Jean-Philippe Blondel. |
Saturés des débats sur la politique française? Lisez!
Il est de ces livres qui vous happent, tant par l'écriture que par leur intrigue, qui vous tirent hors du quotidien, aussi pesant soit-il, qui vous portent et vous emportent. "Café sans filtre", le nouveau et excellent roman de Jean-Philippe Blondel (L'Iconoclaste, 284 pages), est de ceux-là. Partant de la réouverture d'un café après le confinement de 2021, l'écrivain de l'humain met en scène une journée au Tom's en un roman choral magistral. Avec verve, imagination et talent, il confronte de son écriture précise les destins d'une série de personnages qui apparaissant chacun à leur tour au Tom's. Un formidable roman né de la réouverture des terrasses.
Tout commence ce jour de juillet où l'orage menace à 9 heures du matin avec Chloé Fournier, 31 ans. Elle est installée au fond du Tom's. Formule: une maigre consommation et une occupation maximale de la banquette. La jeune femme observe ce qui se passe autour d'elle, dessine parfois, ne cherche guère à socialiser. Qui est-elle? Le Tom's, une jeune femme solitaire... Cela fait furieusement penser à la chanson a capella de Suzanne Vega "Tom's diner".
Effectivement, Jean-Philippe Blondel avoue tenter de décrypter cette chanson depuis quarante ans. L'occasion était belle ici. Sa Chloé ressemble à la femme seule de la chanteuse. Elle a vécu quelque chose de grave dont elle ne parle pas, on le perçoit vite, comme l'héroïne de Suzanne Vega. Sa solitaire sera rejointe au fil des heures et des chapitres par huit autres personnages qui se présentent au fil de la journée, en terrasse ou dans la salle, et déroulent leur histoire.
"La terrasse, c'est la vie."
Il y a ceux qui se connaissent et ceux qui ne se connaissent pas. Il y a ceux qui évoquent leur passé et ceux qui voient leur présent changer. Il y a ceux qui se sont aimés, ceux qui s'aiment et ceux qui s'aimeront peut-être. Il y a ceux qui rêvent, ceux qui espèrent et ceux qui craquent. Il y a des histoires familiales et des histoires amicales. Des rencontres. Des ruptures aussi. Des destins dont on découvre les liens. Il y a des comptes qui se règlent, des secrets qui se dévoilent, des nœuds qui se défont. Il y a de la vie, de l'amour, des trahisons, des joies et des peines. Il y a la vie tout simplement, comme excelle à la dépeindre Blondel en ce dix-septième roman en littérature générale en vingt ans, sans oublier ses dix romans pour ados. On ne lâche pas ce "Café sans filtre" qui nous tend un miroir à facettes multiples où l'on retrouve des bouts de soi ou de ses proches.
Autour du quatuor central, Chloé, Jocelyne, l'ancienne propriétaire à la retraite qui a choisi Fabrice pour lui succéder, et José, le serveur, gravitent cinq clients. Une mère et son fils en conversation houleuse, un homme et son ami d'enfance aimé jadis en secret, une femme qui croise l'ex qui l’a abandonnée en Australie dix-sept ans plus tôt. Autant de parcours de vie, de confessions parfois, qui esquissent une fresque contemporaine. Les voix des personnages les racontent, le café et sa terrasse les font se rencontrer. Jean-Philippe Blondel anime parfaitement la chorégraphie de ce ballet fortuit qui se déroule en moins de vingt-quatre heures au Tom's. Un huis-clos très ouvert, le café étant le point central où convergent les époques et les personnages. Avec son écriture musicale et juste, sans un mot de trop mais dont chaque mot est choisi et pesé, "Café sans filtre" est un roman passionnant, dont le filigrane est les liens qui connectent les humains, même s'ils ne le savent pas.
Tu me combles, chère Lucie, je ne connaissais pas cette version a capella. Du coup, je devrais probablement lire le nouveau livre de Jean-Philippe Blondel. Non, mais, franchement, tu croyais nécessaire d'augmenter ma pile?
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