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dimanche 14 septembre 2025

Le décès de François Ruy-Vidal


Il faut avoir un certain âge pour connaître le nom de François Ruy-Vidal dont on apprend tout juste  le décès, à l'âge de 94 ans. C'est pourtant notamment grâce à lui qu'on a la littérature de jeunesse dont on dispose aujourd'hui. Il était né le 20 mars 1931 à Franchetti (Algérie) et est décédé le 8 septembre 2025 à Grenoble. Il fut un éditeur d'avant-garde qui révolutionna le genre dès les années 1960. Pas un homme facile, ses convictions et sa forte personnalité le menant à se disputer avec les uns et les autres - même moi, obscure journaliste belge. Pour la bonne cause, parce que, visionnaire génial, il voulait le meilleur pour les enfants, et sa bibliographie parle pour lui. A cause de ses problèmes financiers car ses livres n'ont pas toujours rencontré leur public.
 
On lui doit cette phrase célèbre, prononcée dès 1973 en diverses variantes, et qui devrait être le credo de tout qui veut publier des albums pour enfants: "Il n'y a pas d'art pour l'enfant, il y a l'Art. Il n'y a pas de graphisme pour enfants, il y a le graphisme. Il n'y a pas de couleurs pour les enfants, il y a les couleurs. Il n'y a pas de littérature pour enfants, il y a la littérature. En partant de ces quatre principes, on peut dire qu'un livre pour enfants est un bon livre quand il est un bon livre pour tout le monde."
 
François Ruy-Vidal débuta comme instituteur, adepte des méthodes actives, passa par le théâtre avant d'arriver dans l'édition. Avec son compère américain Harlin Quist (1931-2000) dans un premier temps, en solo pour Grasset-Jeunesse à la suite de leur brouille, ailleurs encore ensuite , il révéla des talents comme Étienne Delessert (1941-2024, lire ici), Henri Galeron, Nicole Claveloux, Danièle Bour, Bernard Bonhomme, Claude Lapointe (1938-2024, lire ici) et beaucoup d'autres. Il incita aussi des auteurs comme Marguerite Duras ou Eugène Ionesco à écrire pour la jeunesse.
 
L'"enfant terrible du livre pour enfants" avait une approche résolument anticonformiste de l’album illustré. Il la conserva tout au long de sa vie d'éditeur. Avec Harlan Quist de 1967 à 1972, chez Grasset-Jeunesse de 1972 à 1976, chez Jean-Pierre Delarge jusqu'en 1978, aux éditions de l'Amitié jusqu'en 1984 et encore lors de son bref retour en 2002 avec les Éditions DES LIRES. On lui doit quand même l'édition d'environ cent vint albums jeunesse.
 
Une partie des albums que Ruy-Vidal a publiés.
  
Grasset Jeunesse a publié un communiqué: "C'est avec une grande tristesse que nous apprenons le décès de François Ruy-Vidal, ce grand éditeur à qui l'on doit notamment les débuts de Grasset-Jeunesse, et tant de livres formidables et novateurs. Son exigence et son amour pour les textes, les images, les beaux livres, continueront à nous animer et à nous habiter. Merci, cher François, pour cette vie intense de passion, de création, de combat. Merci de nous avoir partagé cette flamme, que nous continuerons de porter haut, en défendant cette magnifique littérature qu'est la littérature jeunesse, vivante, vibrante,  nécessaire. Cher François, nous ne vous oublierons pas."
 
Le galeriste Michel Lagarde complète: "Rappelons qu’il était le premier relais des livres d’Harlin Quist en France qui ont mis un sacré coup de pied dans la fourmilière dans les années 70 dans le milieu de l'édition jeunesse. Les éditions Grasset ont pris la relève avec talent."
 
Bibliothécaire retraitée du Centre Pompidou, Christine Abbadie-Clerc complète le portrait: "François Ruy-Vidal, pionnier de la révolution graphique des albums pour enfants, était déjà entré dans la légende des professionnels du livre, un mythe à lui tout seul... adulé et controversé par ses auteurs... Il vient de nous quitter. Et soudain cette nouvelle réveille paradoxalement nos souvenirs, ses "apostrophes" à l'égard de maintes célébrités et institutions... et son duo turbulent avec son associé Harlin Quist. Il n en a pas moins consacré une grande "Littérature en couleurs"."
 
Travailleur assidu, François Ruy-Vidal continuait à scruter ce qui se disait ou s'écrivait sur lui et à le commenter abondamment. Il suffit de faire un tour sur son site pour le découvrir. Loïc Boyer en sait quelque chose, lui qui rédigea l'essai "Les images libres" (MeMo, 2022, lire ici) sur base des archives (dessins originaux, maquettes, correspondances, dossiers de fabrication, etc.) léguées par l'éditeur au Fonds patrimonial de l'Heure Joyeuse - Médiathèque Françoise Sagan et reçut à ce sujet de nombreux courriers.
 
Ruy-Vidal, Delessert, Quist, le trio est désormais ailleurs.  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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