#confinothèque53
Aujourd'hui, une de ces bandes dessinées qui ont croisé la covid19 et sont arrivées en librairies juste avant ou en même temps que la fermeture de ces dernières à cause des mesures de confinement.
En noir, gris, blanc et sépia, rarement explosé d'un rouge guerrier, en crayons, lavis et fusain, l'album "Seules à Berlin" de Nicolas Juncker (Casterman, 200 pages) offre le poignant récit fictionnel d'une rencontre, d'une amitié même, entre deux femmes que tout oppose à Berlin, en avril 1945. A la fin de la guerre donc. Au pire moment. Dans une ville dévastée, où ne règne plus qu'une couleur, le gris, mais dans toutes ses déclinaisons. Ces deux femmes, l'Allemande et la Russe, ne nous sont toutefois pas inconnues. Elles ont existé et l'auteur, historien français en parallèle à son travail dans la bande dessinée, souhaite ici leur rendre hommage.
Les livres dont l'auteur s'est inspiré sont le récit anonyme "Une femme à Berlin" (Gallimard, 2006; Folio, 2008) et les "Carnets de l'Interprète de guerre" d'Elena Rjevskaïa (Christian Bourgois, 2011). Deux ouvrages qui nous sont accessibles grâce à leurs traductrices dont les noms ne sont malheureusement pas mentionnés dans la BD, Françoise Wuilmart pour le premier écrit en allemand, Macha Zonina et Aurore Touya pour le second écrit en russe.
Nicolas Juncker imagine une amitié entre Ingrid, l'Allemande qui a connu les années d'enfer sous le régime nazi et Evgeniya, l'interprète Russe qui débarque à Berlin avec l'armée soviétique afin d'authentifier les restes d'Hitler. Le livre se partage en trois parties, datées, et un épilogue "Ingrid, 20 au 27 avril" où l'on découvre la jeune femme épuisée et très inquiète à propos de ceux qui débarquent chez elle. Berlin est en ruines et ses habitants, ses survivants, terrés en attendant ils ne savent pas trop quoi. La deuxième, "Evgeniya, 30 avril au 3 mai", change de registre car l'autre jeune femme est pleine de vie et d'intérêt pour son travail. Dans "Ingrid et Evgeniya, 3 eu 11 mai", la partie la plus importante de la BD, on suit la rencontre et les échanges des deux cohabitantes. Leurs journaux intimes permettent au lecteur de suivre peu à peu la naissance de leur amitié en apparence impossible et leurs quotidiens respectifs tellement différents… Un épilogue fait le point sur ce qui se passe après le 11 mai.
Riche de mille dessins savamment agencés, expressifs, explicites, sensibles, "Seules à Berlin" met un point de lumière dans ce chapitre terrible de l'histoire récente.
"Seules à Berlin" avait été présenté à la Foire du livre de Bruxelles. Son auteur, Nicolas Juncker, avait fait le déplacement. Je l'avais rencontré. On sait ce qui est advenu ensuite à cause du coronavirus. L'exposition prévue au Centre Belge de la Bande Dessinée a été reportée. Elle est ouverte depuis la fin juin et durera jusqu'au 13 septembre (infos ici).
Aujourd'hui, une de ces bandes dessinées qui ont croisé la covid19 et sont arrivées en librairies juste avant ou en même temps que la fermeture de ces dernières à cause des mesures de confinement.
Berlin en avril 1945, un "champ de gris". (c) Casterman. |
En noir, gris, blanc et sépia, rarement explosé d'un rouge guerrier, en crayons, lavis et fusain, l'album "Seules à Berlin" de Nicolas Juncker (Casterman, 200 pages) offre le poignant récit fictionnel d'une rencontre, d'une amitié même, entre deux femmes que tout oppose à Berlin, en avril 1945. A la fin de la guerre donc. Au pire moment. Dans une ville dévastée, où ne règne plus qu'une couleur, le gris, mais dans toutes ses déclinaisons. Ces deux femmes, l'Allemande et la Russe, ne nous sont toutefois pas inconnues. Elles ont existé et l'auteur, historien français en parallèle à son travail dans la bande dessinée, souhaite ici leur rendre hommage.
Les livres dont l'auteur s'est inspiré sont le récit anonyme "Une femme à Berlin" (Gallimard, 2006; Folio, 2008) et les "Carnets de l'Interprète de guerre" d'Elena Rjevskaïa (Christian Bourgois, 2011). Deux ouvrages qui nous sont accessibles grâce à leurs traductrices dont les noms ne sont malheureusement pas mentionnés dans la BD, Françoise Wuilmart pour le premier écrit en allemand, Macha Zonina et Aurore Touya pour le second écrit en russe.
Première rencontre. (c) Casterman. |
Nicolas Juncker imagine une amitié entre Ingrid, l'Allemande qui a connu les années d'enfer sous le régime nazi et Evgeniya, l'interprète Russe qui débarque à Berlin avec l'armée soviétique afin d'authentifier les restes d'Hitler. Le livre se partage en trois parties, datées, et un épilogue "Ingrid, 20 au 27 avril" où l'on découvre la jeune femme épuisée et très inquiète à propos de ceux qui débarquent chez elle. Berlin est en ruines et ses habitants, ses survivants, terrés en attendant ils ne savent pas trop quoi. La deuxième, "Evgeniya, 30 avril au 3 mai", change de registre car l'autre jeune femme est pleine de vie et d'intérêt pour son travail. Dans "Ingrid et Evgeniya, 3 eu 11 mai", la partie la plus importante de la BD, on suit la rencontre et les échanges des deux cohabitantes. Leurs journaux intimes permettent au lecteur de suivre peu à peu la naissance de leur amitié en apparence impossible et leurs quotidiens respectifs tellement différents… Un épilogue fait le point sur ce qui se passe après le 11 mai.
Riche de mille dessins savamment agencés, expressifs, explicites, sensibles, "Seules à Berlin" met un point de lumière dans ce chapitre terrible de l'histoire récente.
"Seules à Berlin" avait été présenté à la Foire du livre de Bruxelles. Son auteur, Nicolas Juncker, avait fait le déplacement. Je l'avais rencontré. On sait ce qui est advenu ensuite à cause du coronavirus. L'exposition prévue au Centre Belge de la Bande Dessinée a été reportée. Elle est ouverte depuis la fin juin et durera jusqu'au 13 septembre (infos ici).
Nicolas Juncker est venu à Bruxelles inaugurer l'expo au CBBD. (c) Daniel Fouss/Musée de la BD. |
30 avril, au Reichstag. (c) Casterman. |
Berlin en avril 1945. (c) Casterman. |
Ingrid et Evgeniya font connaissance. (c) Casterman. |
Sept questions à Nicolas Juncker
Comment avez-vous procédé?
J'ai lu les deux livres, "Une femme à Berlin - Journal 20 avril-22 juin 1945", écrit en 1954 par une femme qui a voulu rester anonyme et "Carnets de l'interprète de guerre" d'Elena Rjevskaïa. Je lis énormément sur la Seconde Guerre mondiale et sur l'Europe des années 20-30. Je suis historien de formation et j'aime beaucoup la littérature. Petit, je lisais les livres de mes parents. Mon point de départ pour mes histoires est les romans du XXe siècle, français et étrangers. Je me nourris du passé.Et?
J'ai lu ces deux livres-là et divers témoignages. Ces deux femmes m'ont marqué. J'ai eu l'idée qu'elles se rencontrent. L'intérêt premier de mon métier est de décider comment on raconte une histoire. Elles se rencontrent mais d'abord je les présente l'une et l'autre. Je suis bien avec l'une, je suis bien avec l'autre.
La construction de l’album est simple.
- L'Allemande
- La Russe
- Leur rencontre avec le trou chronologique dans le parcours de l'Allemande
- On découvre pourquoi cinquante pages plus tard
Les ambiguïtés font partie de la nature humaine, surtout dans le contexte politique et social de l'époque. Elles cherchent une vérité. Ce sont les réactions des Berlinoises en 1945.Comment abordez-vous le genre de la bande dessinée?
J'ai fait des BD très différentes. Le genre de la BD est très riche. Je donne aussi des cours de bande dessinée à des jeunes. Pour faire un album, il faut de l'intuition et de la volonté. C'est compliqué. Il y a un milliard de paramètres. J'ai choisi une part russe, une part allemande et une part plus grosse après leur rencontre.Et graphiquement?
Je laisse respirer le lecteur par de grandes cases ou des petites, quitte à le réenfermer ensuite.Vous pensez au lecteur quand vous travaillez?
J’ai toujours fait comme ça, un récit, un pré-storyboard. Comme il s'agit ici d'un livre de 200 pages, il faut toujours garder le fil rouge, pour cela il faut le verbaliser. Poser des mots sur le récit aide à faire le tri.
Je pense toujours au lecteur. Je veux que mon histoire soit compréhensible par le plus grand nombre de lecteurs possible. Je suis soucieux que les ellipses ne soient pas trop brutales. Je veux que le lecteur tourne les pages, pas qu'il se perde. En BD, il y a souvent trop de mots, c'est le syndrome Blake et Mortimer. Je fais mes dessins sur papier, puis je les retouche à l'ordinateur avec un filtre sépia et j'utilise aussi Photoshop.Comment présenteriez-vous les femmes qui vous ont inspiré?
La jeune Berlinoise qui a rédigé ce journal, du 20 avril 1945 - les Soviétiques sont aux portes de la ville - jusqu'au 22 juin, raconte la vie quotidienne dans un immeuble quasi en ruine, habité par des femmes de tous âges, des hommes qui se cachent. Une vie misérable, dans la peur, le froid, la saleté et la faim, scandée par les bombardements d'abord, par une occupation brutale ensuite. S'ajoutent alors les viols, la honte, la banalisation de l'effroi. Un récit terrible et un regard lucide sur une Berlin tétanisée par sa défaite.Et l'autre?
A l'âge de 20 ans, Elena Rjevskaïa s'engage dans l'Armée rouge pour devenir interprète. Elle accompagne les membres de l'état-major soviétique afin de traduire les documents dérobés à l'ennemi et d'interroger les prisonniers de guerre. C'est ainsi qu'elle entre à Berlin avec les troupes russes au printemps 1945. Après la capitulation allemande, elle participe à la découverte et à l'identification du corps d'Adolf Hitler dans son bunker. Elle est la première à lire les documents personnels d'Hitler mais aussi les carnets de Goebbels ainsi que la correspondance personnelle de sa femme Magda.
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