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vendredi 19 septembre 2025

Des auteurs jeunesse se mobilisent pour les enfants de Gaza

Dessin de Thierry Bouüaert.


Toute personne qui a un peu approché la littérature de jeunesse ces quinze dernières années connaît Chris Haughton. Peut-être pas le nom de l'auteur-illustrateur britannique mais ses albums, identifiables au premier coup d'œil. Format carré, couverture colorée, graphisme joyeux, personnages bien campés, excellent rapport texte-images. Les enfants les adorent et les adultes aiment les leur lire."Un peu perdu", "Oh non, George!",  "Bonne nuit, tout le monde", "Pas de panique, petit crabe", "Bravo, maman manchot!", "Et si?" et "Chut! On a un plan" sont tous disponibles en français aux éditions Thierry Magnier.
 
Les albums de Chris Haughton sont publiés en français aux éditions Thierry Magnier.
On retrouve sa chouette sur l'affiche "I oppose genocide".
 
L'art n'empêche pas l'attention au monde, et surtout aux dangers auxquels il expose les enfants. Particulièrement à Gaza actuellement. C'est la raison pour laquelle l'artiste Chris Haughton et son compère Joseph Nhan-O'Reilly, président de Advocates for Afghan Education, ont lancé en Grande-Bretagne une "Déclaration des auteurs, illustrateurs et éducateurs pour enfants sur la Palestine" (Statement on Palestine), adressée au gouvernement. Elle est en ligne ici et toujours ouverte à signature. 
 
 On y lit :
"Nous sommes indignés par l'assassinat de plus de 19.000 enfants à Gaza, par les milliers d'autres blessés et orphelins, ainsi que par la famine et la crise humanitaire qu'Israël leur inflige.
Nous nous sentons obligés de prendre leur défense.

Nous sommes horrifiés par l'incapacité persistante de la communauté internationale à mettre un terme au génocide et à demander des comptes à ses auteurs.

(…) Nous ne pouvons rester silencieux alors que des enfants sont tués, affamés et privés du droit de grandir en sécurité et en paix : leur vie, leur histoire et leur avenir comptent. Notre engagement envers eux nous pousse à nous exprimer, et nous continuerons à le faire jusqu'à ce que chaque enfant du monde puisse vivre en sécurité et dans la dignité."

Le texte britannique appelle aussi à revenir sur l'interdiction du groupe d'action directe non violent, Palestine Action, jugé "terroriste" et s'inquiète de la limitation de la liberté d'expression.

Il a été signé par plus de 500 personnes au Royaume-Uni, dont des éminences de la littérature de jeunesse, bien connues du public francophone. Sir Michael Morpurgo, Michal Rosen, Lauren Child, Chris Riddell, Anne Fine, Benjamin Phillips, Benji Davies, Daisy Hirst, Elise Gravel, Emily Gravett, Emma Chichester Clark, Jo Weaver, Pam Dix, Sergio Rozzier, pour ne citer qu'eux.
 
Plusieurs illustrateurs jeunesse ont signé le "Statement on Palestine".

 
Les dessins de la déclaration sont dus à Reem Madooh, une illustratrice koweïtienne qui puise son inspiration dans la nature, les paysages et les moments du quotidien koweïtien.

 
 
 

C'est le bébé chouette de "Un peu perdu", le premier titre de Chris Haughton, sorti en anglais et en français en 2011, que l'artiste a choisi pour son affiche "I oppose genocide". Une affiche qu'il brandit lors des manifestations dénonçant le génocide en cours à Gaza auxquelles il participe régulièrement. Où il est régulièrement arrêté. Ce qui lui permet de raconter cette anecdote. 

"5 septembre 
Demain je serai probablement arrêté pour avoir tenu ce panneau. J'y serai avec d'autres illustrateurs et amis sur la place du Parlement à partir de 12h50. À 13 heures, quand Big Ben sonnera, nous terminerons nos panneaux. Quand le mot "Action" est écrit après celui de Palestine, le détenteur du panneau peut être accusé de terrorisme.

Ce gouvernement britannique est complice de génocide. Le droit international, auquel le Royaume-Uni a signé, exige que le gouvernement mette fin à tout commerce militaire et à toute coopération avec Israël. Des centaines de milliers de gens britanniques marchent presque chaque semaine depuis deux ans pour exiger cela. Perversement, plutôt que de respecter ses obligations légales, le gouvernement a fait le contraire. Il a poursuivi les ventes d'armes et emprisonné ceux qui ont essayé de les arrêter. Il a déclaré que le groupe d'action directe non violent "Palestine Action" était des terroristes et a fait une descente chez eux et emprisonné ses dirigeants. (…)

Le génocide est un massacre, on l'appelle le crime des crimes. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l'arrêter. Que ce soit légal ou "illégal", cela ne devrait pas faire de différence. Il est de notre devoir de ne jamais nous conformer à un gouvernement qui commet un génocide. C'est pourquoi tant de gens vont venir demain. 1.500 se sont engagés à se faire arrêter. Ce sera le plus grand acte de désobéissance civile de l'histoire britannique. (…) 

9 septembre
J'ai encore été arrêté samedi. Il y avait tellement de monde cette fois-ci qu'il a fallu près de huit heures avant que je sois emmené. J'ai été arrêté à 20h30 et j'ai été libéré vers 2 heures du matin. Je cachais mon nom et mon adresse pour que cela retarde le processus et obstrue le système, mais je suis tombé sur un officier qui m'avait déjà arrêté. Il m'a dit
"Eh bien, bonjour Mr Haughton" et j'ai été libéré sous caution immédiate. Quand je suis sorti, j'ai rencontré un autre manifestant qui avait fait tout le chemin depuis Bristol pour en être. Il était un peu coincé car il n'y aurait pas de train avant le lendemain matin. Certaines personnes peuvent hésiter à inviter un terroriste présumé que vous n'avez jamais rencontré auparavant à venir chez vous, mais il m'a semblé plutôt gentil. Il s'est avéré qu'il avait de jeunes enfants et pouvait réciter les phrases entières de "Oh non, George !" On a pris une photo pour son fils.

Je suis très reconnaissant de faire ça. Je ressens tellement de chagrin et de colère face à ce qui se passe à Gaza. C'est tellement bon d'être entouré de gens qui s'en soucient profondément. En somme, nous avons passé une agréable après-midi assis sur l'herbe à partager de la nourriture, à discuter avec des amis et à rencontrer de nouvelles personnes adorables. Il y a eu des moments d'émotion, des rappels de ce qui se passait à Gaza, mais aussi une ambiance de carnaval (…) C'était un peu comme des chaises musicales parce que toutes les x minutes, une personne se faisait emmener par la police."

En France aussi
Cet appel de plus de 500 personnes en Grande-Bretagne a trouvé écho en France où une démarche analogue est en phase finale. Le texte anglais a été repris et adapté au contexte français, mentionnant notamment la dissolution de Urgence Palestine ou les poursuites à l'encontre de l'Union Juive pour la Paix. Il invite les professionel·les du livre jeunesse et de l'éducation en France à signer une déclaration collective exprimant l'indignation, notamment face à ce que subissent les enfants à Gaza et à la répression des manifestations de solidarité. 

Trois cents personnes du monde de la littérature de jeunesse ont déjà signé la tribune qui, une fois parue dans la presse, ce qui est imminent, sera visible sur un site et continuera d'être ouverte à signatures. Parmi elles, Claude Ponti, Marie-Aude Murail, Marie Desplechin, François Place, Anouk Ricard, Anne-Laure Bondoux, Serge Bloch, Grégoire Solotareff, Eric Pessan, Flore Vesco, Beatrice Alemagna, Emmanuelle Houdart, Benjamin Chaud, Marguerite Abouet, Ilya Green, Praline Gay-Para. 

L'Italie participe également au mouvement (lire ici).

Et la Belgique? Il y a eu l'hommage aux journalistes palestiniens assassinés à Gaza, organisé par des fédérations professionnelles (lire ici). Il y a eu la lecture des noms des 18.700 enfants assassinés à Gaza à l'initiative du cinéaste Thierry Michel (lire ici). Y aura-t-il un appel des professionnels du livre jeunesse belge à dénoncer le génocide en cours à Gaza et, peut-être, à appeler à la paix, ce mot qui semble avoir disparu?


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