Les dames du Prix Femina se sont avancées les premières dans la grande aventure des prix littéraires de l'automne 2016. Avant même les Immortels qui ne choisiront le lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française que jeudi.
Réunies ce mardi 25 octobre au Cercle de l'Union interalliée, Faubourg Saint-Honoré, à Paris, les jurées ont choisi Marcus Malte pour son livre "Le garçon" (Zulma), par sept voix contre trois à Nathacha Appanah ("Tropique de la violence", Gallimard).
"Le garçon"... Choisi par un jury entièrement féminin, j'avoue que c'est cocasse. Le titre, pas le sexe de l'auteur, les dames du Femina n'ayant pas vocation de récompenser uniquement des romans de femmes.
C'est l'histoire d'un garçon sauvage, sans nom, qui ne parle pas, né il y a un siècle dans le sud de la France. Il ne connaît rien du monde, à part sa mère et les alentours de leur cabane. Mais en 1908, il prend la route. Il rencontrera alors les hommes: les habitants d'un hameau perdu, Brabek l'ogre des Carpates, philosophe et lutteur de foire, l'amour combien charnel avec Emma, mélomane lumineuse, à la fois sœur, amante, mère. "C'est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l'existence: nombre de ravages et quelques ravissements", écrit l'auteur. Ensuite ce sera, la guerre, le carnage, la folie des hommes et de la civilisation.
"Le garçon" est certes un roman initiatique puisqu'on voit son héros se découvrir et s'éveiller à la conscience du monde. C'est surtout un remarquable portrait, taillé à la serpe des phrases courtes et bien balancées de Marcus Malte. Mais si ses expériences sont parfois tragiques, elles peuvent aussi être cocasses, ce qui n'est pas à dédaigner.
On peut lire le début (33 pages) du livre primé ici.
Le Femina étranger va au Libanais Rabih Alameddine pour "Les Vies de papier" (traduit de l'anglais par Nicolas Richard, Les Escales), par cinq voix contre quatre pour Petina Gappah ("Le livre de Memory", JC Lattès).
Voilà ce qu'en dit sa maison d'édition:
"Roman éblouissant à l'érudition joueuse, célébrant la beauté et la détresse de Beyrouth, "Les Vies de papier" est une véritable déclaration d'amour à la littérature.
Rabih Alameddine est peintre et romancier. Né à Amman en Jordanie de parents libanais, il partage aujourd'hui son temps entre San Francisco et Beyrouth.
Paru en français lors de la rentrée littéraire 2016, "Les Vies de papier" raconte le quotidien d'une femme hors du commun, amoureuse des livres et de la littérature, au cœur du conflit libanais. Aaliya Saleh, 72 ans, les cheveux bleus, a toujours refusé les carcans imposés par la société libanaise. À l'ombre des murs anciens de son appartement, elle s'apprête pour son rituel préféré. Chaque année, le 1er janvier, après avoir allumé deux bougies pour Walter Benjamin, cette femme irrévérencieuse et un brin obsessionnelle commence à traduire en arabe l’une des œuvres de ses romanciers préférés: Kafka, Pessoa ou Nabokov. À la fois refuge et "plaisir aveugle", la littérature est l'air qu'elle respire, celui qui la fait vibrer comme cet opus de Chopin qu'elle ne cesse d'écouter. C'est entourée de livres, de cartons remplis de papiers, de feuilles volantes de ses traductions qu'Aaliya se sent vivante."
Enfin, le Femina essai a été remis à Ghislaine Dunant pour "Charlotte Delbo, la vie retrouvée" (Grasset), par six voix contre quatre en faveur de Jacques Henric ("Boxe", Seuil).
La biographe retrace la vie de cette auteure engagée et résistante rescapée d'Auschwitz. Une brique écrite d'une plume allègre où l'on sent bien la résonance entre Delbo et Dunant. Les quatre premières pages sont à lire ici.
Ce qui ne saurait effacer des mémoires la précédente biographie de "Charlotte Delbo", portant tout simplement son nom en titre, publiée chez Fayard il y a seulement trois ans par Violaine Gelly et Paul Gradvohl (lire le début ici).
Pour rappel, la dernière sélection du Prix Femina, cinq livres dans chacune des catégories.
Romans français
- Nathacha Appanah, "Tropique de la violence" (Gallimard)
- Luc Lang, "Au commencement du septième jour" (Stock)
- Marcus Malte, "Le garçon" (Zulma)
- Laurent Mauvignier, "Continuer" (Minuit)
- Thierry Vila, "Le cri" (Grasset)
Romans étrangers
- Rabih Alameddine, "Des vies de papier" (Les Escales)
- Petina Gappah, "Le livre de Memory" (JC Lattès)
- Edna O'Brien, "Les petites chaises rouges" (Sabine Wespieser)
- Valerio Romao, "Autisme" (Chandeigne)
- Gonçalo M. Tavares, "Matteo a perdu son emploi" (Viviane Hamy)
Essais
- Ghislaine Dunant, "Charlotte Delbo, La vie retrouvée" (Grasset)
- Tristan Garcia, "La vie intense, une obsession moderne" (Autrement)
- Jacques Henric, "Boxe" (Seuil)
- Vénus Khoury-Ghata, "Les derniers jours de Mandelstam" (Mercure de France)
- Pascale Robert-Diard,"La déposition" (L'Iconoclaste)
Le menu du déjeuner du Femina. |
Rappelons que le premier Prix Femina fut attribué en 1905 mais à titre rétroactif pour 1904 à Myriam Harry pour "La Conquête de Jérusalem". La liste des lauréat(e)s en catégorie romans français peut être consultée ici. Il faut y ajouter le lauréat 2015, Christophe Boltanski pour son premier roman, "La Cache" (Stock).
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