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jeudi 29 septembre 2022

En 1860, une marche de dindes marathon

(c) l'école des loisirs.

EDIT 26-01-23
Tadam! "La longue marche des dindes" est l'album lauréat du Fauve Jeunesse du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême 2023. Bravo, Léonie Bischoff, pour cet album immédiatement repéré à sa sortie.






EDIT 03-12-22
Remis pendant le Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ) de Montreuil, le 7e prix Jeunesse 2022 de l'Association des critiques et journalistes de la bande dessinée (ACBD) récompense l'album "La longue marche des dindes", de Léonie Bischoff (Rue de Sèvres) qui "magnifie une épopée américaine sur fond de glouglous".

Dessin de Léonie Bischoff. (c) Rue de Sèvres.

Il y a des lectures qui vous marquent durablement. Notamment "La longue marche des dindes" de l'Américaine Kathleen Karr (1946- 2017), un roman jeunesse d'il y a plus de vingt ans (traduit de l'américain par Hélène Misserly, l'école des loisirs, collection "Neuf",  252 pages). Paru en français en 1999, lu en 1999, ce serait mentir que de dire que je peux en restituer tous les épisodes. Par contre, l'impression du plaisir pris à le lire est solidement restée. Confirmation par les enfants: il recevra l'estimé prix Bernard Versele belge 2001. 
Voici ce que j'écrivais de "La longue marche des dindes" dans "Le Soir" de l'époque (1999).
"L'excellent roman américain qui vient de paraître traite de dindes. Plus précisément du pari fou que fit un gamin, au cours de l'été 1860, mener un troupeau de mille de ces volailles à pied à travers les Etats-Unis. Du Missouri à Denver! Mille kilomètres qui assiéront l'autorité de Simon Green, le cancre de la classe, et le révéleront à lui-même. Partis avec trois mules, un chariot de maïs et un ex-ivrogne reconverti en charretier, Simon et son troupeau seront rejoints par Jabeth, un esclave noir en cavale. En chemin, le gamin fera d'autres rencontres, bonnes et mauvaises: son vaurien de père disparu depuis dix ans, de sages Indiens, un détachement de cavalerie et aussi une jeune fille, seule rescapée d'une famille. Il aura l'occasion de jouer de sacrés tours à ceux qui l'ont embêté. Il cultivera surtout la petite semence de confiance en lui qu'a fait germer son ancienne institutrice. Ce western palpitant aligne moments terriblement drôles et instants poignants. De la belle et bonne aventure, servie sur le plateau d'une écriture captivante. Pour tous dès 11 ans."

Tout le livre m'est par contre revenu en découvrant la version en bande dessinée junior du roman, adaptée et complétée d'un élément judicieux, par Léonie Bischoff (l'école des loisirs, Rue de Sèvres, 144 pages). Et le plaisir aussi. Je frétillais à l'idée de le découvrir depuis que l'auteure-illustratrice suisse installée à Bruxelles m'avait annoncé, lors de notre rencontre pour la merveille qu'est l'album "Anaïs Nin, sur la mer des mensonges" (Casterman, 192 pages, lire ici), qu'elle était en train d'adapter en bande dessinée pour la jeunesse "La longue marche des dindes".

Aujourd'hui, quelques milliers de dindons dessinés, le projet est publié. C'est un splendide album de bon format, bien épais, aux teintes douces et au trait tout en rondeur qui adapte parfaitement en scénario et en images l'histoire originale, mettant en exergue des problèmes d'hier, 1860 quand même, l'esclavage, les Indiens, la ruée vers l'or notamment, et les questions éternelles, les bons contre les méchants, les familles maltraitantes, l'école pour ceux qui n'y sont pas forts, la place de chacun dans le monde...

(c) Rue de Sèvres.

On y suit avec un plaisir fou le jeune Simon Green, 15 ans, diplômé de l'école parce qu'une géniale institutrice n'en peut plus de le voir redoubler et lui octroie le précieux sésame. Sauf que cela oblige le narrateur à s'interroger. Que va-t-il faire? L'oncle et la tante qui l'ont recueilli au décès de sa mère, son père l'ayant abandonné, ne veulent pas de lui. "Je crois que chacun ici-bas a un talent, Simon Green", lui a glissé sa maîtresse d'école. Des mots qui vont vivre en Simon. Le gamin "à la cervelle d'oiseau" selon les siens va acheter mille des dindes tellement nombreuses de son voisin qu'elles ne valent rien et les conduire à mille kilomètres de là où il pourra les vendre à prix d'or..

(c) Rue de Sèvres.

L'album retrace avec un immense talent les péripéties de ce voyage dingue, des préparatifs à l'arrivée à destination. La mise en place de l'équipe, le chariot et les vivres, le compte des dindes, les nombreuses rencontres bonnes et mauvaises, dont ce père qui ne retrouve son fils que pour le voler, la découverte du monde pour un garçon en un temps où aucun moyen actuel n'existait. Aller au cirque, rencontrer un esclave en fuite, des Indiens dépossédés de leur territoire, des soldats véreux, une ville hostile...  Léonie Bischoff captive de bout en bout avec ce road-movie se déroulant dans les grands espaces américains superbement représentés à la veille de la Guerre de Sécession. A l'époque où une partie des Etats-Unis pratiquent sans regret l'esclavage. Le sujet apparaît dans le récit, adapté ici dans une dimension encore plus intense que dans le texte original.

Portés par de très belles images multipliant les cadrages et jouant fort agréablement sur les couleurs, les multiples rebondissements de "La longue marche des dindes" empêchent de reposer l'album sans l'avoir terminé. Si l'intègre Simon Green n'était pas fort à l'école, il a d'autres talents, et de fameux, en lesquels il s'est mis à croire grâce à son institutrice. Quelle lecture exaltante, qui glisse délicatement, en filigrane, de nombreux sujets de réflexion, historiques ou non. Et rappelle la valeur de l'amitié. Pour tous à partir de 9 ans.

Pour voir et entendre Léonie Bischoff sur "La longue marche des dindes", c'est ici.





Le roman est disponible aujourd'hui avec une couverture actualisée.




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