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jeudi 19 février 2015

La vie en jaune

Quelques rayons de soleil et tout devient plus lumineux.
Cap sur dix albums pour enfants qui voient la vie en jaune.

Séverine Vidal
Irène Bonacina
"Tandem"
La joie de lire, 36 pages

Un charmant petit format à l'italienne qui parle agréablement peu mais dit tout dans ses délicates images en noir et blanc, rehaussées d'un beau jaune lumineux et utilise merveilleusement le rapport texte-images. Le décor est celui d'une école primaire. Un bâtiment ancien, où on joue à la marelle, à la course, aux petites autos, au ballon... Pas de personnages mais quelques cartables posés sur le sol.

Elle a envie de le voir et il est en retard au rendez-vous. (c) La Joie de lire.
On comprend tout en page suivante: l'oiselle
l'attend
mais
il est
en retard
et elle
s'énerve.





L'héroïne est campée avec son vélo dans l'entrée de l'école. Dans sa tête, plein de pensées. Le futur, le passé. Elle a huit ans. Elle a donc passé trois mille jours sans le connaître. Combien de phases de la lune? Elle pense à tous les projets qu'ils pourraient entreprendre. Elle se souvient de son arrivée, à la dernière rentrée scolaire. Il était déjà en retard... Tous les élèves oiseaux avaient déjà pris place en classe, face au pélican professeur. Lui s'était assis devant elle. Il sentait bon le sable chaud.

Quelques mots et ils sont devenus amis. Une de ces amitiés qui semblent inscrites sur le chemin de l'existence. Ils sont même devenus inséparables et les images en plans larges comme en vignettes racontent et complètent les propos.

L'un raccompagne l'autre et vice-versa, sans fin. (c) La joie de lire.

Mais là, il n'est pas là. Alors qu'ils ont prévu un petit voyage de l'école à la rivière. Et midi, l'heure qu'il avait annoncée, est largement passée. Que faire, se demande l'oiselle? Partir, rester? Et soudain, c'est la surprise attendue avec tant d'impatience. Il arrive, avec le gâteau promis. Le voyage à vélo de ces deux amis amoureux peut commencer.

Quel joli album que ce "Tandem", plein de vie, de délicatesse, de simplicité, de joie et de grâce. Le bonheur est dans le pré parfois, évident et à portée de bec. Les mots de Séverine Vidal s'attachent à l'essentiel, disent aussi les petits riens qui font du bien, les images croquées d'Irène Bonacina confèrent un ravissement communicatif à ce thème universel que sont l'amitié et l'amour.

:-)

Delphine Perret
"Pablo & la chaise"
Les fourmis rouges, 32 pages

Pablo est un petit garçon comme les autres. Il joue au foot et s'écorche le  genou. Il est cascadeur et s'abîme le coude. Il est aussi un gamin qui va à l'école. Mais quand l'album commence, Pablo n'est pas un petit garçon comme les autres. C'est son anniversaire et il n'y a pas école. Tout serait donc pour le mieux, sauf que Pablo reçoit en cadeau de sa famille réunie une chaise. UNE CHAISE! Pourquoi? Pour qu'il se tienne tranquille...

Pablo a déballé son cadeau. (c) Les fourmis rouges.

Fâché, le garçon disparaît dans sa chambre avec son cadeau sur lequel il décide de ne jamais s'asseoir. Après quelque temps, il lui vient toutefois des idées de jeu avec cet objet à quatre pattes. Funambule-de-dossier-de-chaise par exemple. A l'intérieur, à l'extérieur... et même très loin de chez lui. Partout dans le monde qu'il découvre, il fait l'équilibriste avec sa chaise. Le public est enchanté et Pablo poursuit son voyage, se connaît de mieux en mieux. Il donne maintenant son spectacle dans des salles et non plus en rue. Il parcourt le monde, expérimente mille situations différentes, et reprend finalement la route pour rentrer chez lui. Sa famille l'attend. Et Pablo s'assied pour la première fois sur sa chaise afin de raconter ses aventures.

Pablo. (c) Les fourmis rouges.
Ce bel album bien construit prend la défense de ceux qui ne tiennent pas en place et montre qu'ils peuvent aussi avoir du talent.
Vignettes et pleines pages en noir et blanc éclairées de touches de couleurs vives montrent la recherche de Pablo à travers le vaste monde. C'est simple en apparence et très réussi.

Delphine Perret raconte vraiment joliment l'histoire de Pablo et ses images nous le montrent avec chaleur et originalité. Vignettes et doubles pages rythment agréablement cet album utile.

:-)

Daisy Hirst
"Peut-on mettre un loup dans un carton?"
"The girl with a parrot on her head"
pas de mention de traducteur
Albin Michel Jeunesse, 40 pages

Voilà le premier album jeunesse d'une auteure-illustratrice britannique prometteuse. Une histoire à hauteur d'enfants, sans parents, avec de l'imagination à revendre. Ses personnages pleins de couleurs, en aplats, ont des bouilles tellement sympa qu'on a tout de suite envie d'en savoir davantage sur eux.

Isabel, son perroquet et Simon. (c) Albin Michel Jeunesse.
On découvre Isabel qui a un perroquet sur la tête et son ami Simon dans leurs jeux quotidiens. Ils s'enten-
dent à merveille aussi bien dedans que dehors.

Mais cette belle amitié est interrompue par le déménagement du jeune garçon. Isabel est triste et aussi en colère. Elle commence par tout détester, par se murer dans la solitude. Même son perroquet ne trouve plus que moyennement grâce à ses yeux. Avec l'arrivée de l'hiver, Isabel décide qu'elle aime être seule, qu'elle n'a pas besoin d'amis, juste de son perroquet.

Isabel range tout, même les loups. (c) Albin Michel Jeunesse.
Elle s'invente un système pour avancer, trier les choses dans des cartons. Isabel range tout: les autos, les châteaux, les canards, les parapluies cassés, même les loups, les ours, les monstres et les ténèbres... Les cartons s'empilent et la petite fille fait semblant d'être rassurée. Il y a en effet un loup qui pourrait être trop gros pour son système.

Isabel découvre un carton qui la fera sortir de sa solitude. (c) Albin Michel J
Un jour, elle trouve un très grand carton dans la rue, idéal pour son loup. Mais la boîte est habitée par un petit garçon qui en a fait sa tanière.

Chester et Isabel vont se parler, discuter de ce problème de loup, lui trouver une solution. Que vont-ils  faire alors du grand carton? Réponse en finale de cet excellent album, à la fois sensible et poétique, explorant sans détour les avantages et les risques de l'amitié. Quant au perroquet perché, il joue en mesure avec les deux nouveaux amis.

:-)

Ramona Badescu et Joëlle Jolivet
"A Paris"
Les Grandes Personnes, 40 pages et un dépliant

Ramona Badescu, l'auteure installée à Marseille depuis qu'elle a dix ans, n'a jamais vécu à Paris mais y va chaque fois qu'elle le peut tant TOUT l'y réjouit. Joëlle Jolivet, la graveuse-illustratrice, a toujours vécu au bord de Paris. Elle s'y rend souvent et croque inlassablement ce qu'elle y voit.

Les auteures.
A deux, elles ont concocté une formidable promenade en grand format dans Paris. Le Paris officiel bien entendu car incontournable avec Beaubourg, Notre-Dame, la tour Eiffel (qui se déploie en pop-up), le Louvre, la "voie royale" entre le Louvre à la Défense (en quatre pages à ouvrir), la Seine etc., mais aussi le Paris des gens, ceux qui y vivent, ceux qui y passent, ceux qui la découvrent, ceux qui y travaillent, ceux qui s'y aiment... Une autre forme de découverte de la ville. Les superbes gravures fourmillent de Parisiens d'un jour ou de toujours!

On se promène dans des pages extrêmement riches - comment autant d'informations peuvent-elles apparaître dans un espace finalement assez réduit? Le plaisir est immense, qu'on connaisse la Ville-lumière ou pas. L'itinéraire proposé est à la fois personnel et universel. Les images de purs bonheurs et l'enthousiasme du texte extrêmement communicatif.

Le Paris officiel. (c) Les Grandes Personnes.


Le Paris des gens. (c) Les Grandes Personnes.

 :-)


Dahlov Ipcar
"Nos amis les animaux sauvages"
"Wild and tame animals"
adaptation française
de Françoise de Guibert
Albin Michel Jeunesse, 48 pages

Chic! Un nouvel album de Dahlov Ipcar, cette peintre, illustratrice et auteure américaine née en 1917 qu'Albin Michel Jeunesse nous fait découvrir d'album en album (sont déjà parus "L’œuf mystérieux", "J'aime les animaux", "Mon merveilleux sapin de Noël"). Il est en format à l'italienne et date de 1962, le décor des maisons et l'habillement le confirment, mais quel charme. L'Américaine y explique à sa façon, claire, précise et évocatrice, la domestication des animaux sauvages.

Avant, tous les chats étaient sauvages. (c) Albin Michel Jeunesse.
Avant, tous les chevaux étaient sauvages. (c) Albin Michel Jeunesse.
Pour cela, elle fait alterner doubles pages où elles présentent les animaux "avant", quand ils étaient sauvages, et "après", quand ils sont entrés dans la vie des hommes. Chats, chiens, chevaux, bovins, cochons, moutons, bien entendu, mais aussi des animaux d'autres contrées, comme les lamas, les buffles, les yacks, les éléphants, les dromadaires, les rennes, les ânes.

En Asie, les éléphants travaillent. (c) Albin Michel Jeunesse.

Un tour du monde que complète la présentation d'animaux sauvages qui vivent toujours en liberté, que ce soit dans la jungle ou dans la forêt. Une merveille d'album une nouvelle fois.

:-)

Viviane Schwarz
"Y a-t-il un chien dans ce livre?"
"Is there a dog in this book?"
traduit de l'anglais par Claude Lager
L'école des loisirs/Pastel
32 pages animées

Voilà un album bien rigolo où on retrouve Mini, Lunatic et André, les trois chats qu'on avait déjà croisés dans "Il n'y a pas de chats dans ce livre" (L'école des loisirs/Pastel, 2011). Les trois interpellent le lecteur car ils se demandent, conformément au titre, s'il n'y aurait pas un chien dans les pages. Ils lui proposent de soulever des rabats, de regarder ici et là, même de déplacer des meubles pour leur venir en aide. Ils entendent également partager leurs points de vue de chats à propos des chiens.

Bien entendu, il y a un chien dans le livre, un tout petit chien mauve de rien du tout. Qui a peur de qui? On va voir comment chats et chien vont faire pour s'apprivoiser, dépasser les idées préconçues, et finalement, devenir les meilleurs amis du monde, au-delà de leurs différences. L'album est drôle et plein de surprises. Les rabats sont bien pensés, ce qu'ils cachent souvent étonnant et la leçon de vie bien utile en ces temps de méfiance généralisée. On peut lire, rire et réfléchir.

:-)

Jean Leroy
Sylvain Diez
"Capitaine Ours Blanc"
Kaléidoscope, 32 pages cartonnées

L'histoire du plus grand pêcheur du monde, qui circule à bord d'un sous-marin évidemment jaune, et nous raconte crânement ses aventures au milieu des poissons. Pour frémir et rire avec les plus petits devant ce capitaine fort en gueule et habile à l'esquive.

:-)

Catherine Pollaci
"Chû chû fait la souris (en japonais)"
Picquier Jeunesse, 44 pages

Même si c'est le nouvel an chinois aujourd’hui... Ce petit album carré présente une belle série de vingt animaux et leur cri en français, puis en japonais sous la languette à soulever. Ainsi la poule ("niwatori") dit "cot cot codet" chez nous et "kokkokko" là-bas. Chez le cochon ("buta"), "groin groin" devient "bû bû". Et ainsi de suite dans cet album sympathique aux pages de fond graphiquement bien remplies, dans le style des tissus japonais. A gauche est représenté l'animal, avec un rien de fantaisie, à droite est écrit son cri. C'est amusant et instructif.

:-)

Lucie Félix
"Prendre & donner"
Les Grandes Personnes, 16  pages cartonnées

Un album graphique, ludique et intelligent sur le thème des contraires. A chaque double page, le jeune lecteur est invité à attraper la forme incrustée en page de droite. Et quand il tourne la page, il découvre un emplacement où la placer ensuite.

Cela a l'air compliqué? En réalité, c'est tout simple. Exemples.


Prendre puis donner, casser puis construire. (c) Les Grandes Personnes.

En dessous du rond rouge, figure le mot "prendre". Je prends donc le rond rouge et je tourne la page. Là, une main vide m'attend, ainsi que le mot "donner". Je donne mon rond rouge à la main jaune.

Ensuite vient le mot "casser". Je défais le carré bicolore, je le casse en deux triangles, l'un blanc, l'autre rouge, et je tourne la page. Et là, "construire": deux maisons attendent leur toit en triangle.

Le mécanisme compris, le propos se densifie. Quand j'"ouvre" la boîte, une souris s'en échappe, quand je suis invitée à "fermer", c'est une bouche que je clos. Ici, un miroir, là, un moustique, les surprises se succèdent jusqu’à l'ultime page où la main du début reçoit cette fois deux moitiés de pomme!
Lucie Félix joue avec les formes, les couleurs et les notions et invite les plus petits à sa suite.

:-)

Olivier Tallec
"Bonne journée"
Rue de Sèvres, 56 pages

Une grande image en largeur et une légende souvent courte, tels apparaissent les dessins à l'humour corrosif derrière leur réalisation soignée qu'aligne Olivier Tallec dans cet album hautement décalé. Tous se posent sur une situation connue et la propulsent loin de l'habitude.

Les sondages, les annonces, les lieux de vacances, les jouets, les super-héros, l'école, les grands peintres, le développement personnel, les cavernes, la sexualité, le tri sélectif, la paternité, Wikipédia, Noé et même David Bowie se retrouvent bousculés par l'humour de l'auteur, bien plus costaud que ne le laissent penser ses dessins. "Ce que je recherche", dit-il, "c'est le décalage: des personnages qui ne sont pas là où ils devraient être, des situations ou des phrases dénuées de sens – de ce point de vue, le monde du marketing, du commerce ou même de la météo, dans leur drôle de rapport au langage, sont particulièrement inspirants." Olivier Tallec a en tout cas été inspiré.




Quatre bonnes journées que souhaite Olivier Tallec. (c) Rue de Sèvres.









1 commentaire:

  1. grrr... que de nouvelles envies avez vous suscitées avec cet article!!!!!!!!!!!!!

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