Nombre total de pages vues

vendredi 31 octobre 2025

Yanick Lahens, lauréate du Grand prix du Roman de l’Académie française 2025


Yanick Lahens
a remporté hier jeudi 30 octobre le Grand prix du Roman de l'Académie française (10.000 euros) pour "Passagères de nuit" (Sabine Wespieser Editeur). L'écrivaine haïtienne née en 1953 l'a emporté au troisième tour de scrutin, de justesse, par onze voix contre dix à Pauline Dreyfus pour "Un pont sur la Seine" (Grasset). Alfred de Montesquiou figurait aussi dans la sélection finale avec son roman "Le crépuscule des hommes" (Robert Laffont).
 
C'est une belle reconnaissance pour l'éditrice Sabine Wespieser qui publie peu - deux romans français et un récit étranger traduit en cette rentrée - mais bien - les deux romans français ont figuré dans les sélections de plusieurs prix littéraires -, souvent des femmes, et ce depuis vingt-trois ans.  
 
L'éditrice a exprimé sa "gratitude aux membres de la prestigieuse institution. Nous sommes contraints", a-t-elle ajouté, "de partager à distance notre joie, immense, avec Yanick Lahens: des difficultés administratives la retiennent hélas sur le continent américain."

C'est donc Sabine Wespieser qui a lu le discours de Yanick Lahens au quai Conti: 
"Mesdames, messieurs les membres de l'Académie française,

Je vous remercie pour cette distinction dont votre prestigieuse institution a bien voulu m'honorer. Me voilà succédant à une longue liste d'écrivains illustres comme Pierre Michon, Antoine de Saint-Exupéry, Michel Tournier, Geneviève Dormann et Amélie Nothomb, pour ne citer que ceux-là.

Je reçois cette distinction avec d'autant plus de surprise qu'il s'agit d'un roman écrit à des milliers de kilomètres de Paris et qui évoque la Nouvelle-Orléans et Port-au-Prince au XIXe siècle. Cette distinction me conforte dans l'idée que la littérature est encore dotée d'un pouvoir immense, celui de transcender le temps et l'espace. De faire fi des frontières qui nous enferment pour nous faire grandir. La Nouvelle-Orléans fut une ville-monde qui préfigure notre "Tout-Monde" en devenir, pour reprendre la formule d'Édouard Glissant. Et Haïti au XIXe siècle présente en germe les crises des pays du Sud aujourd'hui.

J'ai aussi voulu rendre audibles les voix pourtant puissantes de femmes. La littérature nous enseigne qu'aucun lieu du monde ne saurait être une périphérie. Que la condition humaine se décline en tout lieu en obscurités abyssales et en lumières éclatantes.

Je suis une écrivaine qui, dans sa solitude et sa discrétion, interroge sans cesse et doute. Et avance par tâtonnements, en hésitations, dans un monde qui, s'il m'a toujours quotidiennement nourrie, bouscule aujourd'hui mes repères anciens.

Il me faut de la force pour avancer avec, pour seule boussole, l'idée d'une humanité partagée et, comme seule arme, des mots. Juste une poignée de lucioles lancée dans la nuit. Et, toujours, j'espère que la magie opérera, que les lucioles nous feront plier les genoux, rêver, sourire, rire, verser des larmes, danser. Aujourd'hui plus que jamais nous avons tant besoin de nous décentrer pour nous retrouver.

Merci.
Yanick Lahens
jeudi 30 octobre 2025"
 
Une version audio du discours de Yanick Lahens par elle-même est disponible sur la page Facebook de la maison d'édition.

Dans "Passagères de nuit", Yanick Lahens compose le portrait en miroir de deux femmes, ses lointaines grands-mères, qui reconnaissent chacune en l'autre "une semblable, une sœur échappée à la rudesse des conventions". Magnifique hommage à toutes les "Passagères de nuit" (à commencer par celles des bateaux négriers), ces vaincues de l'histoire dont la ténacité et la connivence secrète opposent à la violence du monde une lumineuse vaillance. Comme si ses aïeules lui murmuraient de toujours avancer sans se retourner.
 
Pour en lire en ligne le début, c'est ici
 
 




jeudi 30 octobre 2025

Bravo à Berta Páramo!

Le livre "Poux – Manuel de survie en territoire humain" de Berta Páramo (traduit de l'espagnol par Coralie Artus-Jolly, Helvetiq, 204 pages, 2024), vient de remporter le Deutscher Jugendliteraturpreis 2025, le plus prestigieux prix de littérature jeunesse en Allemagne.

L’autrice-illustratrice espagnole Berta Páramo et la traductrice de son livre vers l'allemand Stefanie Kuballa-Cottone ont reçu le trophée à la Foire du livre de Francfort, des mains de la ministre fédérale de la Famille, devant plus de 1.000 personnes.
 
L'avis du jury:
"Poux" est un livre documentaire visuellement et stylistiquement remarquable, dans un format pratique et maniable. "Poux" renforce notre regard sur l'interaction systémique des êtres vivants tout en mettant l'accent sur le thème de l'auto-bienveillance (ou self-care). La traductrice, Stefanie Kuballa-Cottone, réussit à transmettre le style narratif plein de clins d'œil du texte original, maintenant un équilibre parfait avec le contenu factuel et didactique.

L'album m'avait séduite dès sa sortie (lire ici, en deuxième partie de note). Il avait aussi été finaliste du prix IBBY Belgique francophone de l'album drôle (lire ici).

 

 

 

 

mercredi 29 octobre 2025

Un nouveau Booker prize, dédié aux enfants

(c) Booker Prize.

Les célèbres Booker Prize et International Booker Prize, récompenses britanniques annuelles décernées depuis plus de 55 ans, vont bientôt avoir leur équivalent en littérature de jeunesse. La Fondation Booker Prize vient en effet d'annoncer la création d'une nouvelle récompense dédiée à la littérature jeunesse, le Children's Booker Prize. Doté de 50.000 £ (un peu plus de 57.000 €) comme ses équivalents adultes, il sera décerné chaque année à partir de 2027. Soutenu par la Fondation caritative AKO pendant les trois premières années, il récompensera la meilleure fiction contemporaine pour les enfants de 8 à 12 ans. Texte et/ou images.
 
L'objectif de ce nouveau prix est de mobiliser et de développer une nouvelle génération de lecteurs en récompensant et en promouvant les meilleures œuvres de fiction jeunesse d'auteurs du monde entier. Les œuvres nommées en finale rejoindront les 700 ouvrages de la bibliothèque Booker. 
 
Gaby Wood, directrice générale de la Fondation du Booker Prize, a déclaré: "Le Children's Booker Prize est l'initiative la plus ambitieuse que nous ayons entreprise depuis vingt ans, et nous espérons que son impact se fera sentir pendant des décennies. Il vise plusieurs objectifs à la fois: un prix qui mettra en avant les futurs classiques écrits pour enfants; une intervention sociale destinée à inciter davantage de jeunes à lire; et une graine qui, nous l'espérons, fera germer les futures générations de lecteurs passionnés. En d'autres termes, le Children's Booker Prize n'est pas seulement un prix, il fait partie d'un mouvement: une cause que les enfants, les parents, les soignants, les enseignants et tous ceux qui travaillent dans le monde de la narration peuvent soutenir."  
 
Calendrier 
  • En pratique, les candidatures seront ouvertes au printemps 2026. Sont concernées les œuvres de fiction contemporaine pour enfants de 8 à 12 ans, écrites ou traduites en anglais et publiées au Royaume-Uni et/ou en Irlande. 
  • Une liste des huit ouvrages sélectionnés sera annoncée en novembre 2026.
  • Le livre lauréat sera proclamé en février 2027. Particularité, il sera sélectionné par un jury mixte composé de trois enfants et trois adultes (précisions sur les choix à venir). Le président de ce premier jury est le romancier jeunesse britannique Frank Cottrell-Boyce ("Millions"," Le Crime parfait", "Un ticket pour la lune", Gallimard jeunesse, 2004, 2007, 2009, "Le jour où ma vie a changé", Rageot, 2017).
  • Au moins 30.000 exemplaires des ouvrages sélectionnés et primés seront offerts afin que davantage d'enfants puissent acquérir et lire les meilleures œuvres de fiction du monde.

 

Frank Cottrell-Boyce.
(c) David Bebber.
Pour Frank Cottrell-Boyce, président du jury du Children's Booker Prize 2027: "Les histoires appartiennent à tous. Chaque enfant mérite de connaître le bonheur que procure la lecture d'un bon livre. Le Children's Booker Prize permettra aux enfants de découvrir plus facilement le meilleur de la fiction actuelle, de trouver le livre qui leur parle. En les invitant à participer au jury et en leur offrant des exemplaires des livres nominés, des milliers d'enfants supplémentaires découvriront le monde merveilleux de la lecture." 

Une déclaration qui rejoint le mantra de la romancière Astrid Lindgren en hommage de qui a été créé en 2002 le Astrid Lindgren Memorial Award (ALMA, lire ici), très estimé dans le monde de la littérature de jeunesse. Elle qui déclinait à tous les modes l'idée que "Les enfants ont droit à de belles histoires." 
 
D'autres commentaires d'auteurs britanniques diversement honorés au Royaume-Uni sont à lire sur le site du nouveau prix (ici). On y découvre aussi que l'idée du prix fut déjà suggérée en février 1971, il y a 54 ans! Moins de deux ans après la création du Booker Prize (lire en fin de note).
 
La fondation AKO, partenaire fondateur et principal bailleur de fonds du Children's Booker Prize, est une fondation caritative qui octroie des subventions et soutient des associations qui œuvrent pour l'éducation et le bien-être des jeunes, la promotion des arts et la lutte contre l'urgence climatique.
 
Les huit auteurs sélectionnés pour le Children's Booker Prize recevront chacun, comme ceux du Booker Prize et l'International Booker Prize, la somme de 2.500 £ (environ 2.700 €). Le lauréat recevra 50.000 £ (un peu plus de 57.000 €), pareil que ses homologues écrivant de la fiction pour adultes.
 
Le prix sera ouvert aux auteurs du monde entier, tant pour les livres initialement écrits en anglais que pour ceux traduits en anglais, à condition qu'ils soient publiés au Royaume-Uni et/ou en Irlande pendant la période d'éligibilité (du 1er novembre 2025 au 31 octobre 2026 pour le prix 2027). Si un livre traduit en anglais remporte le prix, l'auteur et le traducteur se partageront les 50 000 £ à parts égales, comme pour l'International Booker Prize. Si un roman graphique remporte le prix, l'auteur et l'illustrateur se partageront les 50.000 £ à parts égales: si un livre richement illustré remporte le prix, l'auteur et l'illustrateur se partageront les 50.000 £ selon des modalités à convenir avec l'éditeur. 
 
Une idée ancienne
L'équipe des Booker Prizes est tombée sur une lettre conservée dans les archives de l'organisation à l' Université d'Oxford. En février 1971, la très respectée éditrice de livres pour enfants Judy Taylor (éditions The Bodley Head) écrivait à John Murphy de Booker McConnell , à l'époque bailleur de fonds du prix. 
"Cher Monsieur Murphy, sachant que les termes et conditions du prix Booker sont en cours de révision, j'aimerais demander aux Booker Brothers s'ils envisageraient de décerner un prix annuel à l'auteur d'un livre de fiction pour enfants. Comme vous le savez, d'énormes progrès ont été réalisés dans ce domaine de l'écriture ces dernières années, tant au niveau du standard que de la présentation, et des auteurs comme Lucy Boston, Hester Burton, Peter Dickinson, Leon Garfield, Alan Garner , William Mayne, Philippa Pearce, Katharine Peyton, Stephanie Plowman et Rosemary Sutcliff ont tous écrit des romans pour enfants qui pourraient bien rivaliser avec les romans pour adultes. Mais les auteurs pour enfants ont malheureusement été longtemps négligés en termes de récompenses.
L'art d'écrire pour les enfants est l'une des compétences les plus difficiles. Il est essentiel d'encourager les meilleurs écrivains à écrire pour les enfants. Un prix Booker pourrait bien y parvenir."
L'année où elle écrivit sa lettre, Judy Taylor fut nommée Membre de l'Ordre de l'Empire britannique pour services rendus aux livres pour enfants et devint ainsi la plus jeune femme à diriger une maison d'édition britannique. En tant qu'éditrice, elle accompagna la carrière de dizaines d'auteurs pour enfants, dont Maurice Sendak, auteur de  "Max et les Maximonstres", et devint plus tard la plus grande spécialiste de Beatrix Potter. Elle est malheureusement décédée en septembre 2025 , à l’âge de 93 ans, juste un mois avant que la Fondation du Prix Booker n'annonce que sa suggestion allait enfin devenir réalité. 
 
La lettre de Judy Taylor. (c) Booker Prize.

 
 
 

mardi 28 octobre 2025

Le prix Décembre 2025 à Laura Vazquez

Laura Vazquez. (c) Elise Blottière/Editions du Sous-Sol.

Premier grand prix de l'automne dans le calendrier 2025, le prix Décembre a été décerné ce mardi 28 octobre à la poétesse et romancière Laura Vazquez pour son livre "Les forces" (304 pages, Éditions du Sous-Sol), doté de 15.000 euros. Elle a été préférée par le jury à David Dufresne pour "Remember Fessenheim" (Grasset) et Kevin Orr pour "Laure" (Seuil). Ce deuxième ouvrage de Laura Vazquez  avait déjà été couronné du prix Blù Jean-Marc Roberts et du prix littéraire des Inrockuptibles.
  
Née en 1986 à Perpignan, Laura Vazquez s'est imposée comme l'une des voix les plus singulières de la littérature contemporaine. Poète et romancière, elle est révélée dès 2014 avec le prix de la Vocation pour "La Main de la main" (Cheyne). Son premier roman, "La Semaine perpétuelle" (Éditions du Sous-Sol), a reçu la mention spéciale du prix Wepler 2021. Elle a obtenu en 2023 le Goncourt de la poésie pour l'ensemble de son œuvre.

Selon son éditeur, "Les Forces"
"est l'histoire d'une fille qui n'est pas d’accord avec l'ordre social.
Nos visages sont-ils des images, des devantures?
Notre attention est-elle devenue une propriété, comme les terrains?
Est-ce que quelque chose s'est cassé en nous?
De l'enfance à l'écriture, en passant par un bar mystérieux, une maison abandonnée, un immeuble rempli de sectes, ou le sommet d'une montagne, la narratrice nous entraîne dans une odyssée parsemée de miroirs homériques, de chants d'aèdes qui nous montrent le livre en train de se faire.
"Les Forces" reprend et détourne les motifs du roman d'apprentissage.
Alternant le prosaïque et le théorique en un éclair, le livre se déploie dans une narration allant du tragique au comique. Nous vivons le parcours initiatique et politique de la narratrice."

Jury 2025: Claude Arnaud, Laure Adler, Maxime Catroux, Chloé Delaume, Maylis de Kerangal, Amélie Nothomb, Patricia Martin, Charles Dantzig, Christophé Honoré et Arnaud Viviant.


Caroline Lamarche finaliste du Goncourt 2025


L'Académie Goncourt
vient de communiquer sa troisième et dernière sélection pour son prix qui sera remis le 4 novembre. Comme annoncé, il ne reste plus que quatre titres, sur les quinze titres du début et les huit ensuite (lire ici). La Belge Caroline Lamarche s'y trouve toujours avec "Le bel obscur" (Seuil). Plus que sept fois dormir avant le verdict, mardi prochain juste avant 13 heures. 
 
Le dernier carré affiche deux femmes et deux hommes, les deux poids lourds de la rentrée. Par ordre alphabétique du nom:
 
  • Nathacha Appanah, "La nuit au cœur" (Gallimard)
  • Emmanuel Carrère, "Kolkhoze" (P.O.L)
  • Caroline Lamarche, "Le bel obscur" (Seuil)
  • Laurent Mauvignier, "La maison vide" (Minuit)

Pour lire en ligne le début du livre "Le bel obscur", c'est ici.