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mardi 8 mars 2022

Cinq jeunes filles dans le vent

Manifestation au Mexique. (c) Editions du Ricochet.


Elles sont cinq filles, cinq jeunes filles plutôt. Chacune depuis son coin du monde raconte son histoire, ce qu'il en est de "Naître fille" dans son pays, entre rêves et coutumes, entre exigences et tabous. Un titre tout simple, comme un tronc épais portant de nombreux rameaux (Editions du Ricochet, 176 pages). Alice Dussutour a eu la très bonne idée de leur donner la parole dans ce documentaire jeunesse bien épais et fort bien conçu. Leurs cinq voix portent chacune différents thèmes féministes, spécifiques mais universels. Ce procédé narratif leur donne une toute autre réalité que leur simple énoncé. 

Une écriture vive et enlevée, avec des pointes d'humour comme le clitoris traité d'"ennemi public numéro 1", des illustrations expressives et colorées, la forme ouverte du récit graphique, une conception bien pensée et très structurée (présentation de la narratrice, récit à la première personne, documentation, solutions actuelles, perspectives et utilisation d'onglets géographiques et thématiques) font de "Naître fille" , préfacé par Clémentine Beauvais, une très bonne première approche du combat pour les droits des femmes et de son importance pour les enfants à partir de 11 ans et sans limite d'âge. 

"Naître fille". (c) Editions du Ricochet.

On rencontre successivement Kaneila "Belle comme une rose" (Népal), Jade au nom de pierre verte apaisante (France), Mahnoosh "Clair de Lune" (Afghanistan), Makena "Celle qui apporte le bonheur" (Kenya) et Luisa "Glorieuse guerrière" (Mexique). Des prénoms qui sont autant de promesses. Les cinq jeunes filles se présentent à nous sans tabou, nous confient ce qui est difficile pour elles, ou inacceptable, ou inaccepté, nous expliquent les solutions trouvées. Très prenants et informatifs, leurs témoignages sont aussi l'occasion d'apprendre des choses sur soi, de réfléchir aux usages d'ici.

Bien sûr, il n'est pas question d'excision en Europe comme en témoigne Makena. Bien sûr, nos sociétés patriarcales ne sont pas celles d'Afghanistan où les filles ne peuvent rien faire sauf à se déguiser en garçon. Et la période des règles n'oblige pas à l'isolement dans un lieu dangereux comme c'est le cas pour Kaneila. Mais le harcèlement de rue et à l'école que vit Luisa et le féminicide auquel elle assiste sont aussi nos réalités européennes. Il faut éduquer les hommes. Partout dans le monde. Dont le père passif et muet de Jade qui, estimée trop grosse par sa mère sera obligée de faire des régimes jusqu'à s'y perdre.

Toutes les situations où les droits des femmes ne sont pas respectés sont chaque fois très bien décrites. Si elles sont remises dans leur contexte de poursuite de la tradition, elles dépeignent des réactions d'opposition ou de fuite et engagent à d'autres attitudes, sous toutes la latitudes. Les récits très précis et localisés des cinq jeunes filles sont complétés d'une large documentation sur les sujets abordés. Tout le monde a envie de savoir comment se passent les règles, de découvrir le schéma de l'utérus ou du clitoris. Tout le monde aime savoir quelles sont les femmes qui ont pris l'apparence d'un homme pour avoir les mêmes droits et les mêmes libertés. Il est bon de découvrir la vie des filles et des femmes ailleurs, de se rappeler l'avancement des Afghanes hier avant le terrible recul des cinquante dernières années. 

Indignations, espoirs et solutions entendent briser des tabous et rappeler des vérités. Non, les règles ne sont pas une honte, ni une faute. Oui, l'important est de se sentir bien dans son corps. Non, la rue n'appartient pas aux hommes. Oui, une fille peut s'habiller comme elle veut. Non sans condition au mariage forcé et à l'excision. Non, les femmes ne sont pas seules. Oui, leurs sœurs veillent ici et là, partout dans le monde. Et plus elles seront nombreuses, plus elles seront fortes.

Un très beau travail de collation d'éléments et de documentation que ce "Naître fille" d'Alice Dussutour. Si l'album couvre l'essentiel des injustices et des violences faites aux femmes, il a aussi la très grande qualité de les dépasser, d'ouvrir des perspectives et d'amener à une sororité universelle. Un ouvrage à lire et à discuter. Pour tous à partir de 11 ans.

Le sommaire. (c) Editions du Ricochet.









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