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Comment? La Saint-Valentin est passée? On parle quand même d'amour aujourd'hui, avec deux excellents livres parus aux Editions de l'Iconoclaste, un premier roman et un récit littéraire.
A moins de trente ans, Maud Ventura a publié à la rentrée d'août dernier un épatant premier roman au titre étonnant et, on le verra, totalement justifié, "Mon mari" (L'Iconoclaste, 356 pages). Fort drôle avec sa narratrice qui explique comment, après quinze ans de mariage, elle est toujours follement amoureuse de son mari. Ils sont le couple parfait, réussites familiale, professionnelle, sociale. Un roman féroce où perle une tension qui ira croissante au fil de ce face-à-face conjugal. Un roman vertigineux une fois lu l'épilogue. Il a reçu le prix du Premier roman et a figuré dans les sélections du Flore et du Médicis.
"Mon mari" se déploie sur une semaine, du lundi au dimanche, dont les déroulés nous seront contés par le menu. Vraiment par le menu. A la première personne bien entendu. C'est vivant, c'est plaisant, c'est addictif. Car on se demande constamment ce que la narratrice va encore nous raconter. Et on est servi. Elle a du style, Maud Ventura, et sait tenir son lecteur.
Le roman s'ouvre sur une brève intro: "Je suis amoureuse de mon mari. Mais je devrais plutôt dire: je suis toujours amoureuse de mon mari." Les premières phrases sont tout de suite remises en question. "J'envie les amours interdites, les passions transgressives..." Explication: "je vis depuis quinze ans dans le malheur permanent et paradoxal d'être aimée en retour, de connaître une passion sans obstacle apparent." Et la question ultime: comment son mari "pourrait-il remplir ce qui est déjà plein?"
On passe une excellente semaine en compagnie de cette famille. Avec cette épouse qui observe absolument tout ce que dit ou fait son mari. Qui le dissèque. Qui le pèse. Bon? C'est OK. Mauvais? Elle inflige alors des "punitions". Obligée. Laisse traîner négligemment "L'Amant" de Marguerite Duras sur la table du salon par exemple. Mais ce peut être beaucoup plus tordu. Tout est noté, consigné dans un carnet caché. Minutieuse, maniaque, la prof d'anglais, traductrice à ses heures, a une incroyable imagination pour entretenir le lien avec son mari dont elle est follement amoureuse. Follement au sens littéral. La preuve lors de la scène de la clémentine qui va avoir des conséquences inouïes. Aimer ou être aimée, telle est la question en filigrane de cet épatant premier roman qui porte un regard différent sur le couple aujourd'hui.
Dans un extraordinaire texte à la première personne, le récit littéraire "Toucher la terre ferme" (L'Iconoclaste, 128 pages), Julia Kerninon raconte l'immense chamboulement qu'a été pour elle la maternité. Une maternité choisie et heureuse mais qui a complètement modifié ses habitudes de vie. Lire, écrire, lire, écrire, lire, écrire, et tout ce qu'une jeune femme peut faire en vingt-quatre heures sans contrainte par jour. L'excellente romancière qu'elle est, s'intéressant à la complexité du sentiment amoureux (lire ici), applique cette fois l'étude de son sujet de prédilection à elle-même. Et c'est splendide.
Maman à trente ans et heureuse de l'être, enceinte d'un second bébé, la jeune Nantaise - elle est née en janvier 1987 - se prend une fameuse claque dans la figure. Dépassée, perdant pied, elle se sent épuisée, vidée. Est-ce cela, la maternité tant vantée partout? Elle, femme qui écrit, femme qui a trouvé l'homme de sa vie, que va-t-elle alors devenir?
Julia Kerninon plonge alors dans ses souvenirs, comme pour se raccrocher à une certaine stabilité. Du récit de sa grossesse et de son époustouflante et merveilleuse description de son accouchement, elle glisse dans sa vie d'avant. Quand adolescente et jeune femme, elle était libre. Elle se raconte sans se soucier de personne. Les amours passionnelles, les nuits de liberté, les séparations, les errances et les voyages. L'écriture de ses livres bien entendu. Et puis la rencontre. Elle a alors vingt-cinq ans. "Dans mon égocentrisme, je n'avais jamais envisagé d'être aimée, seulement d'aimer", écrit-elle. Ce Parisien au prénom du saint des choses perdues et des causes perdues est l'homme de sa vie. Il l'apprivoise, la rassure. La vie est différente avec lui.
De nouvelles tempêtes viendront avec l'arrivée des enfants. Apaisées, elles laisseront place aux bonheurs. Tout prend sa place, l'amour, les enfants, l'écriture. Julia Kerninon dit "avoir touché la terre ferme". Son histoire, émaillée de dix citations, est d'une telle sincérité qu'on ne peut que la remercier de nous partager ces petites parts de son intimité. Une formidable réconciliation avec soi-même et un tremplin pour un avenir heureux.
Le précédent livre de Julia Kerninon, l'excellent roman "Liv Maria" (L'Iconoclaste, lire ici) sortira en poche chez Folio le 3 mars.
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