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vendredi 11 mai 2018

Heureuse que "Le lion heureux" soit réédité

Le lion heureux aime la musique. (c) Gallimard Jeunesse.

L'autre jour, je vous parlais d'une excellente réédition, l'album "J'aime..." de Véronique Le Normand et Natali Fortier (Albin Michel Jeunesse) et des raisons pour lesquelles les rééditions sont importantes et bienvenues en littérature de jeunesse (lire ici).

2018.
2005.
Autre réédition réjouissante, celle de l'album "Le lion heureux" de Louise Fatio et Roger Duvoisin ("The happy lion", traduit de l'anglais par Anne Krief, Gallimard Jeunesse, 40 pages), classique intemporel.

Né aux Etats-Unis en 1954, ce chef-d'œuvre avait déjà été traduit en français et publié par Gallimard en 2005. Le revoici aujourd'hui sur beau papier mat et dans en format agrandi qui rend superbement honneur aux illustrations, en noir et blanc et en couleurs, selon les pages, résultat des techniques d'impression d'alors.

Le lion heureux habite une maison au zoo d'une jolie petite ville française. Sa journée est rythmée par les salutations des uns et des autres, François le fils du gardien le matin, M. Dupont, l'instituteur, l'après-midi, Mme Pinson, le soir. Il aime écouter la musique de la fanfare municipale le dimanche. Il reçoit friandises et viande. Bref, le lion est heureux de sa vie.

"Bonjour mesdames", dit le lion qui reconnaît des habituées du zoo. (c) Gallimard Jeunesse.

Un jour, il découvre que la porte de sa maison est ouverte. Il décide de rendre leur visites à ses amis de la ville. Si les animaux croisés se montrent aimables avec lui, il n'en est pas de même avec les humains. En le voyant, ils hurlent, s'enfuient en courant et s'évanouissent! Les pompiers sont même envoyés. Aux paisibles scènes de vie succèdent des scènes de panique, drôlement bien représentées par l'artiste qui exprime magnifiquement l'incompréhension du lion. Heureusement, ce dernier va  rencontrer François qui rentre de l'école. Confiant, le gamin ramène tranquillement le promeneur naïf au zoo.

1954.
Cette histoire pleine d'humour, questionnant l'amitié, a été écrite en 1954 pour Roger Duvoisin par sa femme Louise Fatio, inspirée par la lecture d'un fait divers. "The happy lion" ("Le lion heureux") sera le premier titre d'une série de dix album reprenant le personnage à crinière mais qui n'ont pas été traduits.

Quelques images de la version originale.




Les trois premières doubles pages

Et cette couverture de l'heureux lion en vacances (1967) qui fait irrésistiblement penser à celle du "Voyage de Babar" (1932).














A propos de la réédition de l'album "Le lion heureux" chez Gallimard Jeunesse, Cécile Boulaire, maître de conférences à l’université François-Rabelais de Tours, fine connaisseuse de la littérature pour la jeunesse, me signale que l'ouvrage a existé en français dès 1955, un an à peine après sa parution aux Etats-Unis, sous le titre "Le bon lion", aux Editions Mame.
Elle regrette le choix du titre, peu euphonique à ses oreilles, et me renvoie à une notice qu'elle a rédigée avec Evelyne Resmond-Wenz et qui  a été publiée dans le n° 226 de la Revue des livres pour enfants (décembre 2005), que je reproduis ici avec son autorisation.
"En 1954, Louise Fatio et son mari Roger Duvoisin publient à New York, en langue anglaise, un album pour enfants intitulé "The Happy Lion". En 1955, les éditions Mame publient "Le Bon Lion" en langue française, sans mention de traducteur. L'album est épuisé depuis très longtemps. De nombreux amis du "Bon Lion" souhaitaient voir ce livre réédité et offert aux enfants de ce siècle. C'est ce que les éditions Gallimard nous proposent.
Louise Fatio est née à Lausanne en 1904. C'est avec Roger Duvoisin, lui-même d'origine française, qu'en 1924, elle quitte la France pour les États-Unis. Est-ce là-bas qu'elle imagine cette histoire de 'Bon Lion' vivant dans une petite ville de France? Toujours est-il que les deux versions initiales témoignent de qualités euphoniques évidentes. La formule "Bonjour, mon Bon Lion", est donc en anglais "Bonjour Happy Lion!" (en français dans le texte). Un bref regard sur les textes de l'auteur confirme qu'il y a bien deux écritures, l'une adaptée au français, l'autre à l'anglais. Des détails diffèrent qui renvoient toujours à des qualités de sonorités.
Pourquoi donc a-t-on choisi, chez Gallimard, de traduire le plus fidèlement possible, donc très platement, le texte anglais de Louise Fatio, alors qu'il en existait une version française de toute évidence due à l'auteur? Pourquoi par exemple abandonner l'assonance du "Bonjour, mon Bon Lion" pour le si disgracieux "Bonjour, lion joyeux"? Nous l'ignorons. Mais nous sommes au regret de constater les dommages considérables subis par ce pauvre Bon Lion. Cinquante ans plus tard, ses malheurs semblent illustrer le fait que les adultes continuent de ne pas comprendre grand chose aux bons lions. La qualité de l'histoire et le talent de Roger Duvoisin parviendront-ils à nous consoler?"
Cécile Boulaire et Evelyne Resmond-Wenz

Et pour le plaisir, voici le texte du "Bon lion" par Louise Fatio dans la version Mame de 1955.
"Il y avait une fois un lion qui était très heureux. Il n'habitait pas la grande plaine africaine inondée de soleil, la savane aux hautes herbes où le chasseur féroce se tient à l'affût.
Il habitait une belle ville grise aux toits bruns.
Il avait une petite maison pour lui tout seul, avec un jardin de rocailles entouré d'un fossé d'eau, dans un beau parc ombragé.

François, le fils de son gardien, ne manquait jamais chaque matin en se rendant à l'école de lui crier un joyeux:
"Bonjour, mon Bon Lion"
Monsieur Dupont, le maître d'école, s'arrêtait toujours l'après-midi en rentrant chez lui, pour le saluer d’un:
"Bonjour, mon Bon Lion."
Madame Pinson, qui tricotait toute la journée sur le banc près du kiosque à musique, ne s'en allait jamais sans lui dire gentiment:
"Au revoir, mon Bon Lion."

Le dimanche, lorsque le soleil brillait, la fanfare municipale remplissait le parc de valses et de polkas. Et le Bon Lion fermait les yeux pour mieux écouter car il adorait la musique.
Toute la ville l'aimait bien, tant il était bon. Il n'avait que des amis.
C'était vraiment un lion très heureux.

Un beau matin, le Bon Lion s'aperçut que son gardien avait oublié de fermer la porte de sa maison.
"Hum !.., dit-il, je n'aime pas beaucoup ça; n'importe qui pourrait entrer chez moi."
"Tiens, j'ai une idée, ajouta-t-il après un instant de réflexion, pourquoi n'irais-je pas faire un petit tour de ville et surprendre mes amis?"

Le Bon Lion sortit donc dans le parc parmi les moineaux qui picoraient des miettes.
- Bonjour, mes amis! leur dit-il.
- Bonjour, mon Bon Lion! répondirent les moineaux.
- Bonjour, mon ami! dit aussi le lion à l'écureuil qui grignotait des glands, assis sur sa queue.
- Bonjour, mon Bon Lion! répondit l'écureuil sans même relever la tête.

Le Bon Lion passa alors la grille du parc et, juste au coin de la rue, il se trouva nez à nez avec monsieur Dupont.
- Bonjour, Monsieur Dupont! cria-t-il gaiement.
- Ouf!... répondit monsieur Dupont, qui tomba évanoui sur le trottoir.
- Voilà une drôle de manière de dire bonjour, pensa le lion en continuant sa promenade.

- Bonjour, Mesdames! s'écria le Bon Lion à l'autre bout de la rue lorsqu'il rencontra trois dames de ses connaissances.
- Ahah!... répondirent les trois dames en se sauvant comme si l'ogre était à leurs trousses.
- Que peut-il bien leur arriver? se demanda le Bon Lion. Elles étaient si polies lorsqu'elles venaient au parc.

- Bonjour, Madame! dit encore le Bon Lion joyeusement en apercevant madame Pinson qui sortait de l'épicerie.
- Oh là là!... s'écria madame Pinson en lui lançant à la tête son sac plein de légumes.
- Atchoum!... éternua le Bon Lion; je commence à croire que les gens par ici sont un peu fous. Atchoum!

A ce moment, le Bon Lion entendit les gais éclats d'une marche militaire. Il tourna dans la rue la plus proche et vit la fanfare municipale qui marchait au pas, entre deux rangs de spectateurs.
"Ranplanplan pataplanplanplan ran plan plan..." Comme c'était beau!

Mais le Bon Lion n'eut même pas le temps de se mélanger à la foule joyeuse car la musique se transforma en cris d'effroi.
Musiciens et spectateurs s'enfuirent pêle-mêle pour se cacher dans les magasins, les cafés et les portes d'entrée.
En un clin d'œil, le Bon Lion se trouva dans une rue déserte.

Il s'assit pour mieux réfléchir.
"J'imagine, dit-il, que c'est simplement la façon dont les hommes se conduisent lorsqu'ils ne sont pas au parc."

Ayant ainsi réfléchi, le Bon Lion continua sa promenade à la recherche d'un ami qui ne se sauverait pas à toutes jambes.
Mais les seules personnes qu'il aperçut le contemplaient en poussant de petits cris du haut de leur balcon.
"Quelle drôle de ville, tout de même" se dit le Bon Lion.
Le Bon Lion s'arrêta bientôt pour prêter l'oreille. Un bruit insolite semblait venir des confins de la ville.
"Hou!hou! hou !..." faisait ce bruit qui ressemblait à un bruit de sirène et devenait de plus en plus fort et de plus en plus proche.
"Ce doit être le vent, se dit le Bon Lion, à moins que ce ne soient les singes qui se promènent aussi par la ville."

Soudain, une pompe à incendie sortit comme un bolide d'une rue voisine et vint s'arrêter non loin du Bon Lion, tandis que d'un autre côté, un camion s'approcha doucement, à reculons, avec ses portes grandes ouvertes.
"Tiens, voilà du nouveau, se dit le Bon Lion, que va-t-il se passer?"
Et il s'assit tranquillement sur le trottoir afin de ne rien manquer du spectacle.

Les pompiers sautèrent hors de leur machine d'un air très affairé et s'avancèrent très lentement... très lentement... du côté du Bon Lion en tirant après eux leur grand tuyau blanc.
"Bonjour, Messieurs!" cria le Bon Lion.
Mais personne ne répondit. Et le tuyau blanc s'allongeait, s'allongeait... comme un serpent qui se déroule.

Tout à coup, derrière le Bon Lion, une petite voix cria "Bonjour, mon Bon Lion!"
C'était François qui rentrait de l'école.
Le Bon Lion était si heureux de rencontrer enfin un ami qui ne se sauvait pas et qui disait poliment bonjour, qu'il oublia complètement les pompiers.

Il ne sut même jamais ce qui se serait passé, car François mit sa main doucement sur sa belle crinière et dit :
- Viens, mon Bon Lion, rentrons au parc ensemble.
- Oui, allons, dit le Bon Lion, j'en ai assez de tous ces fous.
Ainsi, François et le Bon Lion rentrèrent au parc tranquillement tandis que les pompiers suivaient à une bonne distance.

Et les gens sur les balcons crièrent enfin: "Bonjour, notre Bon Lion. Hourra! notre Bon Lion!"
Depuis ce jour-là, le Bon Lion fut choyé de toute la ville. On lui apportait les meilleurs morceaux.
Mais je vous assure que si vous ouvriez sa porte, il ne sortirait pas de sa maison.

Il était bien plus heureux dans son jardin car de l'autre côté du fossé, madame Pinson, monsieur Dupont, et tous ses amis venaient de nouveau lui rendre visite comme des gens polis et aimables. Mais vraiment, c'est quand il voyait François revenir de l'école que le Bon Lion était le plus heureux, car François resta toujours son meilleur ami."



Roger Duvoisin.
Américain né en 1900 à Genève en Suisse, Roger Duvoisin a étudié à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris. Après avoir épousé l'artiste suisse Louise Fatio (née à Lausanne en 1904), le couple déménagea à New York en 1927. Il reçut la nationalité américaine en 1938.
Mort en juin 1980, treize ans avant son épouse, Roger Duvoisin a illustré plus d'une centaine de livres pour enfants dont près de la moitié en solo.


Roger Duvoisin a reçu de prestigieuses récompenses, dont la Caldecott Medal en 1948 pour l'album "White Snow, Bright Snow" (1947). Il a été publié en français en 2012, sous le titre "Il va neiger!" (texte de Alvin Tresselt (1916-2000 ), traduit de l'anglais par Catherine Bonhomme, Le Genévrier, collection "Caldecott", 40 pages).


Il existe encore quelques autres albums de Roger Duvoisin en français (pas assez).

La nuit de Noël
Clement Clarke Moore
Roger Duvoisin
"The night before Christmas" (1954)
traduit de l'anglais par Alice Seelow
Circonflexe, 2015

Écrit en 1822 par un pasteur new-yorkais du nom de Clement Clarke Moore, ce conte de Noël, est à l'origine de l'image actuelle du Père Noël.

Pour en feuilleter les premières pages, c'est ici.


Pétunia
Roger Duvoisin
"Petunia" (1950)
traduit de l'anglais par Catherine Bonhomme
Circonflexe, 2009

L'histoire d'une oie qui est persuadée que posséder un livre suffit à la rendre sage, et qui, nigaude, son livre sous l'aile, prodigue fièrement de nombreux conseils à ses amis.

Pour feuilleter les premières pages, c'est ici.







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