Vendredi: un roman illustré et un concours. (c) MeMo. |
On le sait, les éditions MeMo se sont lancées en début d'année dans le roman jeunesse illustré sous la houlette de Chloé Mary. Les romans sont déclinés selon trois tranches d'âge, indicatives, "Petite Polynie" pour les 6 à 9 ans, "Polynie" pour les 9 à 13 ans, "Grande Polynie" pour les plus de 13 ans, jusqu'aux jeunes adultes (lire ici).
Les deux titres pour les plus jeunes, "Truffe et Machin" d'Emile Cucherousset et Camille Jourdy et "La petite épopée des pions" d'Audren et Cédric Philippe, deux "Petites Polynies", exigeants et de qualité, sont sortis fin janvier (lire ici).
Un premier "Polynie" pour les lecteurs à partir de 9 ans est arrivé avec le printemps. C'était le très beau "La marche du baoyé" de Sigrid Baffert, illustré par Adrienne et Léonore Sabrier (MeMo, Polynie, 60 pages), avec sa tranche de la couleur des sables rouges traversés. Un récit proche de la fable sur le déracinement et l'exil pour raison économique. Direction l'ouest inconnu pour cette famille chassée de chez elle mais bien décidée à revivre ailleurs.
Quand les Déracineurs se sont emparés de leur ferme, que pouvaient faire les fermiers Manké hormis prendre la route? "A part quelques graines de millot séchées, trois pommerines et un peu d’eau de jubier, on n'avait plus rien à se mettre au fond du gosier. Les semaines de siège à résister aux assauts des Déracineurs avaient épuisé nos réserves."
C'est ce voyage vers on ne sait où, difficile, inquiétant, éreintant, que raconte Tiago, le benjamin. P'pa, M'ma, le grand frère Ouji et lui ont pris la route à pied, pour tenter de revivre ailleurs. Ils ont juste eu le temps de jeter quelques objets, 26 comme les lettres de l'alphabet, dans une carriole qu'ils poussent et tirent. Est aussi, est surtout du voyage, leur dernier baoyé, dit Monsieur B. L'arbre porte onze kourés, fruits juteux qu'ils vont devoir protéger des voleurs et partager avec minutie pour tenir tout au long de leur marche forcée. Le soleil, le sable rouge, l'inconnu, le chemin à trouver, la faim, la soif, autant d'éléments terriblement inquiétants que Sigrid Baffert rend accessibles aux jeunes dans ce roman âpre et percutant.
L'île de Robinson et Vendredi. (c) MeMo. |
Une deuxième "Polynie" est en librairie, "Vendredi ou les autres jours" de Gilles Barraqué, illustré par Hélène Rajcak (MeMo, Polynie, 132 pages). Une robinsonnade jubilatoire où on rigole plus souvent qu'à son tour et qui envoie joyeusement paître la réputation de publications "difficiles" de l'éditeur. L'essayer, c'est l'adopter! Bien sûr, c'est aussi une œuvre littéraire, bigrement travaillée, mais c'est surtout une pinte de bon temps passé en compagnie de Robinson et de Vendredi et de ceux qui passent sur leur île déserte.
Ce roman à la jolie tranche turquoise de mer paradisiaque nous conte en douze brèves nouvelles largement dialoguées le quotidien de deux naufragés, Robinson et Vendredi. On découvre comment ils se débrouillent pour manger ("Arrête un peu avec les termites [confits], s'il te plaît. J'aimerais qu'il m'en reste quelques-uns"), manger beaucoup même, boire, dormir, se vêtir et se chausser exécuter les corvées ("Dis, je t'échange ma corvée de couture contre une corvée de ton choix, sauf celle de la vaisselle à la rivière"), se distraire (concours de ricochets ou course de cafards et autres), et ce sont autant de trouvailles. Entre leur approvisionnement quotidien et leurs innombrables projets, ils n'ont pas une minute à eux! Bien sûr, ils peuvent se venir en aide ou se mentir ou s'injurier pour rire ou s'enquiquiner par moment et là, on n'a pas fini de rigoler. On voit aussi comment ils accueillent ceux qui tentent de débarquer sur leur plage, que ce soient des marins anglais de Sa Majesté, Don Miguel et sa croix de bois ou une troupe de pirates (et leur trésor). Et cela vaut grandement le détour! Surtout que le texte pétillant de Gilles Barraqué est agréablement soutenu par les illustrations en noir et blanc de Hélène Rajcak. Par ses dessins en grand ou en vignettes, elle capte l'attention du lecteur et prolonge sa lecture.
Dessin d'Hélène Rajcak. (c) MeMo. |
naufragé volontaire, avec ses hauts et ses bas. Car il est aussi question d'amitié entre ses deux bougres qui s'invectivent sans cesse mais s'apprécient plus qu'ils ne sont capables de le dire et se soutiennent l'un l'autre avec des moyens originaux.
Aventures, humour, chaleur humaine, imagination, extravagance s'entrelacent dans un roman à l'entrain contagieux. Vraiment, il ne faut pas manquer "Vendredi ou les autres jours"!
Extrait
- Alors je voudrais préparer mon célèbre gâteau de patates douces au miel.
- Miam-miam! fit Vendredi qui en raffolait.
- J'ai tous les ingrédients; les patates, le miel, les œufs de pigeonneau des bois, les baies de micocoulier… Tous sauf un: le lait. Bon, tu sais comment on s'en procure, hein… Je me disais donc, pour une fois, si je préparais mon célèbre gâteau sans lait?
Grand concours Vendredi!
L'auteur, "bougre de romancier, fieffé contrebandier aux allures de Don Quichotte" selon son éditrice, Gilles Barraqué de son vrai nom, a aussi concocté un jeu-concours pour ses lecteurs. Il s'en explique.
"Il y ["Vendredi ou les autres jours"] est beaucoup question de jeu. Echo du monde de l'enfance, bien sûr, mais aussi véritable modus vivendi dans le partage de l'espace et du temps, pour deux êtres vivant dans le vase clos de leur île – censément clos, plutôt, car on verra que ce monde est poreux. Le jeu est ainsi la clef du recueil.
"Vendredi ou les autres jours" obéit à une contrainte oulipienne: initialement, tous les titres des nouvelles reflétaient une variation sémantique et/ou homophonique de la formule "Il était une fois". La métrique en est scrupuleusement respectée; l'homophonie un peu moins, mais il était aussi amusant de la tordre.
Exemples: le titre de la première nouvelle, qui donnait celui du recueil, c'était "Île était une fois". On aurait pu trouver par la suite – ce n'est donc pas le cas – "Il était un froid", "Il ôtait une fois", "Illettré une fois"…
Ce jeu de contrainte peut sembler gratuit, et il l'est, d'une certaine façon (le jeu!). Il y a bien eu, pourtant, une interaction du fond et de la forme. Avant l'écriture, j'ai planché sur un tableau de variations. J'en ai établi une grosse cinquantaine. Dès lors, à l'écriture, c'est souvent une variation
particulière qui a décidé du thème de la nouvelle; a contrario, parfois, j'avais l’idée de la nouvelle, et j'ai dû imaginer une variation spécifique en titre.
La contrainte "Il était une fois" n'apparaît plus à la publication. J'ai choisi d'autres titres aux nouvelles, plus classiques… Il n'était sans doute pas nécessaire d'ajouter un plan de lecture en superposition. Mais elle est bien là, en présence fantomatique, appuyée sur les arguments des histoires, sur des indices placés à dessein dans le texte.
Je prétends qu'à l'issue de la lecture on peut recomposer ce jeu de variations.
C'est l'objet de ce Grand concours Vendredi. Je vous invite au jeu. Retrouvez les titres initiaux, pliés à la contrainte! Certains sont évidents, qui jouent seulement sur un vocable (voire sur une lettre!), en dérivation claire du thème; d’autres sont plus tordus, et il faut alors se recentrer sur un élément précis de l'intrigue, relever un indice au détour d'une phrase."
Pratique
- Pour participer, il faut proposer sa liste par mail à chloe.mary@editionsmemo.fr en indiquant en message Grand concours Vendredi.
- Date-limite: 1er septembre 2018 (en cas d'égalité, la date de l'envoi prévaudra. Si aucun des participants n'a pu établir la liste complète, seront couronnés ceux dont la liste est la plus fournie).
- A gagner: Premier prix: une bouteille de rhum (blanc), convertible en trois romans dédicacés publiés en Polynies; Second prix : deux romans dédicacés publiés en Polynies.
Le crucru, sorte de dindon des bois, par Hélène Rajcak. (c) MeMo. |
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