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samedi 4 mars 2017

Décès de la romancière américaine Paula Fox, fine observatrice de l'âme humaine

Paula Fox. (c) Avery Hudson.

On apprend le décès, le mercredi 1er mars à Brooklyn, de la romancière américaine Paula Fox, âgée de 93 ans. Elle était née à Manhattan le 22 avril 1923. Fille d'un père irlandais et d'une mère espagnole, elle a grandi en Californie, à Cuba et au Québec. Après des études à l'université de Columbia, qu'elle a abandonnées pour se consacrer au piano, elle a exercé divers métiers, dont celui de reporter en Europe. Elle en fera un livre, soixante ans après. Dans les années soixante, elle a enseigné à l'université de New York et de Pennsylvanie et a commencé à écrire à cette époque.




En 1967 paraît son premier roman pour adultes, "Poor Georges!" ("Pauvre Georges!", traduit de l'américain par Marie-Hélène Dumas, Fayard, 1989). Suivent "Desperate characters" en 1970 ("Personnages désespérés", traduit de l'américain par Marie-Hélène Dumas, Fayard, 1988), qui subjuguera Jonathan Frantzen, "The Widow's Children" en 1976 ("Les Enfants de la veuve", traduit de l'américain par Marie-Hélène Dumas, Robert Laffont, 1979, 224 pages).


Sait-on assez que Paula Fox s'est toujours partagée entre romans pour adultes (six) et romans jeunesse (une bonne vingtaine)? En parallèle, elle publie à cette époque une suite de romans jeunesse qui trouveront aussi éditeurs en France. En 1966, "Maurice's Room" ("La Chambre de Maurice", l'école des loisirs, 1990). En 1969, "Portrait of Ivan" ("Le Portrait d'Ivan", Hachette, 1990). En 1970, "Blowfish Live in the Sea" ("Le Poisson boiteux" (Hachette, 1980). En 1973, "The Slave Dancer" ("Le Voyage du négrier", Hachette, 1979), premier à traverser l'océan.




En 1996, l'écrivain Jonathan Frantzen publie un article où il évoque longuement Paula Fox, dont tous les titres sont alors épuisés aux Etats-Unis. L'éditeur américain W. W. Norton, séduit, décide de la republier. En 2004, Joëlle Losfeld fait de même en français, la traduire et republier les épuisés. Elle commence avec "Le Dieu des cauchemars" ("The God of Nightmares", 1990, traduit de l'américain par Marie-Hélène Dumas, 224 pages), poursuit en 2005 avec "La légende d'une servante" ("A Servant's Tale", 1984, traduit de l'américain par Marie-Hélène Dumas, 432 pages), et en 2007, avec "Côte Ouest" ("The Western Coast", 1972, traduit de l'américain par Marie-Hélène Dumas, 456 pages). En parallèle, elle rend à nouveau disponible les titres épuisés.













Elle poursuit aussi avec la publication des deux essais de Paula Fox: en 2008, "Parure d'emprunt" ("Borrowed Finery", 2001), ses mémoires, et en 2012, "L'hiver le plus froid" ("The Coldest Winter: A Stringer in Liberated Europe", 2005, traduit de l'américain par Marie-Hélène Dumas, 128 pages), le récit de son voyage dans l'Europe dans l'immédiat après-guerre.


Depuis un peu plus de dix ans, Paula Fox est rendue à sa juste valeur!

Six de ses titres existent en collection Folio.









Du côté de la jeunesse, cela a été différent. Dès ses débuts d'écrivain, Paula Fox s'est partagée entre lecteurs adultes et lecteurs enfants. Si elle obtint un double succès critique aux Etats-Unis, pendant longtemps, on l'a mieux connue chez nous, et depuis plus longtemps, pour ses romans jeunesse. Elle obtint en 1978 le prix Andersen, considéré alors comme l'équivalent jeunesse du Nobel de littérature.

Si on excepte un livre épuisé chez Hachette, cinq de ses titres étaient disponibles à l'école des loisirs il y une dizaine d'années, dont "La chambre de Maurice" (traduit de l'américain par Ingrid Fetz et Antoine Lermuzeaux), son premier texte pour enfants publié en 1990 en français après un coup de cœur de l'éditrice d'alors, Geneviève Brisac.
Ce plaisant roman, aujourd'hui épuisé, destiné aux lecteurs dès 7 ans met en scène un enfant plus vrai que nature. Sa chambre est à la fois zoo et espace d'exposition pour de multiples collections. Peu convaincus, ses père, mère et oncle s'y mettent chacun à leur manière pour l'obliger à tout ranger et se ranger. Mais Maurice résiste...

Les autres textes de Paula Fox s'adressent aux ados. Extrêmement forts et humains, ils sont écrits avec autant de précision que de sensibilité. Ils touchent au cœur, font naître de belles émotions, justes, vraies. On y pleure parfois, on y sourit aussi car l'auteur ne cherche pas les effets. Bien placée pour savoir que la vie n'est pas un long fleuve tranquille, elle raconte l'existence, avec vivacité et en demi-teintes, et laisse place au destin. Comme si rien n'était définitivement blanc ou noir.


Dans "L'œil du chat" (traduit de l'américain par Camille Todd, l'école des loisirs, Médium, 1991), Ned, 11 ans dans les années 1930, n'est pas heureux tous les jours, entre sa mère, alitée depuis six ans dans de terribles souffrances, son père, pasteur bon comme le pain, et des gouvernantes pas toujours sympathiques. Souvent seul, il commet une bêtise (il tire sur une cible vivante avec une carabine interdite) et la garde pour lui. Le remords et la culpabilité le rongent. Ned sortira d'une spirale de mensonges grâce sa mère et apprendra alors un secret le concernant.

C'est un autre héros isolé qui livre ses états d'âme dans "L'île aux singes" (traduit de l'américain par Antoine Lermuzeaux, l'école des loisirs, Médium, 1992, épuisé), le nom donné à une île où vivent les sans-abri qui recueillent Clay - nous sommes à New York dans les années 90 -, à la recherche de sa mère disparue.

Elizabeth, 11 ans, l'héroïne féminine de "Vent d'ouest" (traduit de l'américain par Sarah Baldwin-Beneich, l'école des loisirs, Médium, 1995, épuisé), ne se sent pas plus accompagnée: envoyée par ses parents passer un mois de vacances chez sa grand-mère pour cause de bébé à la maison, elle est furieuse! D'autant plus que la vieille dame habite une île quasiment inaccessible et sans confort. Mais les jours passés là, loin du monde, face à elle-même, rendront la demoiselle à la vie. Une magnifique écriture impressionniste qui éclaire chacun sur lui-même.

Le dernier roman en date, "Le cerf-volant brisé" (traduit de l'américain par Diane Ménard, 1997, l'école des loisirs, Médium, 194 pages), est encore un récit fort: Liam, 13 ans, apprend que son père va bientôt mourir du sida. Une trame où se tissent la relation fils-père, la découverte de soi et de l'identité sexuelle.




Ce livre, comme tous ceux de Paula Fox, fait grandir.


1 commentaire:

  1. 2 ou 3 romans de cette auteure (que je ne connais pas encore) m'attendent dans ma PAL... Je ne savais pas du tout qu'elle avait écrit pour la jeunesse, mais j'en ai déniché un aujourd'hui : L'île aux singes. Votre billet m'a du coup donné envie de les lire !

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