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lundi 18 janvier 2021

Le décès de l'auteur-illustrateur Mitsumasa Anno

"Dix petits amis déménagent". (c) l'école des loisirs.


Mitsumasa Anno.
On a appris seulement ce dimanche 17 janvier le décès du génial auteur-illustrateur japonais Mitsumasa Anno, survenu le 24 décembre. Agé de 94 ans, l'artiste est mort d'une cirrhose du foie. Ses funérailles ont eu lieu dans l'intimité familiale.

Mitsumasa Anno est le créateur d'une formidable série d'albums, parfois muets, où tout était à regarder, dans leur toute grande majorité publiés en français à l'école des loisirs. Il fut le lauréat 1984 du prix Hans Christian Andersen de l'IBBY.

  • "Jeux de construction" (1970, épuisé)
  • "Château de cartes" (1974, épuisé)
  • "Ce jour là..." (1978)
  • "Loup y es-tu?" (1979, épuisé)
  • "Le jour suivant..." (1979, épuisé)
  • "Dix petits amis déménagent" (1982)
  • "Séjour en Grande-Bretagne" (1982 , épuisé)
  • "USA" (1983, épuisé)
  • "Marché aux puces" (1985, épuisé)
  • "La Terre est un cadran solaire" (1986, épuisé)
  • "Coucou, me voilà" (1987, épuisé)
  • "La terre est un cadran solaire" (1987, épuisé)
  • "Coucou, me voilà" (1988, épuisé)
  • "Bonjour citrouille" (1989, épuisé)
  • "Choisis ton masque" (1990)
  • "Les fables d'Esope" (1990, Circonflexe, épuisé)
  • "Le loup, le crapaud et les trois petits cochons" (1991, Flammarion, épuisé)
  • "Les quatre frères habiles" (1991, Circonflexe, épuisé)
  • "Jeux mathématiques" (plusieurs albums, Flammarion, 1991 et ensuite, épuisé)
  • "Le pot magique, une aventure mathématique" (avec Masaichiro Anno, 1993, Flammarion, épuisé) 
  • "Les graines magiques" (Flammarion, 1993, épuisé)
  • "Comment la terre est devenue ronde" (2000)
  • "Sur les traces de Don Quichotte" (2003)
  • "Le Danemark d'Andersen" (2005)
  • "La Chine de Zhang Zeduan" (2010)
  • "Le Japon d'Anno" (2014)
  • "Gulliver chez les tout petits hommes" (avec Hisashi Inoue, Le Genévrier, 2014)

L'architecte Tadao Ando, ​​qui a conçu le musée d'art Mitsumasa Anno à Tango (préfecture de Kyoto), décrit l'artiste comme "un peintre qui ne cessait de dessiner des paysages qui disparaissent dans le monde et au Japon". En effet, Anno a publié neuf albums à l'aquarelle sur ses expériences de voyage à travers le monde. "A une époque où la technologie numérique est si puissante, il nous a laissé un monde doux et réconfortant", a encore déclaré Ando.


"Ce jour-là..." (c) l'école des loisirs.

Dans l'"Album des Albums" (l'école des loisirs, 1997), Sophie Chérer écrivait: 

LE MOINEAU, LE MIROIR ET LE GROS BOUT DE LA LORGNETTE
Quand il était petit, dans les années 30 au Japon, Mitsumasa Anno vivait dans une auberge de campagne où passaient les voyageurs. Chez ses parents il n'y avait aucun livre pour enfants. C'est en découvrant les illustrés de l'époque qu'Anno se mit à dessiner. Un jour, parmi les clients de l'auberge, arriva un peintre à qui le père montra les dessins de son fils. "Ce n'est pas bon", décréta le peintre et, pour donner une leçon au petit garçon, il dessina un moineau dans le plus pur style figé japonais traditionnel. Pour Anno, ce n'était pas un dessin. Qu'on lui parle plutôt de princesses, de Tarzan et de Superman! Dans le jardin, il s'amusait à tout regarder à la jumelle, mais en les prenant par le gros bout. Le sol lui semblait alors si éloigné du perron qu'il n'osait plus sauter une seule marche. Il aimait aussi jouer avec un miroir, posé sur le plancher à la verticale. Il y voyait des lointains, de la profondeur, un sous-sol imaginaire. "Viens voir", disait-il à son petit frère, "nous sommes peut-être pauvres, mais notre maison a une cave pleine de trésors. Je vais te la montrer si tu promets de garder le secret."
Plus tard, Mitsumasa Anno, féru de mathématiques, d'astronomie, d'histoire et de géographie, devint instituteur et il découvrit l'univers impitoyable de l'éducation à la japonaise. Il quitta l'enseignement, comme il avait quitté depuis longtemps les façons de voir traditionnelles, et il consacra tous ses talents à populariser le livre pour enfants au Japon.
Si "Bonjour citrouille!", "Choisis ton masque" et "Coucou, me voilà!" sont immédiatement accessibles aux tout-petits, les autres livres d'Anno ne révèlent toutes leurs richesses qu'après une longue fréquentation. "Qu'est-ce que c'est que ça? C'est qu'une forêt!",  disent les enfants deux secondes après avoir ouvert l'album "Loup y es-tu?" "Oh! Un oiseau! Un mouton! Un chameau!" disent-ils cinq secondes après. Pour peu qu'on ne les brusque pas, et qu'on ne leur mâche pas le travail, le livre sera une source inépuisable de découvertes et d'identification des animaux dissimulés dans les feuilles et les branches (la forêt y est aussi, tout simplement, une sublime et tutélaire forêt).
Avec "Ce jour-là...", on pourrait aussi jouer aux devinettes, tant l'album est truffé de références culturelles, contes populaires, personnages historiques, tableaux célèbres. Mais on peut très bien se contenter de raconter aux petits l'histoire simple de ce cavalier traversant un pays entier qui pourrait être l'Italie ou la France, sa géographie, son histoire, ses habitants, son architecture.
Anno est le créateur japonais le plus imprégné de culture européenne. Comme la meilleure littérature, ses livres sans paroles comportent deux, trois, "niveaux de lecture", voire plus. Dans la forêt de "Loup y es-tu?", une étrange anamorphose révèle soudain une tête de mort. La traversée du cavalier est aussi un adieu sans retour à la vie d'autrefois et un rappel constant de la mélancolie du voyageur qui ne voir rien de ce qui se passe autour de lui.
Enfin, qu'il colle des yeux ronds à une citrouille ou détourne les chefs-d'œuvre de la peinture, Anno s'amuse: "J'attends le jour où les enfants d'aujourd'hui seront adultes", explique-t-il. "Ils iront voir des tableaux au Louvre, L'"Angélus" de Millet par exemple et ils diront: "Millet a fait cela d'après Monsieur Anno!""

4 commentaires:

  1. Combien de fois ai-je emmené mes garcons à la suite du cavalier de Ce jour-là et du Jour suivant ? Merci M. Anno !

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  2. Paul Fustier
    A défaut d’être très surprenante – en raison de son grand âge –, la nouvelle de la disparition d’Anno clôt le chapitre des grands créateurs et auteurs pour la jeunesse du XXème siècle. Sendak à l’Ouest et lui à l’Extrême-Est auront dominé le monde de l’album durant plusieurs décennies. Et pour avoir publié quelques-unes des œuvres du second – dont le tout récent « Gulliver » que je dois à la vérité de reconnaître qu’il aura cherché en vain ses lecteurs… –, je suis ému et triste à l’idée que de tels artistes se soient éteints dans un relatif anonymat…

    Par bonheur, quelques-uns de leurs titres perdurent, du moins en bibliothèques. Ce qui leur assure une forme d’éternité.

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  3. Je suis très triste,c'était un auteur de grand talent. Il y avait beaucoup de subtilité dans ses albums. J'aimais particulièrement son livre de voyage "Tabi no Hon" .Un personnage passe en silence, traverse toutes sortes de paysages...ce silence était accueillant

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  4. Merci pour cette précieuse biblio francophone!

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