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vendredi 18 janvier 2019

Un guide des livres-médicaments pour enfants!

Nathalie Le Breton et son bébé.

Je suis tombée de ma chaise en recevant l'annonce de parution, le 6 mars, du "Guide des livres pour enfants pour parents curieux" de Nathalie Le Breton (Editions Thierry Magnier, 200 pages). Elle est libellée ainsi: "L'arrivée d’un nouveau membre dans la famille, un déménagement, la mort, le harcèlement à l'école, l'utilisation des écrans, l'alimentation, le sommeil... Comment s'y retrouver parmi la multitude d'albums publiés? Comment choisir quand on a envie d'aborder un thème en particulier avec son enfant, une grande question ou même une plus petite, une peur, une envie? Nathalie Le Breton vous offre ici un guide malin, classé par thématiques, pour vous aider à choisir les livres pour enfants les plus pertinents!"

Et vlan pour les dimensions artistiques de la littérature de jeunesse. Nous voici face à des boîtes de médicaments. Ce que confirme le sommaire.

(c) Editions Thierry Magnier.

Bien sûr, je n'ai pas encore eu le guide entre les mains.
Bien sûr, le choix des titres proposés n'est pas mauvais.
Le ton très directif des notices entraperçues inquiète davantage.



(c) Editions Thierry Magnier.

Est-ce à cela que sert la littérature de jeunesse de fiction? Etre réduite à des thèmes? Reprenons au début.

Qu'est-ce que la littérature? Chacun en a sa définition propre mais ces variantes tournent autour de l'idée d'une diversité sans limite de formes, de recherche esthétique et d'une variété infinie de sujets visant à dire la condition humaine et tout ce qui tourne autour. Sans oublier la rencontre entre celui qui écrit et celui qui lit. Une forme d'art donc.

Qu'est-ce que la littérature jeunesse? On aimerait reprendre la même définition. Ou se référer à l'impeccable opinion de Jean Fabre (1920-2014), fondateur de l'école des loisirs (lire ici). "L'album pour enfants", disait-il, "est un miroir de soi-même, un porte-voix de ses émotions et une fenêtre ouverte sur le monde. Le livre plaide aussi pour que ce soit à l'école que les enfants découvrent la littérature et qu'ils la découvrent pour ce qu'elle est, une source infinie de plaisirs, et non la simple occasion d'un cours de grammaire.

L'enfant plus âgé trouve plusieurs motivations à la lecture. Tout d'abord, la communication, au-delà des frontières, des cultures (avec l'ouverture à la tolérance), l'occasion de sortir de ses habitudes de vie. Ensuite, le jeu avec les mots et les images. Enfin, un essai à la vie par procuration en se dédoublant à travers des personnages qui ont chacun quelque chose à dire.

Certains albums portent plus loin, résonnent plus fort, s'insinuent plus intimement, deviennent pour de jeunes lecteurs des références et des repères en les accompagnant dans leur cheminement personnel et en élargissant leur horizon familier."

Que le livre documentaire serve à instruire la jeunesse, OK. C'est même une évidence. Mais pourquoi attribuer d'autres rôles que littéraire à l'album et au roman? Parce qu'il s'agit de la jeunesse, enfance ou adolescence, la littérature doit-elle se prévaloir d'autres missions? Ne peut-on laisser les jeunes lecteurs de trouver eux-mêmes ce qu'ils cherchent dans les livres, de se sentir libres par raport à leurs lectures?

Or que se passe-t-il? Et à cadence accélérée. Qu'est devenue la lecture, moment de liberté et de fantaisie? On cherche un livre pour un enfant qui est en deuil, a un petit frère ou une petite sœur, est malade, doit déménager... Depuis toujours, je dis NON AUX LIVRES-MEDICAMENTS. Pas qu'un album ou un roman ne puisse traiter de la mort, de la jalousie, de la maladie, des changements dans l'existence. Pour autant qu'il soit de qualité, sincère, l'album - et le roman jeunesse - doit d'abord exister par et pour lui-même, c'est-à-dire être une œuvre d'art sur un sujet déterminé, et non un remède. Bien sûr, un livre peut aider dans une situation et nombreux sont les adultes à chercher du réconfort dans la littérature. La littérature ouvre à soi-même, aux autres, au monde, aux joies et ses peines. Pas besoin de la forcer, de la faire entrer dans des cases.

Cette valorisation du livre-médicament jeunesse a en outre comme conséquence la prolifération de livres-prétextes, du genre mon enfant est jaloux, triste, en colère,.. parfois par collections entières. Où est l'art dans ces produits formatés, souvent politiquement corrects en plus? Où est le processus créatif pour l'auteur, coincé dans les demandes de l'éditeur et les diktats divers, de genre, de couleur, ou autre, bien-pensants. On y perd la création. On y perd la littérature. On y perd sûrement aussi les jeunes lecteurs. Comment accrocher à un livre qui n'a pas été conçu avec sincérité? Comment croire alors encore aux livres? Laissons faire les auteurs selon leur cœur, leurs tripes, leurs intuitions. Refusons les étiquettes. Tout le monde y gagnera.



2 commentaires:

  1. Est-ce remboursé par la sécurité sociale, chère Lucie?

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  2. En tant que parent, il m'arrive de chercher un livre lié à une thématique préférée où problématique de mon enfant et je cherche par moi-même mais parfois je demande l'avis d'un libraire ou d'une bibliothécaire. Je ne vois pas très bien en quoi la démarche est ici si différente ?
    Par ailleurs, je trouve que vous jetez vite l'anathème sur des livres que vous n'avez pas lu et que vous jugez vite de la sincérité des auteurs qui se retrouvent peut-être malgré eux dans ce guide.
    Du reste, il semble qu'on retrouve pas mal de petits éditeurs indépendants dans ce guide, ce qui me semble plutôt un bon signe.
    Je jugerai sur pièce !

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