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jeudi 4 août 2022

Trois cabinets de curiosités et d'autres bouts rimés, ou pas, illustrés, ou pas

"Les morts vivent plus longtemps qu'avant".
(c) Le Vistemboir.

Pour entamer cette douzième année de mon blog, cap sur la poésie.
Pour les grands et pour les petits. Trois cabinets de curiosités pour commencer, d'autres recueils ensuite.


Les morts vivent plus longtemps qu'avant
François David
Le Vistemboir, 80 pages

Sont-ils tous morts, les animaux photographiés par François David dans son nouveau recueil illustré de poésie? Le titre semblerait pencher pour, "Les morts vivent plus longtemps qu'avant". Mais les textes nés selon le principe déjà appliqué à "Et c'est moi que je vois" publié il y a deux ans (lire ici) le contredisent parfois.

Rappelons la genèse des textes de François David. Ce dernier prend des photos sur son téléphone. Beaucoup de photos. Beaucoup de très belles photos. Ensuite, il sélectionne, trie, jusqu'à souvent n'en conserver qu'une. Cette photo-là  déclenchera un texte qui n'aurait pu naître sans elle, mais qui vagabonde en toute liberté.

Dans un format identique au précédent volume auquel il fait écho, soit carré et moyen, "Les morts vivent plus longtemps qu'avant" tient davantage du cabinet de curiosités que du portrait mosaïque qu'était "Et c'est moi que je vois". Mais si François David dessine au fil de ses petits textes prenants un portrait de ses semblables, le couple, les terreurs, l'amour, les rêves, la pseudo-sagesse, en creux, c'est évidement lui qui se raconte à nouveau. Ses mots bien choisis composent des phrases vibrantes qui nous conduisent à la pharmacie, chez le coiffeur ou sur les sentiers, et en divers autres lieux qu'on ne considérera jamais plus comme avant après cette exaltante lecture.


Je suis un génie
Susie Morgenstern
illustrations de Serge Bloch
L'Iconoclaste, collection "L'iconopop", 80 pages

Chaque matin, Susie Morgenstern écrit un poème qu'elle envoie à ses amis. Une vieille habitude qui n'avait pas donné lieu à publication. Ici Susie Morgenstern écrit un livre de poèmes qui se range aisément dans la catégorie "cabinet de curiosités". Elle y convoque en effet tous les génies à ses yeux, Bach, Hannah Arendt, Einstein, Jeanne d'Arc et d'autres en une rythmée alternance masculin-féminin. Surgit immédiatement la question, partagée entre auteure et lecteur/trice: "Et moi?" Pas question de se faire du mal. Les mêmes génies sont rappelés pour nous aider. Voilà reparti sur les chapeaux de roue, en plusieurs chapitres thématiques, cet irrésistible texte poético-humoristique, élégamment soutenu par les dessins de Serge Bloch. On le déguste, on s'y sent bien, on s'y sent grand. Quel génie, cette Susie!


Aussi les gens
Jean-Louis Massot
Editions du Centre de créations pour l'enfance
collection "PetitVa!", 40 pages

Pas d'image en couverture de ce petit format à l'italienne à reliure spirale. On ne perd rien pour attendre. Dès la première page tournée, on tombe sur de curieux dessins en noir où l'on peut beaucoup imaginer, des silhouettes, des lieux... A moins que ce ne soit la poésie elle-même qui soit représentée, Jean-Louis Massot dédiant tout le recueil à la recherche de cette dernière. A lire ses textes pétillant d'amour pour la vie dans les instants quotidiens, célébrant les choses simples dans lesquelles se cache la beauté pour peu qu'on pense à la regarder, vibrant avec la nature qui nous nourrit et nous protège, on se dit qu'il a bien raison: c'est dans ce cabinet de curiosités que se trouve la poésie. Ouvrons les yeux, le nez, les oreilles, la bouche... Derrière les mots du poète, on retrouve si bien l'homme.


Piéton du monde
Carl Norac
choix anthologique et postface de Jean-Luc Outers et Gérald Purnelle
Espace Nord, 294 pages

Poète national en Belgique de mars 2020 à mars 2022, années de confinement et de mort qui lui ont fait créer les "fleurs de funérailles" auxquelles ont participé plus de 70 poètes belges (lire ici), Carl Norac écrit de la poésie depuis toujours, mettant ses pas dans ceux de son père, l'instituteur et poète Pierre Coran, et ceux de Norge, son "bon génie".
"(...)Un poème à la fois, ce n'est pas grand-chose
et c'est tout l'univers."
La phrase vaut pour son auteur et pour ses lecteurs.

C'est dire si on n'aurait pas aimé être à la place de ceux qui ont composé cette anthologie, couvrant "l'ensemble de le production poétique de l'auteur à ce jour". On devine les choix cornéliens pour que l'ouvrage ait de la classe graphiquement parlant. Les pages accueillent les textes, laissent de la place au blanc, cette parure typographique, cette respiration pour le lecteur. "Piéton du monde" invite à suivre le poète dans ses voyages, extérieurs et intérieurs, sans oublier ses poèmes pour la jeunesse.

Extrait.
"Pierre Coran"
"(...) Marchant sur une drève,
il y a cet homme libre,
jamais sans la part des autres,
et cet homme est mon père." 
Extrait de "Une valse pour Billie" (2013)


Les animaux rêvent aussi
Un abécédaire en poèmes
Pierre Coran
Iris Fossier
Casterman, 64 pages
à partir de 5 ans

L'alphabet a déjà donné lieu à divers poèmes animaliers. Mais cet album grand format se distingue par la fantaisie de ses textes et la créativité de ses dessins gravés. La preuve que les enfants méritent mieux que des niaiseries. "Cet album est une commande que m'a faite Anne-Sophie Congar, éditrice chez Casterman", explique Pierre Coran. "Elle souhaitait que j'invente des rêves d'animaux. J'ai répondu oui pour deux raisons, parce qu'il s'agit d'animaux (j'ai 155 fables éditées) et parce que c'est mon retour chez Casterman." C'est l'ancien instituteur qui a souhaité en faire un abécédaire afin que les enfants puissent aussi apprendre les lettres.

"La particularité de cet album", poursuit le poète, "est que les textes sont venus après les dessins." Pierre Coran s'est donc trouvé face à une abeille et des fleurs pour le "A", à un bonobo et un robot pour le "B", à un chien et un chat pour le "C". Il s'en est divinement bien sorti, évidemment, comme en témoigne le "G" de la girafe (et les autres) reproduit ici.

Les plus attentifs auront remarqué la présence d'une abeille virevoltant sur les pages. "Celle-ci est arrivée en toute fin de mise en page", nous dit-il, "quand les pages étaient déjà montées."

Il y a du monde à la lettre "G". (c) Casterman.



Une seconde, papillon!
Pierre Coran & Carl Norac
Cécile Gambini
Rue du monde
collection "Une petite poignée de poèmes", 36 pages
pour tous à partir de 7 ans

Pierre Coran avait choisi d'écrire sous pseudonyme, son fils Carl a fait pareil, avec le même nom de famille mais en ordonnant ses lettres autrement: Norac. L'histoire est tellement ancienne qu'on s'en souvient à peine. Dans ce mini-livre, père et fils ont composé ensemble une quarantaine de brefs poèmes sur des thèmes qui leur sont chers, la poésie, l'enfance, le rêve. Les images de Cécile Gambini les accompagnent à la façon de doux papillons.



Poèmes cueillis dans la forêt de vos yeux
Françoise Lison-Leroy
Nathalie Novi
Rue du monde
collection "Une petite poignée de poèmes", 36 pages
pour tous à partir de 7 ans

De ses innombrables rencontres avec des enfants, Françoise Lison-Leroy a ramené quarante poèmes chaque fois introduits par le prénom d'un enfant. Des mini-portraits en quelques lignes, mais quelques lignes qui disent tant de ces garçons et de ces filles d'aujourd'hui: d'ici ou d'ailleurs, tristes ou joyeux, chanteurs ou observateurs, portant souvent de si lourds poids déjà. Défenseuse des enfants, notamment de Syrie (lire ici et ici), Nathalie Novi illumine de six merveilleux portraits ces enfants de notre monde.



De la terre dans mes poches
Françoise Lison-Leroy
Matild Gros
CotCotCot éditions, 20 pages
collection "Matière vivante"
pour tous à partir de 4 ans

D'avant-garde quand il parut en 2005 sous le titre "Jean jardinier" dans le recueil "Dites trente-deux" (Editions Luce Wilquin), le poème de Françoise Lison-Leroy a acquis une actualité brûlante, une nécessité urgente. Avec des mots tout simples, il dit la terre, le petit garçon qui découvre le jardinage, sa maman qui l'encourage et lui révèle combien la terre peut être nourricière. Les splendides illustrations de Matild Gros, ici épurées, là plus baroques, se posent magnifiquement sur ce texte qui ouvre la collection "Matière première", terrain de recherche poétique permettant de relier les êtres vivants à la nature, à l'écologie. Dans une démarche logique, l'éditrice a choisi d'imprimer le livre en Belgique avec des encres à base végétale sur un papier recyclé écologique et a demandé à un atelier protégé bruxellois de procéder à la reliure.

Mère et fils les mains dans la terre. (c) CotCotCot éditions.

 

Ma Matriochka
Anne Herbauts
Casterman
11 pages tout carton avec des rabats
pour les plus jeunes

Tout le monde connaît les matriochkas, ces poupées de plus en plus petites qui s'emboîtent les unes dans les autres. Anne Herbauts en reprend à sa façon le principe pour cet album "méli-mélo" qui s'articule verticalement et est dédié aux mamans. Un rabat à tourner en haut, un rabat à tourner en bas, ensemble ou séparément pour faire surgir le texte, les images et leurs surprises: une matriochka bien entendu, sous diverses apparences, mais aussi un chat qui sourit, une souris, un noyau d'abricot, un biscuit, un nuage et bien d'autres trouvailles poétiques qui s'apparient comme on veut.


Idylle
Agnès Domergue
Valérie Linder
CotCotCot éditions, 58 pages
pour tous à partir de 6 ans

Un paysage idyllique saisi à l'aquarelle pour une idylle entre une oiselle et un poisson que réunit la lune. Un amour improbable qui se construit d'étape en étape devant le lecteur enchanté. Ciel et eau, soleil et pluie, elle et il, saisons, surgissent en des jeux constants sur les sons et les mots. La formule "IL a une île./ ELLE a deux ailes" introduit cet album virevoltant mais sobre où Agnès Domergue tricote les mots à l'endroit et à l'envers, multipliant les réjouissantes trouvailles, où Valérie Linder complète et détaille cet amour peu commun en de très plaisantes illustrations. Musical, espiègle, pastoral, cet album au si joli titre réjouit autant le cœur que les yeux et les oreilles.

"Idylle". (c) CotCotCot éditions.










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