Prix IBBY Belgique francophone 2024 de l'album belge
Pour rappel, la
Section belge francophone de l'IBBY
(International Board on Books for Young People) décerne depuis janvier 2023
ses
quatre prix de l'album (prix
de l'album, prix de l'album traduit, prix de l'album belge, prix de l'album
drôle). La remise de leur troisième édition, publique, aura lieu ce lundi 20
janvier à 14 heures (infos
ici).
Voici les
dix titres finalistes en catégorie album belge, tous
sortis en 2024, par ordre alphabétique du nom de l'illustrateur. Avec un choix
d'images en fin de note.
OmbrellaPierre AlexisLa Partie, 48 pages
Très différent de son précédent album,
le rigolo "Règlobus" (finaliste en même catégorie des prix IBBY 2022), ce
grand format déploie un univers singulier et poétique, un peu étrange même,
autour du thème de l'adoption. Chacun le lira à sa façon entre les jeux
d'ombres et de reflets qui apparaissent dans les illustrations à l'acrylique.
Au centre de ces pages mystérieuses, Ombrella, une chauve-souris aux jolis
yeux qui sort tout juste d'hibernation. Elle découvre par hasard un œuf,
décide de le couver, puis d'éduquer le caneton. On la suit dans ses
initiatives et ses questionnements dans des pages en deux plans, qui montrent
le monde et son reflet liquide souvent déformé, comme pour rappeler la
position inversée de la chauve-souris. Avec Ombrella, on comprend aussi
combien l'adoption doit être réciproque, ce qu'elle semble être ici, jusqu'à
l'énigmatique page finale où l'écho dans l'eau diffère du ciel. Un album plein
de mystères.
Le voyage d'IrmaMathias BaijotCotcotcot éditions, 144 pages
Un récit onirique, essentiellement porté par des dessins délicats en teintes
douces. Il y est question d'une baleine à bosse, Irma, qui, couchée dans son
lit, souhaite entendre des histoires d'ailleurs. On la voit quitter son
univers aquatique, embarquer en compagnie d'autres passagers animaux dans un
gros avion. A destination, ses amis l'attendent. Léon le héron, Simone la
vigogne, Ernesto le blaireau, Andréa le renard et elle s'installent dans un
minibus VW. Ils partent faire la tournée des contes.
"Chaque soir, une nouvelle histoire sera dite dans un nouveau paysage,
singulier à chaque complice". Un programme qu'apprécie Irma qui aime autant les histoires que ce qu'elles
révèlent de ceux qui les disent. Les jours passent, on découvre en détail les
conteurs et leurs récits. Irma s'inquiète car son tour approche. C'est oublier
le destin qui en décidera autrement et soudera encore davantage les amis. Un
beau roman graphique choral où le lecteur, pas trop jeune, peut longuement
s'aventurer.
Il y a aussi une T-rex
mais ce n'est pas le sujet
Julie Douine
Noémie FavartVersant Sud Jeunesse, 40 pages
Voilà un album à facettes
multiples. Il dit le présent, Édith et son papa Bachir habitent dans un
immeuble de la cité des Coquelicots. Un lieu bien mal nommé car il ne présente
que du béton. Il dit aussi le passé. Lors de leurs promenades, Bachir explique
à sa fille ce qui s'est déroulé là précédemment avec précision. Une famille de
loups 503 ans avant, une femelle T-rex affamée 67 millions d'années plus tôt
ou un menhir en 416 ans après Jésus-Christ. Il dit encore le futur quand Édith
entre dans le même jeu mais inversé:
"Juste là, dans 111 ans, ce sera un grand cèdre!" Bigre! Il s'agit pour
Bachir de dégotter une graine de cèdre. Puis pour le duo de la planter, ce qui
est interdit. Mais père et fille sont tenaces et vont réussir au-delà de toute
espérance, les illustrations luxuriantes en témoignent. L'histoire est à la
fois sociale car elle montre la société contemporaine, drôle avec
l'intervention de la T-rex affamée, ébouriffante comme les cheveux d’Édith
dans ses développements, remarquable par son ancrage dans notre quotidien.
Écologie, transmission, famille monoparentale et société multiculturelle,
autant de sujets qui arrivent avec naturel sans aucune lourdeur. Ils
conduisent à la merveilleuse avant-finale, avec une Édith devenue une vieille
dame contemplant sa magnifique ville-forêt et une finale qui se déroule
dans... 1603 ans.
Matin Minet Grandeur natureAnne Herbautsl'école des loisirs/Pastel, 40 pages
Dans ce cinquième
épisode de la série, Matin Minet et Hadek le charançon se lancent dans
l'exploration complète du mot "mesurer". Équipés d'un mètre pliant et d'un
mètre-ruban, ils s'en donnent à coeur joie. Tout y passe dans leur
environnement. Tous leurs amis y passent aussi. Pas seulement physiquement car
surgit très vite la question de ce qui est mesurable et de ce qui ne l'est
pas. Ou de ce qui ne l'est pas encore, comme ces graines qu'ils vont planter
pour mesurer leurs pousses quand elles grandissent - en témoignent les pages
de garde. Un album de jardinage qui célèbre la nature et invite à s'en
rapprocher, porté par d'exquises illustrations dont les fonds colorés
indiquent le passage du jour.
Le cas canardVincent MathyLa Partie, 40 pages
En couverture, pas de titre ni d'autre
mention. Juste un canard qu'on dirait réalisé en gommettes. Il va falloir le
repérer dans chacune des illustrations suivantes car il a faussé compagnie aux
siens qui barbotent dans la mare. Au début c'est facile. L'histoire devient
vite un suspense qu'il s'agit de décoder grâce aux informations fournies par
les illustrations. Pas si facile de passer du rôle de lecteur à celui de
créateur, mais terriblement amusant. Si ce canard est un cas, il a aussi un
ami sur lequel compter pour le sauver d'un camarade mal intentionné. Tout est
dit dans les images aux formes simples mais efficaces.
À tire-d'ailePierre Coran
Dina Melnikova
Cotcotcot éditions, 24 pages
Tout mince et en format livre de poche, le très beau mariage d'un texte
poétique sur une libellule qui revient saluer celui qui l'a libérée de la
vitre du salon et d'illustrations qui jouent avec les couleurs bleu-vert et
les formes de la demoiselle, agrandies, déconstruites ou simplement
esquissées. Un album qui donne envie de guetter les premières libellules et
qui aide à attendre le printemps.
Nina Neuray
La
Partie, 40 pages
Que se passe-t-il l'hiver, quand le parc de jeux a
fermé et que les humains ne s'y rendent plus? Une renarde qui s'y aventure
semble en apprécier les installations. Elle est bientôt suivie par plein
d'autres animaux qui s'en donnent à cœur joie. Les faons gambadent partout
entre les toboggans et les balançoires, les canetons testent la piscine, les
sangliers se vautrent dans le pédiluve, les hérons se promènent sur l'étang
gelé. Avec le printemps reviennent les hommes de la ville. Ils veulent tout
nettoyer, ils font du bruit. Les animaux fuient, sauf l'ourse qui a été
réveillée et crée la panique chez les ouvriers. Que va-t-elle devenir alors
qu'un mur de briques se construit? Un splendide graphisme qui salue le
réensauvagement et pose la question des frontières, des murs et des
cohabitations entre vivants.
Dévacance ColèreMarina PhilippartMeMo, 56 pages
Belle réussite que cet album construit sur un
quiproquo. Personne dans ce village ne prête attention à Petit Chien à
l'exception d'un groupe d'orphelins sur le chemin de l'école. Inquiet de ne
plus voir ses visiteurs pendant plusieurs jours, Petit Chien entend le pigeon
lui dire qu'il y a des vacances scolaires. Mais il comprend que Dévacance
Colère, un terrible monstre, a kidnappé les enfants. Il lui faut aller dans la
forêt pour les retrouver. En chemin, il rencontre Reine, une enfant oubliée,
et Robin, un oiseau sans voix. A trois, ils mènent l'enquête et retrouvent les
enfants qui s'étaient égarés en jouant. Ils décideront de lier leurs destins
et de rester tous ensemble dans la forêt. Malice et tendresse dans cette
histoire d'amitié et d'entraide illustrée avec art.
Rue Bilal Balazar
Alice Babin
Marine Schneider
Albin Michel Jeunesse, 40 pages
La rue Bilal Balazar porte
le nom d'un jeune homme disparu qui peignait sur les murs les récits qu'elle
lui confiait. Blagues, luttes, mots d'amour, alertes... Un jour, les habitants
ont l'idée d'organiser un bal pour faire revenir Bilal. Merveilleuse réussite:
tous les éléments du décor semblent prendre vie. Jusqu'à la danseuse peinte
sur un mur qui se met à chanter (QR code à scanner pour l'entendre). Bilal est
de retour dans cet album qui célèbre le street art à travers un de ses
artistes, Bilal Berreni (1990-2013).
et aussi
Marine Schneider
Albin Michel Jeunesse, 56 pages
Sortie de l'eau en
même temps qu'une île qui vient de naître, Minik est une sorte de
chauve-souris dont l'histoire va durer des millions d'années.
Un très
beau pantone corail dynamise cet album initiatique où il est question
d'évolution, de temps, de vie et de mort, d'histoires qu'on se raconte.
Notamment celles qu'Atlas invente avec ses frères jumeaux, Orso et Loup, pour
affronter la disparition de leur maman, engloutie dans le brouillard. Une
maman qui leur envoie des signes, notamment son foulard fleuri qui revient en
fil rouge dans les superbes illustrations, fascinantes et mystérieuses.
Dans le nez de la sorcièreMichel Van Zeverenl'école des loisirs/Pastel, 48 pages
En cherchant une vache,
Petite Mouche se fait aspirer par le nez d'une sorcière. Un lieu où elle va
faire d'incroyables rencontres, plus repoussantes les unes que les autres,
plus puantes les unes que les autres. Mais elle est une mouche et s'e,
réjouit. Elle déteste l'odeur de la rose et apprécie grandement celle d'une
bouse bien fraîche. Par exemple, celle qu'a laissée la vache à la recherche de
laquelle elle était partie. Mais revenons au nez de la sorcière où vit une
petite fille victime d'un charme qu'un baiser peut rompre. Un album aussi
rigolo par son propos renversant les codes que par ses illustrations
volontairement exagérées.
Quelques illustrations
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"Ombrella". (c) La Partie.
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"Le voyage d'Irma". (c) CotCotCot éditions.
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"Il y a aussi une T-rex". (c) Versant Sud Jeunesse.
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"Matin Minet Grandeur nature". (c) l'école des loisirs/Pastel.
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"Le cas canard". (c) La Partie.
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"A tire d'aile". (c) CotCotCot éditions.
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"A la lisière". (c) La Partie.
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"Dévacance Colère". (c) MeMo.
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"Rue Bilal Salazar". (c) Albin Michel Jeunesse.
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"Minik". (c) Albin Michel Jeunesse.
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"Dans le nez de la sorcière". (c) l'école des loisirs/Pastel.
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