C'est dire si je suis enchantée qu'il reçoive aujourd'hui 18 novembre le dixième Prix du Style pour son dernier roman en date, "Le météorologue" (Seuil/Paulsen, 304 pages), ce qui lui vaudra entre autres un chèque en euros équivalent au nombre de pages du livre. Il l'obtient par neuf voix contre une à "Faux nègres" de Thierry Beinstingel (Fayard) et une au roman "Les Grands" de Sylvain Prudhomme (Gallimard/L'Arbalète).
Dans ce quatrième livre sur la Russie (après "En Russie" (Quai Voltaire, 1987, Points, 1997), "Bakou, derniers jours" (Seuil, 2010, Points, 2011) et "Sibérie" (Inculte, 2011)) , l'écrivain retrace cette fois la vie d'Alexéi Feodossévitch Vangengheim. Qui est-ce? Il fut le premier directeur du service hydro-météorologiste d'URSS et fut envoyé au goulag pour avoir donné de mauvaises prévisions. Le météorologue croupit aux îles Solovki de 1934 à 1937, avant d'être exécuté avec 1.115 autres malheureux dans le plus grand secret.
Olivier Rolin. |
Pendant ses
années de camp, et jusq'à la veille de sa mort atroce, il envoyait à sa
toute jeune fille, Éléonora, des dessins, des herbiers, des devinettes.
C'est la découverte de cette correspondance adressée à une enfant qu'il
ne reverrait pas qui m'a décidé à enquêter sur le destin d'Alexéï
Féodossévitch Vangengheim, le météorologue. Mais aussi la conviction que
ces histoires d'un autre temps, d'un autre pays, ne sont pas lointaines
comme on pourrait le penser: le triomphe mondial du capitalisme ne
s'expliquerait pas sans la fin terrible de l'espérance révolutionnaire."
Pas d'extrait du livre "Le météorologue" sur le site des Editions du Seuil.
Pour savourer le style d'Olivier Rolin, on peut lire ici le début du superbe roman "Un chasseur de lions" (Seuil, 2008, Points, 2009). Un roman d'aventures sur un explorateur inconnu, portraitisé par Edouard Manet, qui se double d'une subtile réflexion sur le temps qui passe.
Pour savourer le style d'Olivier Rolin, on peut lire ici le début du superbe roman "Un chasseur de lions" (Seuil, 2008, Points, 2009). Un roman d'aventures sur un explorateur inconnu, portraitisé par Edouard Manet, qui se double d'une subtile réflexion sur le temps qui passe.
Avec ce livre qui embarque son lecteur pour ne plus le lâcher, dense, romanesque, lettré et extrêmement réjouissant, Olivier Rolin réussit l'impressionnant exercice de nous intéresser à la vie d'un obscur chasseur de lions (le fauve du tableau mesure "quatre mètres quarante du mufle au bout de la queue") de la fin du XIXe siècle, "chasseur de gaffes", inventeur d'une "balle explosible", équipé d'une "poudrière de voyage". Il nous entrouvre des portes sur la manière dont vivaient Manet ("un habitué des insultes, il ne cherche pas à choquer, pourtant, seulement à peindre ce qu'il voit"), les autres peintres de l'époque, les artistes d'autres disciplines, le bon peuple de Paris, le racontant tellement bien qu'on ne peut que se rendre compte qu'on n'en savait fichtre rien. Un passé qu'il éclaire de constants va-et-vient avec le présent, le sien, le nôtre.
Ces enquêtes croisées sur Pertuiset et Manet, où l'on se rend de la Commune aux grands espaces africains, où l'on explore la Terre de Feu comme on se tient dans un petit coin d'atelier d'artiste sont les bases sur lesquelles Olivier Rolin pose un roman passionnant de bout en bout, où souffle l'aventure, au gré des pérégrinations exploratrices ou amoureuses du chasseur de lions. Où se glisse l'introspection quand l'écrivain se donne rendez-vous avec lui-même, s'interrogeant sur ce qu'il voit et ressent.
La rencontre entre l'auteur et Eugène Pertuiset a été double et fortuite: entre un livre acheté en Patagonie et un tableau vu au musée de São Paulo, il s'est écoulé un quart de siècle. Formidable déclencheur pour un homme à l'imagination foisonnante, qui en abreuve une belle série de personnes ayant existé. Le tout dans une langue superbe, émaillée de mots rares, "un peu disparus", ajoute Rolin qui en fait ses délices, comme "coquecigrue" ou "olibrius". Devant tant de beauté littéraire, le plaisir est immense. "J'aime bien une langue moderne mais qui tienne compte de ses strates anciennes", explique le "non économe de mots".
Assemblés à sa mode, ces mots où jamais l'on ne s'égare, qui caressent l'imaginaire, orchestrent un livre exigeant, nourrissant et grand public.
Le tableau d'Edouard Manet. |
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