Nombre total de pages vues

lundi 1 juin 2020

Le record du palindrome largement battu

Temps de lire, de relire, de découvrir, de se souvenir, de faire fondre sa PAL,
pour les petits et pour les grands #confinothèque45


Agnès Sorel.

En 1969, Georges Perec composait un palindrome de 5.566 lettres et 1.247 mots, "Au moulin d'Andé". Pour rappel, un palindrome est un mot ou un groupe de mots qui peut être lu indifféremment de gauche à droite et de droite à gauche. "Kayak" par exemple, ou "Un radar nu". Et bien entendu cet OLNI (objet littéraire non identifié) qu'est "Sorel Eros", palindrome de 10.001 (encore un) lettres, signé Jacques Perry-Salkow et Frédéric Schmitter (Rivages, 80 pages). Les deux auteurs qui s'étaient déjà coltiné les tautogrammes (lire ici), avouent avoir pris dix-huit ans pour boucler ce projet dingue.

"Le record de Perec aura tenu cinquante ans", note Paul Fournel en préface (évidemment datée du 02 02 2020) de l'ouvrage tournant autour d'Agnès Sorel et de l'amour, l'Eros palindromique du titre. Celui qui a présidé l'OuLiPo pendant quinze ans, de 2004 à 2019, rappelle que "Le palindrome est un art ingrat et difficile". On ne peut mieux dire. En effet, comment ne pas se prosterner d'admiration devant l'œuvre de Jacques Perry-Salkow et Frédéric Schmitter? Il suffit d'essayer soi-même. Faire un palindrome de trois mots relève déjà de l'exploit pour le commun des mortels. Alors se lancer dans une aventure de 10.001 signes qui signifie en plus quelque chose... "Sorel Eros est un palindrome d'un seul tenant", précisent les auteurs, "de la page 15 à la page 67. Il comporte 10.001 lettres et peut être abordé indifféremment par le début et par la fin." Ils précisent encore que "ce compte inclut aussi bien les titres des chapitres que les légendes des illustrations". Il n'aurait pas fallu faire trop simple!

10.001 lettres! Mais alors quelle est celle qui se trouve au milieu, entre les 5.000 premières et les 5.000 dernières? Un W bien entendu, hommage à Perec!

Un chapitre, titré, par page, certains étant des notes en italique, et on embarque pour une incroyable expédition au pays des mots. On va en apprendre quelques-uns, forcément, mais les auteurs ont heureusement placé un glossaire en fin d'ouvrage. "Sorel Eros" n'est pas une lecture facile puisque le choix des mots répond à une logique suprême mais il propose une intéressante balade dans un conte poétique où on croise Sorel et Éros bien sûr, mais aussi Sarah et César, Léa et la Péri, Alice et le Turc... A chacun de rencontrer ces déboussolés. Et surtout de s'incliner devant le talent et la persévérance des auteurs.

Révélations

Un lecteur averti du blog me fait remarquer que

"Georges Perec a écrit un palindrome de 32 pages : 1.247 mots, 5.566 lettres, soit le produit de la multiplication palindromique : 11 x 23 x 2 x 11."

Rappelons que "Palindrome" de Georges Perec a été réédité en 2019 par Denoël.






Mais alors? "Sorel Eros" serait-il aussi le fruit d'une multiplication palindromique? "Oui", confirment les auteurs, " 10 001 est le produit  des deux nombres premiers 73 x 137 qui est une multiplication palindrome."










Alors, tant qu'on y est, allons-y pour quelques secrets de fabrication que m'ont confiés Jacques Perry-Salkow et Frédéric Schmitter, histoire d'encore se compliquer un peu la tâche lors de la composition de leur palindrome.

D'abord, signalent-ils, "L'aventure de "Sorel Éros" se déroule entre le 20/02/2002 (date de la rencontre des auteurs et de l’initiation du projet) et le 02/02/2020 (date de la préface de Paul
Fournel). Ces deux dates sont à la fois palindromes et anagrammatiques. Entre elles se sont écoulés 6.556 jours. 6.556 est un palindrome et aussi l'anagramme de 5.566, le nombre de lettres du palindrome de Perec!"


Ensuite, ils rendent à différentes reprises hommage à Georges Perec et à son "W ou Le souvenir d'enfance" (Denoël, 1975) en utilisant la lettre W à leur façon. C'est-à-dire en ne l'utilisant pas! Un lipogramme, pour le dire autrement (comme l'est "La disparition" de Georges Perec).

  • "Au centre du palindrome", expliquent-ils, "les doigts de la main droite d'Agnès Sorel figurent un W."
  • Cette lettre-pivot, "celle qui annonce le renversement du texte, n'apparaît pourtant nulle part, sauf par évocations."
  • "Cassiopée, en page 15,  constellation formant un W."
  • "Le laçage du corset d'Agnès Sorel en page 26 figure un W. Ce portrait est placé entre les chapitres "La vertu" et "Le vice", deux V très liés."
  • "L'oméga, en page 55, en lettre minuscule, ressemble au w."
  • "L. Carroll en page 56 évoque Lewis Carroll, mais sans écrire le w."
  • "Un artefact entre V et X, en page 67, étude d'icône, genre d'oméga."



WAW
Quel talent!


Sans compter que d'autres défis oulipiens ont sûrement été relevés.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire