Août 2015, découverte du camion meurtrier en Autriche. |
Personne n'a oublié la photo du petit Aylan, enfant réfugié dormant pour toujours sur une plage turque. C'était le 2 septembre 2015. Se rappelle-t-on du terrible drame qui s'est déroulé en Autriche une semaine plus tôt, le 26 août, quand 71 migrants ont été retrouvés morts dans un camion frigorifique à l'effigie de poulets? Peut-être pas car un camion frigorique meurtrier chasse l'autre, comme celui découvert en octobre 2019 en Angleterre.
Toujours est-il que Christine de Mazières, 55 ans, en a fait le pivot central de son deuxième roman, "La route des Balkans" (Sabine Wespieser Editeur, 182 pages), magnifique et douloureux, terriblement bouleversant et si juste sur les drames vécus par les demandeurs d'asile fuyant leurs pays en guerre, leurs proches restés là-bas et les bénévoles actifs ici. Magistrate à la Cour des Comptes à Paris après dix ans dans le privé (déléguée générale du Syndicat national de l'édition), l'auteure est franco-allemande et suit de près les actualités des ses deux pays et celle des droits humains.
"La route des Balkans" est un roman polyphonique qui fait entendre la voix des hommes et des femmes, victimes, bourreaux et neutres, impliqués dans cette tragédie qui a vu mourir d'étouffement cinquante-neuf hommes, huit femmes et quatre enfants, dont un bébé. Les morts étaient originaires de Syrie, d'Irak et d'Afghanistan. Véritable œuvre littéraire et non simple dénonciation, le livre est écrit au présent et fait de nombreux sauts dans le passé. Comme chaque chapitre est daté, on peut assembler sans peine le puzzle de l'itinéraire terrifiant des protagonistes. On les rencontre quand ils sont réunis par le fait du hasard en Hongrie, on les suivra jusqu'à leur arrivée en Autriche ou en Allemagne. Des destins dramatiques, des tragédies, confiées sans mélo, claques qu'assène la réalité.
Christine de Mazières. |
Tout cela est formidablement raconté et se mêle dès le début du livre au chemin d'une autre Asma, de Munich elle, petite-fille d'une autre réfugiée, Helga, qui a fui en 1945 quand l'Armée rouge marchait sur Königsberg, n'a jamais rien dit de son passé et devra le révéler. Elle n'a jamais oublié l'accueil qu'elle a reçu et tient à le réciproquer. Orient et Occident, Sud et Nord, passé et présent, se cognent dans ces pages qui nourrissent le lecteur sur ces points cruciaux de l'actualité. Voilà un roman remarquablement construit, magnifiquement écrit, profond, humain de bout en bout, qui nous oblige à réfléchir au monde dans lequel nous vivons.
Pour lire le début de "La route des Balkans", c'est ici.
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