LU & approuvé
Il y a près de trente ans que Jean-Paul Dubois a publié "La vie me fait peur", son dixième roman (Seuil, 1994; Points, 1996), juste avant "Kennedy et moi" qui le rendra célèbre deux ans plus tard. Il y explorait déjà nos angoisses familières, de son regard désabusé et distancié sur le monde et les rapports humains. On y suivait un anti-héros mélancolique, Paul Siegelman, entre drame et drôlerie, trentenaire à la dérive.
C'est dire si je me suis réjouie en apprenant l'adaptation en bande dessinée de "La vie me fait peur" par Didier Tronchet au récit et Christian Durieux aux dessins (Futuropolis, 80 pages). Lecture faite, j'applaudis cette adaptation illustrée, première collaboration des deux auteurs, qui s'empare du livre de Jean-Paul Dubois sans le copier bêtement mais en le retravaillant dans l'esprit du romancier. Les pages d'ouverture sont un véritable hameçon. On voit le héros, tout doux, avec sa petite coupe de cheveux, son costume et surtout ses yeux si bleus, face à son épouse. "Quand ma femme m'a licencié de ma propre entreprise, je ne me suis pas révolté. Il devait y avoir une certaine logique là-dessous... mais laquelle?". Il se lève, nous est présenté de dos: "C'était comme l'aboutissement d'un long processus qui m'avait échappé. Mais est-ce que tout ne m'avait pas échappé depuis le début?"
L'histoire de Paul va commencer. (c) Futuropolis. |
Contrairement au roman qui était un long flash-back, la bande dessinée suit l'histoire de Paul dans l'autre sens, à l'endroit. Depuis son enfance, entre un père génial inventeur de projets invendables et une mère davantage terre à terre. Avec des voyages aussi fous que foireux. Avec un drame familial caché. Avec une foi inébranlable en l'avenir qui va un jour s'écraser. "C'est ainsi que j'ai grandi... Dans cette atmosphère de cabaret entretenue par un illusionniste inconstant et sa partenaire bienveillante..."
La fin de la jeunesse de Paul est toutefois brutale. Il fuit son père veuf loin, très loin, teste la vie, les métiers, les occupations. Plus de sept ans se passent avant qu'il ne comprenne que son fou de père lui manque. La vie va leur réserver un miracle. Un miracle qui va toutefois à nouveau séparer père et fils avant de les réunir définitivement, apaisés, donnant toute sa force au titre "La vie me fait peur". Texte sobre et précis et dessins tout en douceur portent merveilleusement le destin de cet homme, témoin de sa vie jusqu'au jour où il décida d'en être l'acteur.
Pour feuilleter en ligne le début de "La vie me fait peur", c'est ici.
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