Joël Dicker. (c) DR. |
On le savait depuis janvier. Joël Dicker ("La Vérité sur l'affaire Harry Quebert", de Fallois, 2012, plus de cinq millions d'exemplaires en quarante langues, ainsi que d'autres polars à succès vendus à plus de dix millions d'exemplaires) se lançait en littérature de jeunesse avec le roman "La Très catastrophique visite du zoo", paraissant le 4 mars sous le label de Rosie & Wolfe, la maison d'édition qu'il a fondée à Genève en 2021 après la mort de son éditeur Bernard de Fallois (1926-2018) et la fermeture de la maison de ce dernier en 2021. Fort de 256 pages, il est tiré à 450.000 exemplaires. Bigre.
Il s'agit du neuvième titre pour l'écrivain suisse, différent des précédents: moins gros, ne se déroulant pas aux États-Unis, pas polar mais proposant néanmoins une enquête. Et pas n'importe quelle enquête. Une enquête menée par des enfants. Avec ce roman, l'auteur ambitionne de toucher un lectorat de 7 à 120 ans. Apôtre de la lecture, il pense que parents et enfants pourront se rencontrer après avoir lu son livre. Et en discuter. Fameux défi. Le relève-t-il? A lire en ligne les avis de lecteurs, sans doute davantage des lectrices, grand oui. A lire l'avis de bibliothécaires jeunesse, petit oui. Le mien? Petit oui aussi.
"J'ai
voulu un livre pour tout public", nous dit Joël Dicker, de passage à Bruxelles.
"Je ne l'avais pas envisagé avant de commencer. Mais au fur et à mesure
que j'avançais dans l'écriture, je me rendais compte que Joséphine, la
narratrice, pouvait s'adresser à des enfants". L'intrigue? Une bande de six enfants, tous des garçons sauf Joséphine, mène de main de maître, épaulée par quelques adultes bienveillants, une enquête. Elle commence lors d'un incident banal, l'inondation de l'école des Pics Verts où ils sont scolarisés. Très vite, il apparaît que les lavabos ont été bouchés par de la plasticine. Ce n'est donc pas un accident.
Déménagés avec leur directrice dans l'école voisine, celle des enfants "normaux", les six enfants de l'école "spéciale" vont chercher à en savoir plus. La construction du livre fait penser à la vieille chanson "Tout va très bien madame la marquise", chaque événement catastrophique - pour reprendre le titre - menant à un autre l'ayant précédé, tout aussi catastrophique. Page turner assuré.
"Avec le recul, je constate que j'ai toujours été à cheval sur plusieurs genres dans mes livres", reprend Joël Dicker. "Ici, vu que des enfants vont me lire, je n'ai pas mis de meurtre mais des choses dont on sort heureux. Le terrain de l'enfance est celui de la liberté de parole, de l'humour, des questionnements." Effectivement, au fil des chapitres apparaissent les questions de la démocratie, de l'autorité, de la diversité, de l'enseignement, de la place de l'école. Et aussi de l'amour.
"Joséphine, la narratrice, est juste un personnage. Ce n'est pas moi. Bien sûr, elle a un peu de moi comme tous les autres personnages. Elle est forcément la combinaison de tout un tas d'expériences. Joséphine est une enfant un peu intrépide, curieuse, la cheffe de cette équipe. Avec elle, j'ai voulu rendre hommage à la femme, à sa capacité de faire bouger les choses."
L'écrivain s'est donné pour mission de faire lire. "Tout le monde aime lire", avance-t-il. "Mon roman est divertissant, comporte de l'humour. Je donne aussi des "petits biscuits" pour que le lecteur reste avec moi, comme un système de récompense. Écrire pour les enfants signifie pour moi éviter la violence, pas de meurtre donc, et le sexe. Sans autre effort particulier. Le monde de l'enfance doit être protégé. Je me suis mis dans la peau d'un enfant comme quand, dans "Harry Québert", j'avais raconté ce que je connais de l'Amérique du nord. J'ai fait pareil pour ce personnage de Joséphine".
Au final, "La très catastrophique visite du zoo" se lit sans bouleverser ou émouvoir la lectrice que je suis. L'écriture est descriptive sans réel souffle, les clichés abondent en positif comme en négatif. Certains mots de vocabulaire sont largement expliqués alors qu'ils sont simples, d'autres plus compliqués sont laissés tels quels. "J'ai écrit le texte comme cela me parlait." Si l'enquête de Joséphine, Artie l'hypocondriaque, Thomas le karatéka, Otto le lettré par ailleurs fils de divorcés, Giovanni le gosse de "très riches" et Yoshi le mutique qui ne parle "jamais-jamais", se complexifie de chapitre en chapitre pour se terminer sur un joli coup de théâtre, elle aborde l'air de rien les différences entre école classique et école active. Elle joue avec les mots comme ces "amandes honorables". Elle propose de l'humour jusque dans une injure comme "Sacré nom d'un souffleur de boudin". Elle explique magnifiquement le système des élections et des votes. Elle évoque la démocratie et la diversité. Elle est un page turner assez artificiel quoique divertissant. Mais elle s'oublie bien plus vite que d'autres romans en littérature pour adolescents. Lecteur de Roald Dahl, Joël Dicker devrait lire la trilogie "Angie" de Marie-Aude et Lorris Murail (lire ici).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire