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mardi 8 novembre 2022

Le prix Médicis à Emmanuelle Bayamack-Tam




Le prix Médicis 2022 a été attribué ce mardi 8 novembre, au restaurant La Méditerranée, à Emmanuelle Bayamack-Tam, 56 ans, pour "La Treizième Heure" (P.O.L.). Son treizième roman paru chez cet éditeur sous son nom, elle en a aussi publié trois sous le nom de Rebecca Lighieri. On y retrouve la jeune Farah, découverte dans "Arcadie" (P.O.L., 2018).

Présentation de l'éditeur.

Farah, adolescente, a toujours connu L'Église de la Treizième Heure pour la bonne raison que Lenny, son père, en est le fondateur. Elle vit en communauté dans cette Église millénariste un peu spéciale: féministe, queer, animaliste. On y récite Nerval ou Rimbaud. Lenny rassemble ses ouailles autour de messes poétiques et d'ateliers de déparasitage psychique. La Treizième Heure, c’est aussi l'heure de la révélation, du triomphe des pauvres, des dominés, des humiliés. Les membres de la communauté l'espèrent, angoissés devant les menaces qui pèsent sur la planète: épidémies, guerres, réchauffement climatique… Lenny élève seul sa fille Farah. Hind, son grand amour, l''ayant abandonné à la naissance du bébé.

Le roman se divise en trois parties, racontées par chacun des membres de cette famille à la fois déglinguée et très contemporaine. Farah, née intersexuée, est acquise à la cause délirante de son père, et devient plus critique en grandissant: son père lui a menti sur sa filiation. En menant l'enquête, elle comprend qu'elle n'avait pas une mère mais deux! Hind et Sophie. Comment est-ce possible? Lenny prend la parole ensuite. Il raconte deux coups de foudre successifs: la poésie d'abord, Hind ensuite. Mais on s’aperçoit que les deux ne font qu'une: Hind est une chimère, une illumination, une fée baudelairienne. Lenny fondera l'Église de la Treizième Heure après le départ de son amour. La troisième partie est donc celle de Hind. Femme trans d'origine algérienne, elle avoue l'histoire violente de son parcours pour gagner sa liberté sexuelle et individuelle. Elle a aimé Lenny et voulu un enfant de lui, mais quittera Lenny et Farah pour vivre une passion amoureuse vouée à l'échec.

Pour en lire en ligne le début, c'est ici.




Le prix Médicis roman étranger va à Andreï Kourkov pour "Les abeilles grises" (traduit du russe (Ukraine) par Paul Lequesne, Editions Liana Levi, 400 pages).

Présentation de l'éditeur.
Dans un petit village abandonné de la "zone grise", coincé entre armée ukrainienne et séparatistes prorusses, vivent deux laissés-pour-compte: Sergueïtch et Pachka. Désormais seuls habitants de ce no man's land, ces ennemis d'enfance sont obligés de coopérer pour ne pas sombrer, et cela malgré des points de vue divergents vis-à-vis du conflit. Aux conditions de vie rudimentaires s'ajoute la monotonie des journées d'hiver, animées, pour Sergueïtch, de rêves visionnaires et de souvenirs. Apiculteur dévoué, il croit au pouvoir bénéfique de ses abeilles qui autrefois attirait des clients venus de loin pour dormir sur ses ruches lors de séances d'"apithérapie". Le printemps venu, Sergueïtch décide de leur chercher un endroit plus calme. Ayant chargé ses six ruches sur la remorque de sa vieille Tchetviorka, le voilà qui part à l'aventure. Mais même au milieu des douces prairies fleuries de l'Ukraine de l'ouest et du silence des montagnes de Crimée, l'œil de Moscou reste grand ouvert…


Pour en lire en ligne le début, c'est ici.

Le prix Médicis de l'essai couronne Georges Didi-Uberman pour "Le Témoin jusqu'au bout" (Minuit).

Présentation de l'éditeur.
Être témoin: être sensible. En quel sens faut-il l'entendre?
Dans un procès, on ne demande au témoin que d'être précis, puisque ce sont des faits qu'il s'agit de rendre compte. Mais celui qui décide de témoigner contre vents et marées, sans que personne ne lui ait rien demandé, se tient dans une position différente: il porte aussi en lui l'exigence d'un partage de la sensibilité. Il considère implicitement que ses émotions constituent en elles-mêmes des faits d'histoire, voire des gestes politiques.

C'est ce que montre une lecture du "Journal" de Victor Klemperer tenu clandestinement entre 1933 et 1945 depuis la ville de Dresde où il aura subi, comme Juif, tout l'enchaînement de l'oppression nazie. Témoignage extraordinaire par sa précision, en particulier dans l'analyse qu'y mena Klemperer — qui était philologue — du fonctionnement totalitaire de la langue. Mais aussi par sa sensibilité. Par son ouverture littéraire à la complexité des affects, avec la position éthique — celle du partage — que cette sensibilité supposait.
Entre la langue totalitaire, qui ne se prive jamais d'en appeler aux émotions sans partage, et l'écriture de ce "Journal", ce sont donc deux positions que l'on voit ici s'affronter autour des faits d’affects. Combat politique lisible dans chaque repli, dans chaque inflexion de ce chef-d'œuvre d'écriture et de témoignage.

Pour en feuilleter en ligne le début, c'est ici.

Jury: Marianne Alphant, Michel Braudeau, Marie Darrieussecq, Dominique Fernandez, Anne Garreta, Patrick Grainville, Andreï Makine, Frédéric Mitterrand, Pascale Roze et Alain Veinstein.


 

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