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jeudi 25 juin 2020

L'infiniment belle rencontre de deux femmes

Juliette Jourdan.

Le 20 juin est la journée mondiale des réfugiés (et des demandeurs d'asile). Crise sanitaire oblige, il a, cette année, à juste titre, été beaucoup réclamé des régularisations massives. Au point qu'on a moins parlé que les éditions précédentes des infectes "procédures Dublin". Ce règlement européen stipule qu'une personne doit demander l'asile dans le premier pays où elle a laissé ses empreintes. Il a pour conséquence que les demandeurs d'asile sont renvoyés là où ils sont arrivés en Europe, l'Italie et la Grèce en général, deux pays à qui on fait porter le poids de toutes les migrations politiques et économiques. Il a aussi pour conséquence que les demandeurs d'asile tentent souvent le tout pour le tout pour faire enregistrer leur demande ailleurs que là où ils sont arrivés. Bien sûr, on peut casser une procédure Dublin, mais c'est un véritable parcours du combattant, différent d'un pays européen à l'autre et extrêmement chronophage.


Cette longue introduction pour dire pourquoi j'ai été immédiatement attirée par le deuxième roman, en dix ans, de Juliette Jourdan. Il porte en effet comme titre un laconique "Procédure Dublin" (Le Dilettante, 192 pages). Etalé sur quatre jours, vendredi, samedi, dimanche et lundi, ceux de la procédure, écrit à la deuxième personne du singulier car adressé à Aminata, une jeune Malienne arrivée en France via l'Italie, il dit extrêmement bien la forteresse que l'Europe a érigée actuellement. Il dépeint l'itinéraire d'Aminata, entre espoirs et désillusions, force et volonté, et en sous-texte la sévérité pour ne pas dire l'idiotie des règlements. Mais surtout la force inexpliquée qui peut envoyer une femme en aider une autre, à trois cents kilomètres de chez elle.

Extrêmement documenté sur le quotidien des demandeurs d'asile en France, ancré dans le présent car on y voit passer quelques gilets jaunes, ce roman n'est toutefois pas un roman de plus sur les demandeurs d'asile. L'auteure fait constamment résonner le rude parcours d'Aminata avec celui de la narratrice, la soixantaine, également secouée par le destin, dans sa sphère familiale comme professionnelle. Entre ces deux-là, qui espèrent mieux pour demain, qui dérivent mais se servent de bouées l'une l'autre, quelles qu'en soient les raisons, un lien terriblement fort existe et ne peut être coupé. Et permet de reprendre un tout petit peu de confiance en l'humanité. Juliette Jourdan a l'écriture vive et un talent fou pour nous faire appréhender ces deux itinéraires qui se sont croisés tout en laissant au lecteur l'espace pour s'y glisser, le temps de ces pages attachantes et bouleversantes.

Pour lire un extrait de "Procédure Dublin", c'est ici.









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