C'est la fête au Seuil avec le Prix Goncourt 2014 attribué à Lydie Salvayre pour son roman "Pas pleurer" (Seuil, 281 pages). L'éditeur n'avait pas eu la prestigieuse récompense, un chèque de dix euros donné à l'auteur mais l'assurance de vendre quelques centaines de milliers d'exemplaires, depuis 1988 où Erik Orsenna l'avait reçu pour "L'exposition coloniale". Depuis? Rien, mais 2014 est favorable au Seuil qui a aussi empoché hier le prix Médicis avec Antoine Volodine et "Terminus radieux".
Lydie Salvayre, Goncourt 2014. |
Née Lydie Arjona en 1948 dans le sud de la France d'un couple de républicains espagnols exilés, Lydie Salvayre n'a pas le français comme langue maternelle. Elle entreprend des études de médecine après ses études de lettres modernes à Toulouse et exerce plusieurs années comme psychiatre, discipline en laquelle elle s'est spécialisée. Son premier roman paraît en 1990, "La déclaration" (Julliard), et obtient le prix Hermès du premier roman. Près d'une vingtaine suivront, auréolés des prix Novembre (futur Décembre) et meilleur livre de l'année de "Lire", ainsi que des adaptations théâtrales de certains de ses livres.
Au restaurant Drouant, c'est la foule habituelle et c'est avec peine que la nouvelle lauréate, toujours rousse mais les cheveux plus courts, se fraie un chemin pour rejoindre le jury à l'étage. Son livre, écrit avec force et à la première personne, fait entendre la voix de sa mère, la forte Montse, qui ne se rappelle que de l'année 36 de la guerre d'Espagne. Une année dont l'évocation ravive sa lumière. Le reste, ce qui s'est passé après, jusqu'à aujourd'hui, elle l'a oublié. Dans "Pas pleurer", qui est évidemment un roman même s'il plonge dans la vie de l'auteure, douzième femme à obtenir le Prix Goncourt, on découvre aussi une autre voix, celle de Georges Bernanos, écrivain très catholique pour le dire ainsi, autre témoin de la guerre d'Espagne. Un point de vue original porté par une écriture qui l'est tout autant. "Je pense à ma mère, déclare Lydie Salvayre devant le public massé pour sa consécration en tant qu’écrivaine, "que j'ai mise en sûreté dans ce livre."
Les trente premières pages de "Pas pleurer" sont à lire ici.
Sans oublier le menu que le restaurant Drouant a réservé aux jurés du prix Goncourt
Amuse-bouche
Coquilles Saint-Jacques et gelée de poule au poivre noir de Madagascar
Homard breton rôti aux pommes de reinette
Bar à la vapeur d’algues et tartare d’huîtres, betteraves rouges confites et foie de canard poêlé au vinaigre de xérès
Boudin et râble de lièvre, sauce civet et mousseline de céleri
Fromage de chèvre de chez Dominique Fabre
Omelette norvégienne
On se croirait presque dans le train pour Brive (qui part ce vendredi).
Dans la salle voisine chez Drouant se réunissait l'autre jury du jour, celui du Prix Renaudot, jamais opposé à un coup fourré. Le prix a été attribué à David Foenkinos pour son roman "Charlotte" (Gallimard, 221 pages). Au sixième tour, OK, avec cinq voix, MAIS devant deux écrivains qui ne figuraient pas dans la dernière sélection, Jean-Marc Parisis ("Les inoubliables", Flammarion) qui en reçut trois et Kamel Daoud ("Meursault, contre-enquête", Actes sud), encore lui, une voix.
Belle récolte 2014 pour Gallimard donc avec le Nobel de littérature à Patrick Modiano et le Femina étranger à Zeruya Shalev.
L'arrivée de David Foenkinos chez Drouant. |
"Ce roman", écrit l'auteur, tout juste 40 ans,"s'inspire de la vie de Charlotte Salomon. (...) Ma principale source d'inspiration est son œuvre autobiographique, "Vie? ou Théâtre?""
"Leben? oder Theater?" est une sorte d'autobiographie en images, composée de 800 gouaches et textes peints, assortie d'indications musicales. Depuis 1975, c'est le Musée juif d'Amsterdam qui détient cette œuvre.
De ce livre, David Foenkinos dit encore:
"Pendant des années, j'ai pris des notes.Les premières pages de "Charlotte" sont à lire ici.
J'ai cité ou évoqué Charlotte dans plusieurs de mes romans.
J'ai tenté d'écrire ce livre tant de fois.
Entre chaque roman, j'ai voulu l'écrire.
Mais je ne savais pas comment faire.
Devais-je être présent?
Devais-je romancer son histoire?
Quelle forme cela devait-il prendre?
Je n'arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
Alors, je me suis dit qu'il fallait l’écrire comme ça."
Le Prix Renaudot Essai a été décerné à Christian Authier pour "De chez nous" (Stock, 171 pages). Un livre qui n'est pas tout à fait un essai, mais qui l'est quand même. Un livre qui n'est pas tout à fait un récit, mais qui l'est quand même. Une promenade intime dans la vie d'un écrivain né en 1969, mais qui touche à l'universel. Il y est question du passé mais aussi du présent, d'identité nationale, de vivants et de morts, de football, de vin et d'écrivain. De langue française aussi. Et il est dédié à Jean-Marc Roberts, patron de Stock mort en mars 2013.
Les premières pages de "De chez nous" sont à lire ici.
Enfin le Prix Renaudot Poche est allé à Florence Seyvos pour "Le garçon incassable" (Points), précédemment publié à L'Olivier, dont j'ai dit tout le bien que j'en pensais ici.
"L'un des plus beaux livres de l'année", en disait "Libération", formule reprise en bandeau.
Et bien, c'est vrai!
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