symbole de la métamorphose, de ce qui va arriver à chacun. Le père de Victor, personnage dans l’air du temps car irresponsable, se réhabilite à la fin quand il ose enfin affronter ses démons. Il  sera alors un homme transformé. Pilar aussi, elle qui a cette phobie fréquente chez les gens qui ont peur du changement. Les lucioles se situent bien dans mes thèmes, entre ombre et lumière. Petit, j’en ai vu." 

Faut-il grandir? "Sur certaines choses, c’est indispensable. Oui, pour avoir des armes pour affronter le quotidien. Non, pour continuer à garder l’enfant en soi, sa joie, son enthousiasme. Il faut grandir pour rendre sa vie merveilleuse, penser aux autres en plus de soi."

Changement de rythme d'écriture. "Après trois romans écrits avec un intervalle de dix ans entre eux, et celui-ci qui a suivi bien plus vite, je vais changer de rythme d’écriture, passer à un livre tous les deux-trois ans maintenant. Si j’ai des idées bien entendu, car j’écris pour me surprendre moi et pour surprendre mes lecteurs."

Pour "L'été des lucioles", la surprise est au rendez-vous et elle est bonne.


Les précédents romans de Gilles Paris 











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