On avait retrouvé Laurence Tardieu en début d'année 2014 à nouveau bien ancrée dans la vie et l'écriture. Elle racontait pudiquement et joliment ses vingt-et-un mois de détresse d'écrivain dans "L'écriture et la vie" (Edition des Busclats, 104 pages) - à lire ici. Lors de son passage cet hiver à Bruxelles, elle m'avait confié qu'elle avait entamé, tout de suite après ce livre catharsis, un nouveau roman. Et que ce dernier était terminé.
Le voici, le nouveau roman de Laurence Tardieu, simplement intitulé "Une vie à soi" (Flammarion, 190 pages). Le titre porte une idée simple, qui irait presque de soi si on n'y réfléchit pas. Pas si simple quand on découvre le travail qu'elle a impliqué, l'énergie qu'elle a consommé. Un très beau livre d'autofiction - Laurence est Laurence - mais avec un point de vue original et une approche prenante, qui invite chacun à partager cette entreprise qu'est l'appropriation de sa propre vie.
Qu'est-ce qui pousse la Parisienne Laurence Tardieu à se rendre au Musée du Jeu de Paume qui expose des photos de Diane Arbus en cet automne d'effroi et de désolation de 2011? Un souvenir d'enfance, le destin, une pulsion de vie? Les trois sans doute. Sans savoir alors que la rencontre avec Diane Arbus permettra à Laurence de reprendre pied dans l’existence. Il s'agit même de plus qu'une rencontre, d'une collision, d'un choc frontal, sans perte, avec plein de profits. Petit à petit, la romancière en déroute se découvre des tas de points communs avec la photographe, son aînée de deux générations. Le contact a lieu, à travers les œuvres, à travers les itinéraires de vie. Laurence n'est plus seule. Quelqu’un a déjà emprunté le chemin qu'elle voit s'ouvrir devant elle. Elle écrit:
La femme de lettres va faire des recherches sur la femme d'images. Elle va aller de surprise en surprise: leurs histoires se répondent, leurs existences vont en parallèle. Deux pauvres petites filles riches. Tout ce qu'elle lit d'elle la renvoie à elle-même, à ses chagrins, à ses tourments. A son enfance bien entendu qui remonte à la surface, déplaçant la chape de plomb qui la maintenait, muette, au fond d'elle-même. Elle était une petite fille qui aimait la solitude, inquiétant ainsi ses proches. Elle a tâché de ne plus les effrayer. Elle s'est perdue, malgré le soutien de son père.
De photo de Diane Arbus en texte ou en entretien audio de la photographe américaine, la narratrice va trouver la force de se confronter à son passé. Une autre l'a vécu avant elle et cela la réconforte. Mieux, ces portes anciennes qui s'ouvrent enfin la poussent vers le présent et vers l'avenir. Monsieur mon passé, laissez-moi passer, semble-t-elle dire.
"J'avançais, mot par mot, vers le vivant", écrit Laurence Tardieu vers la moitié de ce roman en trois parties, tout en finesse, en recherche de l'honnêteté, de la vérité. C'est à sa vie de femme adulte qu'elle se coltine maintenant, les encouragements paternels, la maladie maternelle, la chute du père, condamné pour corruption. Toujours, Diane veille avec ses photos, soulevant un pan sombre ici, dévoilant un ciel lumineux là. Quelle confiance en cette femme, guide de vie au-delà de la mort. "Diane, Diane, montre-moi encore le chemin."
Durant une année, Laurence s'agrippe à Diane, au moment où elle était "en train de glisser ailleurs". Et elle émerge, elle redevient vivante. Elle a écrit un nouveau livre pour lequel elle s'est à nouveau jetée dans le vide. Mais elle a découvert une chose:
Une photo de Diane Arbus. |
Qu'est-ce qui pousse la Parisienne Laurence Tardieu à se rendre au Musée du Jeu de Paume qui expose des photos de Diane Arbus en cet automne d'effroi et de désolation de 2011? Un souvenir d'enfance, le destin, une pulsion de vie? Les trois sans doute. Sans savoir alors que la rencontre avec Diane Arbus permettra à Laurence de reprendre pied dans l’existence. Il s'agit même de plus qu'une rencontre, d'une collision, d'un choc frontal, sans perte, avec plein de profits. Petit à petit, la romancière en déroute se découvre des tas de points communs avec la photographe, son aînée de deux générations. Le contact a lieu, à travers les œuvres, à travers les itinéraires de vie. Laurence n'est plus seule. Quelqu’un a déjà emprunté le chemin qu'elle voit s'ouvrir devant elle. Elle écrit:
Elle, morte, qui m'avait empoignée, moi, vivante.
Elle, si vivante qu'elle m'avait empoignée, alors que je sombrais.
Laurence Tardieu. (c) A. di Crollalanza/Flammarion. |
De photo de Diane Arbus en texte ou en entretien audio de la photographe américaine, la narratrice va trouver la force de se confronter à son passé. Une autre l'a vécu avant elle et cela la réconforte. Mieux, ces portes anciennes qui s'ouvrent enfin la poussent vers le présent et vers l'avenir. Monsieur mon passé, laissez-moi passer, semble-t-elle dire.
"J'avançais, mot par mot, vers le vivant", écrit Laurence Tardieu vers la moitié de ce roman en trois parties, tout en finesse, en recherche de l'honnêteté, de la vérité. C'est à sa vie de femme adulte qu'elle se coltine maintenant, les encouragements paternels, la maladie maternelle, la chute du père, condamné pour corruption. Toujours, Diane veille avec ses photos, soulevant un pan sombre ici, dévoilant un ciel lumineux là. Quelle confiance en cette femme, guide de vie au-delà de la mort. "Diane, Diane, montre-moi encore le chemin."
Durant une année, Laurence s'agrippe à Diane, au moment où elle était "en train de glisser ailleurs". Et elle émerge, elle redevient vivante. Elle a écrit un nouveau livre pour lequel elle s'est à nouveau jetée dans le vide. Mais elle a découvert une chose:
Il n'y a rien que j'aimais plus que vivre."Une vie à soi" est un roman auquel on s'attache pour sa luminosité et sa quête de vérité. Basé sur une coïncidence salvatrice, il entraîne le lecteur à la suite de la narratrice, des deux narratrices pourrait-on même dire, et lui montre avec une infinie finesse que la vie peut se réveiller à tout moment.
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