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vendredi 7 juin 2019

Et si on recoiffait Struwwelpeter?


Première version du Struwwelpeter en 1845.

Struwwelpeter est ce petit bonhomme à cheveux hirsutes et ongles jamais coupés, né de l'imagination du Dr Heinrich Hoffmann (1809-1894) en 1845 et héros d'aventures dramatiques et fascinantes sur lesquelles les enfants de tous temps ne se trompent pas - ils savent rire de ce qui inquiète les adultes. Dire que le livre fut créé par le psychiatre francfortois simplement à destination de son fils de trois ans - comme Claude Ponti fit en 1986 "Adèle" pour sa fille nouvellement née. On sait ce qu'il en est advenu! Près de 175 ans après sa création, trente-cinq millions d'exemplaires de "Struwwelpeter" ont été vendus en allemand. Le livre a déjà été traduit en quarante-cinq langues et en de nombreux dialectes, ce qui donne un léger vertige mais fait plaisir et rassure: l'intemporel chenapan suit son chemin et résiste remarquablement aux courants politiquement corrects.

L'apparence classique de Struwwelpeter.


Publié en allemand en 1845, "Struwwelpeter" a été traduit en 1847 en danois et en 1848 en anglais. Il apparaît en français en version abrégée en 1850, en version complète en 1860, mais ne devient pas ici le best-seller qu'il est de l'autre côté du Rhin. Aujourd'hui encore, on en vend environ 400 exemplaires par an. Rappelons que c'est François Cavanna qui a revu sa traduction française en 1979, optant pour l'appellation de "Crasse-Tignasse" (lire ici) et donnant à lire un texte particulièrement jubilatoire - on trouve aussi des traductions françaises parlant de "Pierre l'Ebouriffé".

Si on reparle aujourd'hui de "Crasse-Tignasse", c'est parce qu'est arrivée à Bruxelles, au Wolf, l'exposition qu'avait montée Dominique Petre, chargée de mission culturelle de l'IFRA/Institut français Frankfurt, pour le musée Strewwelpeter de Francfort en 2017, l'année où la France était l'invitée d'honneur de la Buchmesse. "Struwwelpeter recoiffé" propose quatorze interprétations du personnage du Dr Hoffmann. Quatorze interprétations contemporaines et francophones, dues à des créateurs jeunesse de France, de Belgique, de Suisse et du Canada. Chacun était libre de faire son Strewwelpeter ou d'illustrer une de ses histoires.


Kitty Crowther.

Claude K. Dubois.
L'expo au Wolf s'ouvre sur les œuvres des trois Belges: un portrait du héros par Kitty Crowther, une histoire de Pauline en vignettes par Claude K. Dubois, un tableau d'Anne Brouillard regorgeant de références au livre dans ses détails.


Anne Brouillard.

Chen.

Plus loin, derrière le comptoir on découvre la version méditative de Struwwelpeter par Chen et son nom en chinois et le Strewwelpeter recoiffé de Marc Boutavant (ce dernier lui avait déjà consacré sa lettre dans l'alphabet créé par Montreuil pour Francfort (lire ici).


Marc Boutavant.


Emmanuelle Houdart.
Dans la pièce suivante, place aux Suisses Emmanuelle Houdart et Albertine avec la "Robe de Pauline" pour la première et un Strewwelpeter peu chevelu au milieu de ses personnages pour la seconde. Viennent ensuite les Français Blexbolex, au style si reconnaissable, Edouard Manceau avec un "Eddy qui dit non", à la manière de Hoffmann dans le couloir menant à la pièce où figurent Anaïs Vaugelade et son histoire à la manière de Strewwelpeter et dont la conclusion est "Oui les maigres aiment aussi le poulet", des photos d'une sculpture de Christian Voltz faite pour l'expo mais trop fragile pour être transportée et de deux œuvres antérieures sur le même thème, une extraordinaire carte 3D en papier découpé d'Anouck Boisrobert et Louis Rigaud, sans oublier les chats de la Canadienne Marianne Dubuc qui pleurent Pauline et ses souliers rouges.

En bonus, deux tableaux représentant Noël chez Heinrich Hoffmann lorsqu'il créa son célèbre livre d'images pour son fils et une planche reprenant les caricatures de personnages français par trois illustrateurs allemands. Autant de créations très intéressantes, pas toujours bien mises en valeur à cause de la configuration exiguë du lieu d'accueil.

Anouck Boisrobert et Louis Rigaud.

Bien sûr, Strewwelpeter a déjà inspiré beaucoup d'artistes, de Benjamin Rabier à Benoît Jacques, en passant par Claude Lapointe. Il a été copié, décliné, caricaturé, parodié, utilisé à l'endroit et à l'envers au fil des décennies, en 2D et en 3D. En témoignent agréablement les vitrines conçues grâce au Théâtre du Tilleul qui lui avait consacré en 1995 à Bruxelles un colloque et repris son spectacle en théâtre d'ombres créé en 1983.

"Un enfant terrible", Paul Gavarni.
Et il est amusant de penser que "Struwwelpeter recoiffé" ramène en quelque sorte le héros à son pays d'origine. En effet, il semble bien que Heinrich Hoffmann ait été influencé par une caricature de Paul Gavarni, "Un enfant terrible", vue dans la revue "Le Charivari" lors de son séjour à Paris. L'exposition créée en Allemagne avec des illustrateurs francophones boucle alors en quelque sorte la boucle.


Pratique
"Struwwelpeter recoiffé"
Le Wolf
Rue de la Violette 20 à 1000 Bruxelles
Jusqu'au 30 juillet, de mercredi au dimanche de 10 à 18 heures.
Entrée libre.






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