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mardi 10 juin 2014

LA ttend avec impatience son "cher Charles"

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Charles Dantzig. (c) Zazzo

Mon "cher Charles", c'est bien sûr Charles Dantzig qui sera à Bruxelles ce mercredi 11 juin à 20 h. Invité à Passa Porta en marge du colloque sur les "Figures du critique-écrivain" (du 11 au 13 juin au Palais des Académies, renseignements ici), il répondra aux questions de Gilles Collard. Notamment sur son dernier livre "A propos des chefs-d'œuvre" (Grasset, 2013). Mais sans doute aussi au sujet de son œuvre de romancier ("Nos vies hâtives", "Dans un avion pour Caracas"), de poète ("Les Nageurs", "La diva aux longs cils"), d'essayiste ("Pourquoi lire?", "Dictionnaire égoïste de la littérature"), ou d'éditeur (la collection "Cahiers rouges" chez Grasset notamment, la "Revue du club Stendhal"). Ce qui est certain, c'est qu'il sera question de livres, de littératures, de curiosités littéraires et qu'on ne risque pas de s'ennuyer.

Le livre "A propos des chefs-d'œuvre", officiellement catalogué essai, est en réalité un passionnant inventaire d'ouvrages magnifiques aux yeux de Charles Dantzig, qui nous permettent d'être au-dessus de nous-mêmes et dont la lecture vaut mille fois les efforts consentis. On y découvre une collection de tapis rouges variés que l'auteur-lecteur déroule avec enthousiasme vers "ses" chefs-d'œuvre,  Homère, Cervantès, Shakespeare, Heine, Musil, Proust, et d'autres noms plus inattendus.

Pour le lecteur-lecteur, c'est tout simple. Il n'a qu'à se laisser conduire par l'érudit brillant, généreux de son savoir, débordant d'idées originales et justes. Si Charles Dantzig s'intéresse aux chefs-d'œuvre littéraires, il évoque aussi le cinéma et la musique. "On pourrait dire", écrit-il, "que le chef-d'œuvre littéraire est un grand livre contre lequel il n’y a plus d’objection."

Lesquels lire alors? Venu présenter son livre l'an dernier à Bruxelles, Charles Dantzig osait: "Je dirais comme Jean-Paul II: "N'ayez pas peur!" Car il ne faut pas qu’il y ait de timidité face au chef-d'œuvre. Je suis pour l'élitisme pour tout le monde. Car le chef-d'œuvre est pour tout le monde."

Son conseil est d'aller en librairie, de s'arrêter à la lettre P, de prendre un livre de Proust, de l'ouvrir et de le lire. "Vous verrez que c'est moins difficile que vous ne le pensez", plaide-t-il, "mais peut-être vous faudra-t-il faire un effort." L'effort! "Dans le monde contemporain, l'effort est valorisé pour réussir dans son entreprise, dans le sport, dans l'argent. Mais quand il s'agit de littérature, il devient douteux. Pourtant, c'est comme l’Himalaya. Quelle récompense que la vue qu’on a d'en haut! Il peut arriver que lire certains livres soit compliqué, mais quelle gratification à l'arrivée! Ce n'est pas de l’élitisme, c'est une récompense personnelle." 

Comme je suis d'accord avec mon "cher Charles".

Je l'écouterais sans fin plaider pour sa chapelle, "A propos des chefs-d'œuvre": "J'ai fait le choix de courts chapitres (plus de 70), titrés chaque fois, parce que c'est un livre de réflexion mais aussi un livre de littérature, qui demande de la forme et du rythme. Un livre est une danse avec le lecteur. Il faut varier le rythme, ce n'est pas un paquebot, il faut que ce soit gracieux pour que le lecteur nous suive. Les lecteurs ne sont pas des élèves en classe avec le Lagarde et Michard, considéré comme le canon, alors que le canon est fait pour tirer sur les lecteurs. Il m'est arrivé de ne pas reconnaître en les lisant des livres que j'avais vus présentés dans le Lagarde et Michard. Napoléon a tout militarisé, y compris l'enseignement. Les élèves doivent obéir aux maîtres, ils sont devenus des soldats."

L'ouvrage de Charles Dantzig n'est pas "un livre de développement personnel (sourire en coin), mais la sacralisation des chefs-d'œuvre à adorer." Il célèbre les auteurs: "Dans le chef-d'œuvre, il y a une part de déraison, de lâcher prise. Marcel Proust, par exemple, lâche le bonheur de sa vie d'être mondain et s'enferme dans une chambre pour écrire "La Recherche". Cela montre bien combien est enchanteresse la folie liée au chef-d'œuvre!"

L'écrivain invite aussi à ne pas confondre chef-d'œuvre et célébrité: "C'est céder à la facilité. Certains livres sont tamponnés chefs-d'œuvre, cela nous permet d'éviter de les lire. On accepte le label. On met des comprimés dans sa bibliothèque: “Ouf, je l'ai!” C'est très injuste pour ces livres non lus."

Dans la même foulée, il remballe le classicisme, "notion inventée pour imposer des jugements a priori." Il préfère évoquer le sentiment d'élévation qu'on a quand on lit un chef-d'œuvre: "On est au-dessus de nous-même et c'est pour cela qu'on leur doit tout."

Cette notion de dette a été à l'origine de sa recherche, tout comme le concept de chef-d'œuvre, né il y a 250 ans et accepté comme cela. "Je suis parti du raisonnement et j'avais une dette de gratitude envers tous ces livres que j'ai lus dès l'enfance, qui m'ont sauvé la vie."

Avant de repartir vers ses chers chefs-d'œuvre, Charles Dantzig avance une autre idée: "Je pense qu'il existe en chacun d'entre nous un chef-d'œuvre matrice de quand nous étions enfant, un livre lu dans l'enfance qui nous a profondément marqué et nous a fait découvrir quelque chose de nous-même. Pour moi, il s’agit de "La plus mignonne des petites souris", d'Etienne Morel, un album du Père Castor qui vient d'être réédité par Flammarion. Ce livre contient tout ce que j'ai aimé, tout ce que je devais devenir. C'est Roméo et Juliette, il est shakespearien. La différence des classes, un mariage, un souriceau qui porte frac et haut de forme comme Robert de Saint-Loup, de Proust, mon personnage préféré de La recherche. La souris et le souriceau qui prennent un hélicoptère, d'où ma passion pour la poésie et la fantaisie de Max Jacob. Pour toute personne, on pourrait trouver cela. Il faut faire l'archéologie de nos lectures."

Et ne pas oublier de se rendre en librairie et d'y aller à la lettre P.

Et avant cela, passer à Passa Porta ce mercredi 11 juin écouter mon "cher Charles".


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