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jeudi 12 octobre 2017

Retrouver le beau pays de l'enfance absolue grâce à Timothée de Fombelle

Timothée de Fombelle.

Sur l'élégante couverture se suivent, ou plutôt se répondent, le nom de Timothée de Fombelle et le titre "Neverland" (L'Iconoclaste, 120 pages). On ne s'en étonne pas vraiment, l'auteur ayant jusqu'à présent publié de magnifiques romans jeunesse, "Tobie Lolness", "Vango", "Le livre de Perle" (Gallimard Jeunesse, 2006, 2010 et 2014). Et "Neverland" étant, on le sait, cette île imaginaire créée par J.M. Barrie pour la pièce de théâtre "Peter Pan" et le roman "Peter Pan et Wendy".

Il n'est pas inutile de savoir que le terme anglais de "Neverland" est défini par le dictionnaire Longman comme "un lieu imaginaire où tout est parfait" ("[an] imaginary place where everything is perfect"). Car c'est exactement ce que fait Timothée de Fombelle dans ce premier roman destiné aux adultes, superbe, où il se met en quête de l'enfance merveilleuse dont il a bénéficié et dont ne reste chez l'adulte qu'il est devenu que d'évanescentes traces.

De passage à Bruxelles, l'écrivain français explique sa démarche: "L'enfance est la source de tout le reste. C'est l'énergie vitale. Je sentais que je n'avais jamais pris frontalement le sujet. Il me manquait en effet la description du réservoir qui a permis mes autres livres, destinés à la jeunesse. J'ai écrit ce livre pour protéger l'enfance, pour protéger l'enfant en moi. Mais il ne m'était pas possible de l'écrire pour les enfants."

Ce premier roman sort donc chez un autre éditeur et à la rentrée littéraire pour indiquer le changement de lectorat. "Mais mon écriture pour la jeunesse n’est pas un escabeau pour la littérature adulte", précise Timothée de Fombelle. "L'Iconoclaste m'avait demandé si je n'aurais pas un livre qui ne tienne pas en jeunesse."

Et voilà "Neverland", petit bijou dont on découvre et savoure chaque phrase. L'auteur y raconte toutes ses tentatives de se rapprocher de son enfance, un haut territoire qui lui semble désormais inaccessible. "Je suis parti un matin d'hiver en chasse de l'enfance", écrit-il. "De l'enfance absolue", précise-t-il. Il nous confie sa quête minutieuse, ses découvertes précieuses. Il est peut-être un chasseur fou, il est surtout un chercheur d'or.

En sa compagnie, on visite la maison des grands-parents, on découvre ces deux personnes extraordinaires, attentives, fines et conscientes du temps qui passe, on partage des émotions, des secrets. On escalade des grilles et on traverse des frontières. Est-il possible de se glisser dans la maison de son enfance? Est-on prêt à le faire? Avec une infinie délicatesse et d'une plume aussi riche que subtile, Timothée de Fombelle emmène ses lecteurs à la recherche de ce qu'ils ont été, que leur enfance ait été heureuse ou non. Il nous interroge sur la place des enfants dans nos vies, dans nos villes. Une douceur absolue, émaillée de chocs émotionnels comme la lettre du grand-père jeune à son épouse ("une lettre retrouvée au hasard d'un des innombrables paquets") et une lumière enveloppante émanent de cette magnifique exploration longue d'une année, porteuse de beauté et de paix.

"Le thème de "Neverland" est celui de l'enfance", complète Timothée de Fombelle, "un plaisir dans une certaine souffrance. J'ai voulu retrouver la source de l'enfance dans ma vie, même si prendre ce chemin à rebours est toujours un peu douloureux. J'ai voulu mettre en ordre, faire un rangement de l'enfance. Au-dessus de mon épaule, j'ai des témoins, mes frères et sœurs, ma mère, une quinzaine de cousins. Nous avons une partie commune que je ne pouvais trahir. Je ne pouvais donc pas tricher. "Neverland" est un chemin de ronde, je ne plus y rentrer alors je l'invente. Mais cette vérité est validée par les lecteurs qui ont eu une enfance différente de la mienne et s'y retrouvent aussi. J'ai essayé d'attraper l'enfance dans le contexte de notre monde. De retrouver l'énergie de l'enfance et de l'adolescence."

Le livre se remarque aussi par la beauté de son écriture. "Le travail de la langue est un long travail. Je recherche la précision, la tension, la densité. Mais je ne pourrais pas écrire autrement. Ici, il y a du flou, du brouillard. Par contre, écrire pour la jeunesse impose la clarté, c'est la politesse de l'auteur." Dans "Neverland", le temps s'arrête puis repart. Et s'offre un tremplin en dernière page, une phrase de Rimbaud sur l'éternité. "Cette phrase, "Elle est retrouvée! Quoi? - L'éternité." me hante depuis très longtemps", dit l'écrivain. "J'avais utilisé cette idée dans "Le livre de Perle" avec une phrase de J.M. Barrie venant de "Peter Pan: "Chaque fois que quelqu'un dit: "Je ne crois pas aux contes de fée", il y a une petite fée quelque part qui tombe raide morte." Quel tremplin!


Timothée de Fombelle enfant. (c) D.R.





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