Si vous avez raté la rencontre Coe & Cauwe à la Foire du livre de Bruxelles, ce n'est pas très grave.
L'auteur britannique a excellemment répondu, avec beaucoup de générosité, à mes questions à propos de son premier roman jeunesse, "Le miroir brisé" (traduit de l'anglais par Josée Kamoun, illustré par l'Italienne Chiara Coccorese, Gallimard Jeunesse, 112 pages) et de la genèse de ce livre.
Mais entre nous, ce premier essai en littérature de jeunesse n'est pas très bon, même s'il est plein de bonnes intentions.
On a de la peine à suivre l'histoire de la narratrice solitaire qui se réfugie dans ce qu'elle voit dans un bout de miroir, trouvé sur une décharge, pour contourner les aléas de sa vraie vie.On la voit grandir, passer de l'enfance à l'adolescence. Douter d'elle-même, éprouver ses premiers émois amoureux, prendre son miroir comme un doudou... Les drames et les difficultés de cet âge difficile sont tous là, et la fin, même si elle est ouverte, s'annonce plus heureuse que les années qui l'ont précédée.
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En même temps, Jonathan Coe publie un nouveau roman pour les adultes, "Expo 58" (traduit de l'anglais par Josée Kamoun, Gallimard, 330 pages), son dixième. Un sujet qui séduit bien entendu la Belge que je suis, puisqu'il se déroule aux alentours de l'Atomium. Même si je n'étais pas née au moment de l'Exposition universelle de 1958 - pas plus que l'auteur d'ailleurs!
Le Roi Baudouin, la Belgique joyeuse, les diverses attractions, que de références...
On retrouve bien dans le texte tant la joie de l'Expo que l'atmosphère de guerre froide qui régnaient à l'époque. Cette dernière d'autant plus perceptible que les autorités belges n'ont pas trouvé mieux que d'installer côte à côté les pavillons américain et russe! Ce qui donne pas mal de travail à tous les services secrets du monde.
Ceux de Grande-Bretagne ne sont pas en reste puisqu'on suit l'intrigue du roman à travers les yeux de Thomas Foley, fonctionnaire au ministère de l'information, détaché à Bruxelles le temps de l'exposition. Il sera responsable du "Britannia", le bar célébrant les bières et les inventions britanniques. L'occasion pour le jeune époux et père de famille de sortir de sa routine londonienne. Dans des limites qu'il n'avait pas imaginées au départ mais auxquelles il prend bien vite goût. On le découvre au fil du récit et des lettres qu'il échange avec Sylvia.
L'écrivain s'amuse dans ce roman historique qui parodie les romans d'espionnage. Il nous amuse aussi, le temps de la lecture de l'ouvrage. Et même si le livre se déroule essentiellement en Belgique, il donne un délicat portrait en creux de la société britannique de la fin des années 50.
Mais il n'atteint pas le niveau d'un livre plus ancien tel "La pluie, avant qu'elle tombe" (traduit de l'anglais par Serge Chaumin et Djamila Chauvin, Gallimard, 2009, Folio, 2010). Là, Jonathan Coe ne pourfend plus la politique britannique, mais il explore l’intime avec le même brio.
Ce roman est magnifique, prenant, bouleversant avec ses personnages d’un romanesque superbe. Moments de grâce et tragédies s’y donnent la réplique dans un style virtuose. Le canevas est simple: Rosamond vient de mourir à 73 ans; en rangeant sa maison, Gill, sa nièce et exécutrice testamentaire, découvre, entre autres choses curieuses qui s’expliqueront plus tard, quatre cassettes enregistrées. "Gill, ces cassettes sont pour Imogen", a griffonné Rosamond. "Si tu ne la retrouves pas, écoute-les toi-même."
Imogen est une lointaine cousine aveugle dont la famille a perdu la trace et que Gill ne parviendra pas à localiser. C’est donc elle qui écoutera les cassettes, en compagnie de ses deux filles. "J’espère, Imogen, que c’est toi qui m’écoutes", commence la voix de Rosamond qui explique qu’elle se sent une obligation envers elle, "un devoir que je n’ai jamais vraiment accompli".
Pour sa confession, la vieille dame a sélectionné vingt photos, "vingt scènes de ma propre vie (…) que je me propose de te raconter". Elle sait que son histoire concerne aussi Imogen et qu’elle est la seule à pouvoir la lui transmettre, la seule à pouvoir révéler ces secrets de famille.
Débute alors, à l’usage d’une aveugle, la description des vingt clichés: les personnages, les paysages, les scènes, mais aussi les odeurs, les musiques, les sensations. Tout de suite, on est pris par l’écriture de Jonathan Coe qui nous projette, sur fond de marche du monde et de la société, au cœur de tragédies familiales, d’une incapacité féminine à aimer se transmettant de génération en génération, de coïncidences à répétition. En numérotant les photos, le romancier enclenche un compte à rebours qui rappelle que cette lecture fascinante progresse inéluctablement.
Rosamond entame l’histoire de sa famille avant la guerre, elle l’achève de nos jours. "Une chose n’a pas besoin d’exister pour rendre heureux", écrit Coe qui déroule bonheurs et tristesses, joies et remords de Rosamond et de ses proches, dont sa cousine Beatrix, son aînée de trois ans. Celle dont la rencontre déterminera toute sa vie. Sa sœur de sang sera en effet la mère de Théa et la grand-mère d’Imogen, deux petites qu’elle a chéries à des époques différentes.
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