De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Hier et aujourd'hui, une salve d'albums pour enfants qui jouent avec l'art. De quoi s'ouvrir le regard, s'émerveiller et aussi s'amuser entre petits et grands.
Revoilà Hervé Tullet aujourd'hui avec le délicieux "On joue?" (Bayard Jeunesse, 64 pages). Un moyen format carré qui propose à l'enfant lecteur de jouer avec le livre (et avec l'auteur). C'est un point jaune posé sur une mince ligne noire qui s'adresse à lui: "Hé, te voilà! Je commençais à m'ennuyer... On joue?" Les présentations faites, on passe aux choses sérieuses: "Appuie sur le coin en haut à droite et je vais y aller." En double page suivante, le point jaune a effectivement changé de place. Les consignes se succèdent, toujours agrémentées de l'une ou l'autre considération personnelle et de jeux avec la fine ligne noire qui ondule et fait même les montagnes russes.
L'enfant fera changer les points jaunes de couleurs, participera à un jeu de cache-cache, explorera des lieux inquiétants, utilisera des formules magiques... Une séance de jeu totale, jubilatoire et magique, preuve que de simples points de couleur posés sur le papier créent une ambiance extraordinaire sans appel à l'électronique. Dès 2 ans.
Pas de ligne dans le livre animé d'Andy Mansfield, "Histoires de points" (traduit de l'anglais, Seuil Jeunesse, 24 pages), mais des points peints de toutes les couleurs, chaque couleur correspondant à une consigne; "prends" pour le mauve, "pousse" pour le vert, "tourne" pour l'orange... Mais il y a aussi 45 points à trouver dans les consignes présentées en animations de papier. La première est facile: "Trouve 1 point rouge"; il est caché sous des rabats à plier. Mais à chaque page, il faut en trouver davantage: 2 points orange (en effectuant des pliages dans le bon ordre), 3 points roses, 4 points verts....
Les casse-têtes variés utilisent des roues, des tirettes, des miroirs, des éléments qui se déploient. C'est beau et intelligent, faisant appel à la logique du lecteur tout en éveillant son sens artistique. A partir de 4 ans.
David A. Carter n'est plus à présenter tant il a créé de nombreux livres pop-up superbes ("Un point rouge", "Carré jaune", "2 bleu", "600 pastilles noires" chez Gallimard, "Cache-cache" et "Le livre à pois" chez Albin Michel, etc.). Le revoici avec un album qui n'est pas un pop-up mais une série de six "Puzzles 3D" de couleurs vives à assembler pour créer des géométries en relief ou des sculptures originales en mélangeant les pièces.
En face des pièces à détacher dont les découpes à assembler sont indiquées par des flèches, un petit texte sur les formes et les couleurs. Heureusement la quatrième de couverture donne la photo des puzzles assemblés. De quoi créer une sphère, un cube, une pyramide, un pavé, un cylindre, un cône, à l'aide de cercles, de triangles, de rectangles et de pavés. Ou tout ce qu'on veut en utilisant les découpes autrement. Fabuleux, non? Attention toutefois à bien replacer les pièces dans les encoches des pages pour ne pas les perdre. Dès 5 ans.
Dans les mêmes couleurs que le précédent, mais en lignes à suivre, "Mondrian" de Claire Zucchelli-Romer (Palette, 13 pages animées) est un pop-up en accordéon qui propose une approche originale car visuelle et tactile de l'œuvre de l'artiste néerlandais. Ce bel album est un pop-up puisque des éléments apparaissent en relief quand on tourne les pages. Mais c'est un pop-up accordéon car chaque double page animée est la suite de la précédente et annonce la suivante, jusqu'à l'apothéose finale, en 3D, en lignes et en couleurs. Dépliée, la fresque est plus qu'impressionnante et permet de jouer avec le travail de Mondrian, lignes droites et couleurs vives. Pour tous.
Autre maître de la couleur, mais dans un autre style, Henri Matisse bien entendu. Deux albums s'intéressent à la période où le peintre inventa les papiers découpés.
"Monsieur Matisse" de Anne-Marie van Haeringen (traduit du néerlandais par Gabrielle Bourlionne, Sarbacane, 32 pages) raconte dans un style graphique épuré comment Henri Matisse inventa les papiers découpés parce qu'il n'était plus physiquement capable de peindre et que la création le démangeait. Il découpe alors des papiers de couleurs et demande à son assistante de les fixer au mur, là où il le lui indique. Il le fait à l'hôpital où il a subi une opération, il le fait chez lui à son retour.
Il fixe ses souvenirs, fleurs, fruits, coraux, algues, pris d'urgence: "et si toutes ces belles images disparaissaient de ma tête?" Dans sa chambre qui est désormais son lieu de vie, il continue à faire entrer le monde et à l'habiller de ses couleurs. Tout lui sert, même le courant d'air qui fait s'envoler la femme qu'il était en train de créer de ses ciseaux et qui retombe sur le sol, telle une sirène. De son lit, Matisse dirige la manœuvre, sur son échelle, son assistante suit les consignes. Il est heureux, il sculpte la couleur. Et les murs de sa chambre deviennent la toile d'un tableau géant et magnifique, un jardin où lui, l'escargot géant, se promène inlassablement.
L'album est illustré du superbe dessin géant "La Perruche et la Sirène". Incarné, il retrace à la fois la réaction d'un vieil homme face à la maladie qui le handicape et celle du peintre dont les œuvres ultimes ont été de plus en plus grandes, de plus en plus ambitieuses, de plus en plus gaies, et finalement de plus en plus fortes. Dès 4 ans.
C'est le même sujet qu'aborde "Le jardin de Matisse" de Samantha Friedman, illustré par Cristina Amodeo (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise de Guibert, Albin Michel Jeunesse, 60 pages). Un album qui a pris le parti d'images découpées pour illustrer l'invention par Henri Matisse des papiers découpés, dans des feuilles de papier blanc dans un premier temps, coloré ensuite. Si l'ouvrage suit de plus près la démarche artistique du peintre que le précédent, il paraît toutefois moins vivant. La raison réside sans doute dans le choix de la technique d'illustration. N'est pas Matisse qui veut et le côté réaliste des images leur donne plutôt de la froideur et de la raideur. Par contre, le livre est illustré de plusieurs œuvres du peintre, et cela, c'est un véritable bonheur. Dès 6 ans.
Grand dessinateur, Serge Bloch invite les enfants à "muscler leur imagination" dans le manuel "3, 2, 1... dessin" (Bayard jeunesse, 80 pages). L'expression est peut-être un peu forte mais le propos est intéressant car il invite à regarder autrement les éléments quotidiens. Une aubergine devient une bestiole qui parle, une série d'asperges donne l'illusion d'une forêt, les cocottes-minute deviennent des "cocottes robotes", un bol permet de raconter l'histoire de ceux qui s'y installent... Et ce n'est qu'une partie des suggestions à propos de la cuisine. Les autres lieux de vie, salon, chambre à coucher, salle de bains, sans oublier la boîte à outils et le jardin, sont autant de tremplins pour l'imagination. En tout, ce sont 50 objets du quotidien qui sont photographiés et proposés au dessin de chacun, Serge Bloch en réalisant chaque fois un pour amorcer la pompe aux idées. Dès 5 ans.
"Haïti, une île sous le vent" de William Wilson (Gallimard Jeunesse/Giboulées, 48 pages).
L'histoire de cette île par un texte et surtout de surprenantes tentures en perles et paillettes. Dès 11 ans.
"Bonhomme d'art brut" de Lucienne Peiry (Editions Thierry Magnier, 28 pages).
Une invitation bilingue français-anglais à observer douze œuvres de Bill Traylor, Chaissac et Gaston Duf, et les techniques de l'art brut. Dès 4 ans.
"Sortie de joueur" de Sophie Daxhelet (A pas de loups, 48 pages).
Un homme biographique au Douanier Rousseau à New York par ses personnages et ses œuvres. Dès 8 ans.
... après tous ces tableaux, toutes ces couleurs, tout cet art, je recommande bien entendu le "Livre sans images" de B.J. Novak (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Geneviève Brisac, l'école des loisirs, 52 pages). Un livre sans aucune illustration qui donne la réplique, et quelle réplique, aux "enfants qui trouvent que ce n'est pas drôle de se faire livre un livre sans images". Entre nous, ne parlons pas des adultes qui repoussent en général l'idée de lire aux enfants des livres sans textes...
Ici, le principe est simple, "tous les mots écrits dans le livre doivent être dits à haute voix par la personne qui fait la lecture", et jubilatoire puisque l'auteur glisse des mots bizarres ("Tchok"), des expressions curieuses ("Je suis un singe qui a appris à lire tout seul" ou "J'ai une tête remplie de pizza aux myrtilles") qui sont l'occasion d'autant d'interrogations et de commentaires. Les bizarreries sont en typographies variées et en couleurs vives, le texte "normal" en noir. C'est évidemment très rigolo vu l'engagement pris au début de tout lire, sans exception, et l'accumulation d'étrangetés. Un livre aussi dingo que rigolo. Dès 5 ans.
Pour le feuilleter, c'est ici.
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Hier et aujourd'hui, une salve d'albums pour enfants qui jouent avec l'art. De quoi s'ouvrir le regard, s'émerveiller et aussi s'amuser entre petits et grands.
La ligne à suivre
C'est en 1994 que Hervé Tullet est apparu en littérature jeunesse avec l'album à trous "Comment Papa a rencontré Maman" (Hachette Jeunesse) qui sera suivi l'année suivante de "Comment j'ai sauvé mon Papa" (Hachette Jeunesse); les deux titres seront ensuite repris au Seuil Jeunesse qui devient son éditeur principal pendant dix ans, avant qu'il ne passe logiquement chez Panama et se disperse un peu ensuite. L'artiste se fait immédiatement remarquer par son graphisme moderne et joyeux, déclinant les formes simples et les couleurs vives, et bien entendu le plaisir et l'humour.
Revoilà Hervé Tullet aujourd'hui avec le délicieux "On joue?" (Bayard Jeunesse, 64 pages). Un moyen format carré qui propose à l'enfant lecteur de jouer avec le livre (et avec l'auteur). C'est un point jaune posé sur une mince ligne noire qui s'adresse à lui: "Hé, te voilà! Je commençais à m'ennuyer... On joue?" Les présentations faites, on passe aux choses sérieuses: "Appuie sur le coin en haut à droite et je vais y aller." En double page suivante, le point jaune a effectivement changé de place. Les consignes se succèdent, toujours agrémentées de l'une ou l'autre considération personnelle et de jeux avec la fine ligne noire qui ondule et fait même les montagnes russes.
L'enfant fera changer les points jaunes de couleurs, participera à un jeu de cache-cache, explorera des lieux inquiétants, utilisera des formules magiques... Une séance de jeu totale, jubilatoire et magique, preuve que de simples points de couleur posés sur le papier créent une ambiance extraordinaire sans appel à l'électronique. Dès 2 ans.
45 points à trouver
Pas de ligne dans le livre animé d'Andy Mansfield, "Histoires de points" (traduit de l'anglais, Seuil Jeunesse, 24 pages), mais des points peints de toutes les couleurs, chaque couleur correspondant à une consigne; "prends" pour le mauve, "pousse" pour le vert, "tourne" pour l'orange... Mais il y a aussi 45 points à trouver dans les consignes présentées en animations de papier. La première est facile: "Trouve 1 point rouge"; il est caché sous des rabats à plier. Mais à chaque page, il faut en trouver davantage: 2 points orange (en effectuant des pliages dans le bon ordre), 3 points roses, 4 points verts....
Les casse-têtes variés utilisent des roues, des tirettes, des miroirs, des éléments qui se déploient. C'est beau et intelligent, faisant appel à la logique du lecteur tout en éveillant son sens artistique. A partir de 4 ans.
Créations en 3D
En face des pièces à détacher dont les découpes à assembler sont indiquées par des flèches, un petit texte sur les formes et les couleurs. Heureusement la quatrième de couverture donne la photo des puzzles assemblés. De quoi créer une sphère, un cube, une pyramide, un pavé, un cylindre, un cône, à l'aide de cercles, de triangles, de rectangles et de pavés. Ou tout ce qu'on veut en utilisant les découpes autrement. Fabuleux, non? Attention toutefois à bien replacer les pièces dans les encoches des pages pour ne pas les perdre. Dès 5 ans.
Découvrir Piet Mondrian
Matisse en stéréo
"Monsieur Matisse" de Anne-Marie van Haeringen (traduit du néerlandais par Gabrielle Bourlionne, Sarbacane, 32 pages) raconte dans un style graphique épuré comment Henri Matisse inventa les papiers découpés parce qu'il n'était plus physiquement capable de peindre et que la création le démangeait. Il découpe alors des papiers de couleurs et demande à son assistante de les fixer au mur, là où il le lui indique. Il le fait à l'hôpital où il a subi une opération, il le fait chez lui à son retour.
Il fixe ses souvenirs, fleurs, fruits, coraux, algues, pris d'urgence: "et si toutes ces belles images disparaissaient de ma tête?" Dans sa chambre qui est désormais son lieu de vie, il continue à faire entrer le monde et à l'habiller de ses couleurs. Tout lui sert, même le courant d'air qui fait s'envoler la femme qu'il était en train de créer de ses ciseaux et qui retombe sur le sol, telle une sirène. De son lit, Matisse dirige la manœuvre, sur son échelle, son assistante suit les consignes. Il est heureux, il sculpte la couleur. Et les murs de sa chambre deviennent la toile d'un tableau géant et magnifique, un jardin où lui, l'escargot géant, se promène inlassablement.
L'album est illustré du superbe dessin géant "La Perruche et la Sirène". Incarné, il retrace à la fois la réaction d'un vieil homme face à la maladie qui le handicape et celle du peintre dont les œuvres ultimes ont été de plus en plus grandes, de plus en plus ambitieuses, de plus en plus gaies, et finalement de plus en plus fortes. Dès 4 ans.
C'est le même sujet qu'aborde "Le jardin de Matisse" de Samantha Friedman, illustré par Cristina Amodeo (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise de Guibert, Albin Michel Jeunesse, 60 pages). Un album qui a pris le parti d'images découpées pour illustrer l'invention par Henri Matisse des papiers découpés, dans des feuilles de papier blanc dans un premier temps, coloré ensuite. Si l'ouvrage suit de plus près la démarche artistique du peintre que le précédent, il paraît toutefois moins vivant. La raison réside sans doute dans le choix de la technique d'illustration. N'est pas Matisse qui veut et le côté réaliste des images leur donne plutôt de la froideur et de la raideur. Par contre, le livre est illustré de plusieurs œuvres du peintre, et cela, c'est un véritable bonheur. Dès 6 ans.
Passage à l'acte
En bref
L'histoire de cette île par un texte et surtout de surprenantes tentures en perles et paillettes. Dès 11 ans.
"Bonhomme d'art brut" de Lucienne Peiry (Editions Thierry Magnier, 28 pages).
Une invitation bilingue français-anglais à observer douze œuvres de Bill Traylor, Chaissac et Gaston Duf, et les techniques de l'art brut. Dès 4 ans.
"Sortie de joueur" de Sophie Daxhelet (A pas de loups, 48 pages).
Un homme biographique au Douanier Rousseau à New York par ses personnages et ses œuvres. Dès 8 ans.
Et pour se reposer les yeux....
... après tous ces tableaux, toutes ces couleurs, tout cet art, je recommande bien entendu le "Livre sans images" de B.J. Novak (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Geneviève Brisac, l'école des loisirs, 52 pages). Un livre sans aucune illustration qui donne la réplique, et quelle réplique, aux "enfants qui trouvent que ce n'est pas drôle de se faire livre un livre sans images". Entre nous, ne parlons pas des adultes qui repoussent en général l'idée de lire aux enfants des livres sans textes...
Ici, le principe est simple, "tous les mots écrits dans le livre doivent être dits à haute voix par la personne qui fait la lecture", et jubilatoire puisque l'auteur glisse des mots bizarres ("Tchok"), des expressions curieuses ("Je suis un singe qui a appris à lire tout seul" ou "J'ai une tête remplie de pizza aux myrtilles") qui sont l'occasion d'autant d'interrogations et de commentaires. Les bizarreries sont en typographies variées et en couleurs vives, le texte "normal" en noir. C'est évidemment très rigolo vu l'engagement pris au début de tout lire, sans exception, et l'accumulation d'étrangetés. Un livre aussi dingo que rigolo. Dès 5 ans.
Pour le feuilleter, c'est ici.
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 5: le lapin à toutes les sauces.DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
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