Voilà une récompense drôlement méritée! L'Américaine Rene Denfeld vient d'obtenir le Prix du Premier roman étranger pour "En ce lieu enchanté" (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Frédérique Daber et Gabrielle Merchez, Fleuve Editions, 207 pages). Au premier tour de scrutin et à la majorité absolue. Un premier roman magnifique qui traverse son lecteur. Pour mémoire, le prix français a été attribué à Jean-Pierre Orban pour "Vera" (Mercure de France), à lire ici.
La première phrase de "En ce lieu enchanté" ("The enchanted") en précise un tout petit peu le titre énigmatique: "Ce lieu est un endroit enchanté. Les autres ne le voient pas ainsi, mais moi si." A moins qu'il ne joue davantage avec le lecteur. Qui est ce "je" intriguant, vite rejoint par d'autres personnages, nommés, à l'exception de celle qui est appelée "la dame"? On le sait très vite. Le narrateur se trouve dans les entrailles d'une prison. Plus précisément dans son couloir de la mort. Mais la particularité de ce premier roman très réussi est de faire jaillir une infinie humanité ainsi qu'une dimension poétique totalement inattendue en ce lieu de mort. Oui, vous avez bien lu, de la poésie en attendant d'être exécuté.
"Je", le condamné à mort, ne parle pas. Il ne dit rien. Il attend son heure de mourir. Il en a accepté l'idée, ne veut pas la revoir. Mais il observe du fond de sa cellule ce monde clos. Lui y voit des chevaux d'or, des petits hommes munis de minuscules marteaux, des oiseaux de nuit duveteux. Son imagination lui vient sans doute en partie du fait qu'il est un lecteur assidu. "Les livres ont apporté la beauté dans ma vie", lit-on, "ils lui ont donné un sens; car la vie est une histoire." Car le livre rend aussi un très bel hommage à la littérature.
Si Rene Denfeld décrit aussi bien le couloir de la mort, c'est qu'elle connaît le lieu de l'intérieur.Vivant à Portland, dans l'Oregon, elle a été journaliste et enquêtrice spécialisée sur la peine de mort avant d'entrer en littérature. Elle collaborait régulièrement avec "The New York Times Magazine", "The Oregonian" et "The Philadelphia Inquirer". Son métier l'a amenée à côtoyer des condamnés à mort, mais aussi leurs proches et les familles des victimes.
Invitée en septembre au Festival America à Vincennes, Rene Denfeld a raconté lors de plusieurs débats dont celui que j'ai eu le plaisir d'animer, la naissance de son premier livre: elle sortait de la prison et au moment de monter dans sa voiture, elle
a entendu les mots "C'est un lieu enchanté".
Elle se met alors à écrire ce qui deviendra son premier roman, un texte mêlant la grâce et le désespoir sur les couloirs de la mort. Elle n'avait pas choisi d'écrire le livre mais lui-même l'a appelée!
"J'aurais pu faire un essai autour du milieu carcéral", a-t-elle poursuivi, "mais la fiction permet de s'éloigner de toutes ses propres mesquineries." Selon elle, le roman permet de faire entrer la poésie même dans les situations les plus douloureuses. "En tant que journaliste, je ne pouvais pas utiliser cette poésie. L'écriture d'un roman me l'a permis. Ce livre est une manière de parler de la façon dont on peut transcender les pires situations par la poésie."
Dans "En ce lieu enchanté", on est aux côtés du narrateur, cet amoureux de la lecture et du livre "L'Aube blanche" en particulier. Le condamné à mort observe et raconte ce monde particulier. Il y a "la dame" qui rend visite aux prisonniers et tente parfois de faire revoir leurs procès en menant ses propres enquêtes. Ce qui nous donne l'occasion de comprendre un peu mieux pourquoi certains aboutissent là. Il y a le prêtre déchu qui s'occupe des prisonniers pour porter sa croix en s’occupant des prisonniers. Il y a ceux qui seront exécutés après autant d'années passées à attendre la mort. Il y a le "garçon aux cheveux blancs" qui vient d'arriver, seul et vulnérable. Il y a les gardiens ripoux et les détenus prêts à les servir. Tout un monde qui, dans sa noirceur, voit parfois surgir la lumière. Ou même l'amour. Ce qui enchante dans ce premier roman, c'est l’infinie poésie qui se dégage de ce lieu féroce et sinistre.A la fin de sa lecture, on aura pris connaissance de l'itinéraire des différents personnages, dévoilés à petites touches dans une écriture sèche. Sans jugement mais avec cœur.
Un roman américain dans ce que l'expression a de meilleur.
La première phrase de "En ce lieu enchanté" ("The enchanted") en précise un tout petit peu le titre énigmatique: "Ce lieu est un endroit enchanté. Les autres ne le voient pas ainsi, mais moi si." A moins qu'il ne joue davantage avec le lecteur. Qui est ce "je" intriguant, vite rejoint par d'autres personnages, nommés, à l'exception de celle qui est appelée "la dame"? On le sait très vite. Le narrateur se trouve dans les entrailles d'une prison. Plus précisément dans son couloir de la mort. Mais la particularité de ce premier roman très réussi est de faire jaillir une infinie humanité ainsi qu'une dimension poétique totalement inattendue en ce lieu de mort. Oui, vous avez bien lu, de la poésie en attendant d'être exécuté.
"Je", le condamné à mort, ne parle pas. Il ne dit rien. Il attend son heure de mourir. Il en a accepté l'idée, ne veut pas la revoir. Mais il observe du fond de sa cellule ce monde clos. Lui y voit des chevaux d'or, des petits hommes munis de minuscules marteaux, des oiseaux de nuit duveteux. Son imagination lui vient sans doute en partie du fait qu'il est un lecteur assidu. "Les livres ont apporté la beauté dans ma vie", lit-on, "ils lui ont donné un sens; car la vie est une histoire." Car le livre rend aussi un très bel hommage à la littérature.
Si Rene Denfeld décrit aussi bien le couloir de la mort, c'est qu'elle connaît le lieu de l'intérieur.Vivant à Portland, dans l'Oregon, elle a été journaliste et enquêtrice spécialisée sur la peine de mort avant d'entrer en littérature. Elle collaborait régulièrement avec "The New York Times Magazine", "The Oregonian" et "The Philadelphia Inquirer". Son métier l'a amenée à côtoyer des condamnés à mort, mais aussi leurs proches et les familles des victimes.
Rene Denfeld au Festival America. (c) Fleuve Editions. |
Elle se met alors à écrire ce qui deviendra son premier roman, un texte mêlant la grâce et le désespoir sur les couloirs de la mort. Elle n'avait pas choisi d'écrire le livre mais lui-même l'a appelée!
"J'aurais pu faire un essai autour du milieu carcéral", a-t-elle poursuivi, "mais la fiction permet de s'éloigner de toutes ses propres mesquineries." Selon elle, le roman permet de faire entrer la poésie même dans les situations les plus douloureuses. "En tant que journaliste, je ne pouvais pas utiliser cette poésie. L'écriture d'un roman me l'a permis. Ce livre est une manière de parler de la façon dont on peut transcender les pires situations par la poésie."
Dans "En ce lieu enchanté", on est aux côtés du narrateur, cet amoureux de la lecture et du livre "L'Aube blanche" en particulier. Le condamné à mort observe et raconte ce monde particulier. Il y a "la dame" qui rend visite aux prisonniers et tente parfois de faire revoir leurs procès en menant ses propres enquêtes. Ce qui nous donne l'occasion de comprendre un peu mieux pourquoi certains aboutissent là. Il y a le prêtre déchu qui s'occupe des prisonniers pour porter sa croix en s’occupant des prisonniers. Il y a ceux qui seront exécutés après autant d'années passées à attendre la mort. Il y a le "garçon aux cheveux blancs" qui vient d'arriver, seul et vulnérable. Il y a les gardiens ripoux et les détenus prêts à les servir. Tout un monde qui, dans sa noirceur, voit parfois surgir la lumière. Ou même l'amour. Ce qui enchante dans ce premier roman, c'est l’infinie poésie qui se dégage de ce lieu féroce et sinistre.A la fin de sa lecture, on aura pris connaissance de l'itinéraire des différents personnages, dévoilés à petites touches dans une écriture sèche. Sans jugement mais avec cœur.
Un roman américain dans ce que l'expression a de meilleur.
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