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vendredi 6 décembre 2013

LA 36 idées pour aider Saint Nicolas

Si j'étais Saint Nicolas, je veillerais à poser au fond des cheminées mes albums préférés de la saison. Des albums de fiction, pour rêver, imaginer, parler, découvrir, raconter, jouer. Ni contes, ni documentaires, ni pop-up cette année.
Trente-six suggestions, trois alertes... Et pas question de me dire que cela ressemble à un catalogue de grande surface :-)
A consommer sans modération.


"Te voilà!"
Anaïs Vaugelade
L'école des loisirs, 32 pages

Le titre de ce magnifique album d'Anaïs Vaugelade répond à une question universelle: "J'étais où, quand j'étais pas né?" Viennent ensuite ses images, superbes, tourbillon de couleurs et de formes, dans des gammes chromatiques variées, où nage-vole non pas un bébé, mais "le" bébé. Elles racontent aussi la naissance, avec la présence lumineuse des sages-femmes qui portent tellement bien leur nom. Enfin, elles donnent une version malicieuse et laïque d'un récit talmudique selon lequel, à la naissance de chaque enfant, un ange arrive pour lui interdire de révéler tout ce qu'il a appris dans les limbes. Pour cela, il pose don doigt sur la bouche du bébé puis le retire en laissant une empreinte entre le nez et la lèvre. A ce moment, le bébé se retrouve dans un monde entièrement nouveau pour lui, celui où il vient de naître. Si les secrets de la vie antérieure nous sont révélés dans cet album, c'est parce que la maman du bébé a découpé un coin de la cape de son petit. Une fois de plus, Anaïs Vaugelade nous réjouit et nous entraîne dans un monde inconnu et accueillant.


"Maxibébé"
Kimiko
Seuil Jeunesse, 44 pages cartonnées

Kimiko est un peu la "Jeanne Ashbé" des Français. C'est-à-dire qu'elle conçoit régulièremen des livres bien pensés pour les bébés. C'est encore le cas ici avec un épais imagier animalier dont les images charmantes fonctionnent par doubles pages. S'y associent ou s'y opposent différentes idées: pleurer/bisou, gâteaux/manger, lune/soleil, jouer (musique)/jouer (jouet), eau/bain, s'habiller/se déguiser, et la tendre finale lire/dormir.


"Fil à fil"
Jeanne Ashbé
L'école des loisirs/Pastel, 32 pages cartonnées

Une histoire de bébé araignée par Jeanne Ashbé, la spécialiste belge des bébés et de leurs livres, basée sur une réalité. Chez certaines espèces, les bébés araignées tissent un fil de cheminement en descendant du dos de leur mère. En cas de danger, la mère fait vibrer les fils pour que ses petits reviennent vers elle. En sobres aplats aux couleurs qui claquent, vert, rouge, blanc, noir, on suit les premières aventures d'un bébé araignée qui découvre le monde. Coccinelle, oiseau, chat, serpent, autant de rencontres pour sourire ou frémir.


"A la sieste!"
Iris de Moüy
L'école des loisirs/Loulou & cie, 26 pages

Aucun animal sauvage ne se trouve de raison de faire la sieste. Le zèbre refuse, le crocodile et l'hippopotame estiment que c'est pour les petits bébés, l'éléphant pense qu'il est trop costaud, l'autruche n'est pas là, etc., etc. Chacun des nombreux animaux de la savane qu'on croise dans l'album en format à l'italienne d'Iris de Moüy a une excellente raison de ne pas faire la sieste jusqu'à ce que la petite fille du titre intervienne... Toute ressemblance avec des scènes ayant existé...


"Voir le jour"
Emma Giuliani
Les Grandes Personnes, 10 pages animées

Une fresque en noir et blanc qui raconte le monde avec émotion et poésie. La graphiste Emma Giuliani y fait naître les couleurs grâce à différents effets de rabats à déplier, roues à tourner, etc, sans jamais occulter la fragilité de l'existence mais en célébrant sa beauté. Comme autant de fleurs qui éclosent et colorent les jours.


"Pas envie"
Dorothée de Monfreid
L'école des loisirs/loulou & cie
26 pages cartonnées

Oh la la, Micha le chien tire trop la gueule en couverture de ce nouvel album pour les tout-petits de Dorothée de Monfreid! La preuve dès qu'on tourne la page: il dit "Grmblgrm." Suit une épatante série de doubles pages, toujours sur fond rouge coquelicot, où huit autres chiens viennent proposer des activités à Micha qui boude toujours: jouer au foot, faire une bataille, se balader... Les pages se remplissent et le héros grogne toujours jusqu'à ce qu'un de ses copains canins lui demande pourquoi il boude! Et voilà, le nœud est défait et les rapports changent, enfin pourraient changer... Car Micha a un sacré caractère.


"La panthère noire"
Pénélope Jossen
L'école des loisirs, 32 pages

Une histoire de Pénélope Jossen, simple et tendre, de chasseur et de chassé. Quand la panthère noire chasse dans les grandes herbes, tous les animaux fuient à son approche, les singes, les antilopes, les sangliers. Tous fuient sauf un, qui terrorise la terrible panthère en la regardant droit dans les yeux. Cette exception est un petit humain, minuscule, armé d'un arc à flèche. Celle-ci décochée, il prend ses jambes à son cou - l'animal fait de même - et retourne vite au village se pavaner auprès de sa mère, plus complice qu'elle ne l'imagine.


"Pic Pic Pic"
Lucy Cousins
traduit de l'anglais
Albin Michel Jeunesse, 32 pages

Un jour, Petit-Pic-Vert s'entend dire par son père: "Il est temps que tu apprennes à te servir de ton bec!" Il s'applique sur l'arbre où ils se trouvent et réussit: "J'ai fait un trou tout rond en plein sur le tronc!" Le jeunot y prend goût: il troue tout ce qu'il croise, la barrière du jardin, la porte de la maison, le chapeau, le paillasson... Quelle énergie et quelle rigolade que cet album plein de trous. Le poinçonneur des Lilas a de la concurrence. La même Lucy Cousins publie également un pop-up amusant, "Mimi à la fête foraine" (Albin Michel Jeunesse, 14 pages animées) où l'on retrouve tous les amis de la souris blanche.


"Avant/Après"
Anne-Margot Ramstein & Matthias Aregui
Albin Michel Jeunesse, 176 pages

Pas de texte dans ce moyen format en boucle, bien épais, aux merveilleuses illustrations interrogeant le temps. Les doubles pages sont toutes conçues sur le principe de l'avant et de l'après, que l'intervalle soit long ou court. Tout de suite, on pense à l’œuf et à la poule, question que les auteurs, Anne-Margot Ramstein et Matthias Aregui, n'éludent pas mais traitent à leur façon, avec humour. La lune-le soleil, le bourgeon-la fleur, le gland-le chêne, les associations se succèdent dans de très beaux dessins, pleins de détails à examiner et qui se répondent de ci de là dans le livre. Car les doubles pages cascadent les unes vers les autres en des associations d'idées sympathiques en même temps que chaque image constitue un petit tableau à raconter à elle seule. Un magnifique travail.


"Plus grand que toi"
Orit Bergman
Rouergue, 32 pages

Un album bien rigolo basé sur les notions de grand et de petit. Piou le minuscule oiseau est plus grand de trois jours que Toto l'immense éléphanteau. On suit les deux compères dans les différents lieux de la plaine de jeux, les critères d'âge et de taille se mêlant en une joyeuse farandole. Balançoires, bac à sable, engins, toboggan sont autant d'occasions de discuter pour savoir qui doit passer le premier, le plus grand ou le plus petit, étant donné que tant Piou que Toto peuvent se draper dans les deux critères et user de celui qui les avantage le mieux à un moment donné. Un dessin efficace et tout en rondeur de l'Israélienne Orit Bergman qui avait déjà publié l'histoire de "Molly Mollo", l'escargot qui se fait dépasser (même éditeur).


"Bonjour le monde!"
Catharina Valckx
L'école des loisirs, 32 pages.

Un album plein de joie, de fantaisie et d'énergie, célébrant la vie et l'amour à toutes les minutes de l'existence, hommage de l'auteure à sa sœur qui a trouvé la mort dans un accident de la route. Que publier après un deuil pareil? Pas les super livres d'aventures habituels. Catharina Valckx a choisi la tangente en mettant en scène Nine, la petite fille, et Mo, son canard, qu'elle envoie saluer ceux qui sont sur leur route vers la mer. L'arbre d'abord, le vide sous le pont, la mer et ses poissons... Autant d'occasions de lier de nouvelles relations avant le retour à la maison, son arbre et sa cheminée.


"Une journée à Pékin"
Sun Hsin-Yu
traduit du chinois par Juan Wu
L'école des loisirs, 48 pages

Un album sans texte où l'on suit une petite fille vêtue de rouge qui joue à cache-cache avec un chat noir. Elle sort de la cour et découvre la grande ville où se mêlent présent et passé. Comme les touristes découvrent Pékin la première fois qu'ils s'y rendent. La force dans cet album signé Sun Hsin-Yu, graphiste et créatrice d'albums pour enfants, réside dans le contraste entre les décors, très présents mais stylisés, et les deux personnages de l'histoire. A la suite de la petite fille et du chat, on parcourt les ruelles anciennes, des installations d'art contemporain, le marché aux puces où la photo ancienne d'un  petit empereur va prendre vie et libérer son sujet. Le cerf-volant de ce dernier va même les conduire dans la Pékin d'il y a 150 ans. Des pages documentaires complètent cette formidable histoire sans texte.


"Lola"
Olivier Douzou
Rouergue, 32 pages

Il y a vingt ans, en 1993, Olivier Douzou inaugurait la collection jeunesse des Editions du Rouergue avec "Jojo la mache", un album qui contribua à secouer le cocotier de la littérature de jeunesse. C'est une promenade dans la nuit dont le prétexte est une "mache" (une vache) qui perd peu à peu ses attributs. De nuit en nuit, ses cornes s'envolent, sa queue file, ses gamelles prennent la poudre d'escampette, etc. Jojo est de moins en moins Jojo jusqu'au moment où elle disparaît elle-même! Mais en levant le nez vers le ciel et la voie lactée, on voit des morceaux de Jojo!
L'album "Lola", dans son format plus haut, est l'héritier de "Jojo la mache" bien entendu.  Sa version 2.0 en quelque sorte... Lola est une vache de lait, entièrement de lait, sa dent, ses cornes, sa tache, son nez, ses oreilles, ses pieds, sa tête, sa queue. Autant de pièces qui se détachent d'elle. Ne reste que son bidon qui, n'étant pas de lait, n'a pas bougé. Lola grandit, se métamorphose à son tour puis part elle aussi faire un grand voyage dans la voie lactée. L'histoire de la vie, encore une fois, avec plein de jeux sur les mots, les sens et les formes.


"Dedans dehors"
Lizi Boyd
Albin Michel Jeunesse, 40 pages

Pas de texte dans cet album où on suit un petit garçon et son chien noir au fil des saisons. Des découpes dans les délicates illustrations sur papier kraft de l'Américaine Lizi Boyd font chaque fois le lien entre l'intérieur de la maison et l'extérieur. Le livre commence avec l'hiver et la neige. Chaque saison est l'occasion de nouvelles activités qui apparaissent dans ces pages où l'on visite la maison, le jardin et où on découvre la richesse des activités du jeune héros. Une très belle interprétation de l'album sans texte.


"La saga des petits radis"
Françoise Morvan et Florie Saint-Val (ill.)
MeMo, 32 pages

Faire découvrir la poésie avec humour et tendresse, telle est l'ambition de la collection "Coquelicot" des éditions MeMo. Objectif atteint avec cette course-poursuite au jardin potager entre légumes et jardinier. Les illustrations sont joyeuses et pleines de surprises. Les textes de Françoise Morvan sautillent comme des petits pois que l'on égrène même si ce sont des radis qui mènent la danse et la visite aux autres légumes. La même signe également dans la même collection l'épatant  volume "Les joies du logis" (illustré par Irène Bonacina).


"Poka & Mine
A la pêche"
Kitty Crowther
L'école des loisirs/Pastel, 56 pages

Ce matin tôt, Poka et Mine partent à la pêche. Ils s'installent et attendent, attendent, attendent, ce qui ne plaît pas tellement à Mine. Jusqu'au moment où elle est emportée dans la rivière par sa canne à pêche! Direction la grotte d'une drôle de dame verte. Oga accueille Mine, envoie chercher Poka et fait découvrir au duo un monde inconnu où on s'abreuve et se nourrit de mousse verte. Une rencontre délicatement traitée, donnant confiance, et une belle aventure dans un monde inconnu servies par les superbes dessins de Kitty Crowther. Tout y est à regarder, pour autant de joies.


"La machine de Michel"
Dorothée de Monfreid
L'école des loisirs, 36 pages

Ici, Dorothée de Monfreid relate l'histoire d'un inventif gamin en salopette rouge, passionné de bricolage. Michel va préparer un cadeau pour Alice qui l'invite à sa fête d'anniversaire. Mais quoi? Une machine à fêter les anniversaires, pardi! Le bricoleur a du pain sur la planche, surtout que ses copains Marcus et Darius ne font pas grand-chose pour le soutenir. Les prototypes se succèdent, incroyables d'inventivité. Et la date de la fête est là alors que Michel n'est toujours pas prêt...


"Et si jamais...?"
Anthony Browne
traduit de l'anglais par Elisabeth Duval
Kaléidoscope, 32 pages

Il est aussi question d'une fête d'anniversaire dans ce merveilleux album du tout grand Anthony Browne, entièrement basé sur le dialogue entre Joe et sa maman. Le petit garçon n'a encore jamais été à une telle fête. Il est content que son copain Joe l'ait invité mais il a perdu le carton mentionnant l'adresse. Sa maman le rassure: ils vont parcourir la rue et trouveront la maison de Joe. On les voit passer devant chacune des habitations, s'en rapprocher, regarder par leur fenêtre et commenter ce qu'ils voient. Joe apparaît terriblement inquiet, sa maman le rassure chaque fois. L'auteur-illustrateur britannique s'en donne à cœur joie dans ces visions d'intérieur, convoquant son univers narratif et même quelques personnages d'albums antérieurs. Il joue magnifiquement avec la lumière, faisant alterner scènes dans l'ombre et scènes éclairées. Tout se terminera bien pour Joe, moins pour sa maman tout à coup gagnée par l'inquiétude de son fils jusqu'à la finale où elle retrouve son fils grandi.
A signaler également, la réédition de "Promenade au parc" d'Anthony Browne (Kaléidoscope, 32 pages), paru en 1977 chez Duculot. Il s'agit du récit initial, à une voix, de cette promenade qui sera reprise vingt ans plus tard par son auteur dans "Une histoire à quatre voix" (même éditeur). La rencontre au parc de Monsieur Smith, sa fille Réglisse et leur chien Albert, et de Madame Smarthe, son fils Charles et leur chienne Victoria, avec tous les croisements qu'elle va permettre.


"J'aime pas l'eau"
Eva Lindström
traduit du suédois par Aude Pasquier
Cambourakis, 32 pages

Alf, le narrateur, le dit tout de go: il n'aime pas l'eau. "Pluie, lacs, fleuves, flaques, lits de ruisseaux, océans, cours d'eau, piscines, torrents, rivières, mers, marais: du balai!", déclare-t-il. Aucune ambiguïté possible. Ce choix l'éloigne des activités de ses copains de classe, mais Alf l'assume. La seule saison où il aime l'eau, c'est l'hiver, quand elle est gelée et permet d'innombrables glissades. Et un peu l'été, où il a trouvé un compromis. Eva Lindström a un talent fou pour représenter les différentes formes d'eau à toutes les saisons et une belle sensibilité pour rencontrer la personnalité de son héros.


"Qu'est-ce que je m'ennuie"
Christine Naumann-Villemin
et François Soutif (ill.)
Kaléidoscope, 32 pages

Cet album de Christine Naumann-Villemin et François Soutif  se décline en deux gammes chromatiques. Tout est gris quand le narrateur explique combien il s'ennuie et se demande ce qu'il pourrait faire pour contrer cela. Arroser les escargots? Non! Creuser un trou? Non plus! Inventer des gros mots? Ben non. Mais tout est plein de couleurs quand apparaît la conséquence de l'acte - sauf qu'il ne la voit pas! Un arbuste fleuri à côté des escargots, un trésor dans le trou, un drôle de bonhomme né des gros mots... Un album pour inciter à repérer toutes les choses incroyables ou extraordinaires qui se passent à côté de nous sans qu'on les remarque parce qu'on oublie de lever le nez.


"Les aventures improbables
de Peter et Herman"
Delphine Jacquot
Les fourmis rouges, 64 pages

Un album en format à l'italienne qui se tient dos toilé de vert vers le haut. On y découvre le tour du monde en vingt-cinq escales, au départ de Paris, de Peter la taupe et Herman la cigogne. Incroyable, la première étape est la Belgique! Avec sa Grand-Place que les deux héros arpentent, grimés en Tintin et Professeur Tournesol, poursuivis par treize clones de Tintin... Le ton est donné par Delphine Jacquot. Chaque pays visité est illustré par ce qui fait sa célébrité, sujet immédiatement détourné par les voyageurs Peter et Herman. Improbables sont annoncées leurs aventures? A voir.


"L'avie d'Isée"
Claude Ponti
L'école des loisirs, 48 pages

"J'ai fait le deuxième tome des "ventures" d'Isée parce que trop de gens ne comprenaient pas le premier et que ça m'énervait", expliquait Claude Ponti à la sortie de l'album "La venture d'Isée" (L'école des loisirs, 2012). "Mais le deuxième tome réclamait une suite: comment Isée allait-elle grandir?" a réfléchi l'auteur. "Alors voilà le troisième et dernier, qui a la taille des deux premiers mis l'un sur l'autre. Isée sort de la magie pour accepter le monde tel qu'il est, dans toutes ses dimensions: l'imaginaire, le passé immensément riche - paysages, monuments, œuvres d'art, découvertes - et l'avenir, tous les avenirs. Isée grandit parce qu'elle accepte d'être une enfant qui hérite de tout cela."
"La vie d'Isée" est donc un grand format en hauteur. L'histoire commence la nuit quand Isée, endormie avec Tadoramour près d'elle, entend de la musique sortir de son livre préféré. Elle la voit grandir, grandir et décide d'entrer dans le livre, accompagnée bien sûr de sa peluche chérie. Le début d'un périple que Claude Ponti mène en maître, où Isée rencontrera un monstre très monstrueux, aura un défi à remporter et lui trouvera sa solution personnelle. Les images géantes sont de toute beauté et rivalisent d'expression tout en ménageant pas mal de surprises. Quant au texte, il est plus "pontien" que jamais avec ses jeux sur les sons et les mots. Encore plein de choses à dire sur cet excellent album, mais ce sera pour plus tard, avec des images.


"Chouette chienne de vie!"
Christian Voltz
Rouergue,  48 pages

"Chouette de vie!" ou "Chienne de vie!"? Christian Voltz construit ses images à l'aide d'innombrables objets récupérés, on le sait depuis 1997 et l'album "Toujours rien?". Ici, il compose une histoire usant uniquement d'expressions animalières. Elle commence mal: temps de chien, froid de canard, serrés comme des sardines, une usine où on embauche des bêtes de somme qui sont payées en monnaie de singe! Un travail de fourmi à la chaîne et un contrôleur à l’œil de lynx. Bref, c'est notre monde qu'ausculte l'auteur. Chienne de vie... Si la journée commence mal pour le bonhomme, un rencontre inattendue en fera un moment  plutôt agréable. Chouette de vie...


"Bonne nuit Eddie"
Amélie & Estelle Billon
Grasset Jeunesse, 40 pages

Un album des sœurs Amélie et Estelle Billon, en noir et blanc,  dessiné à l'encre de Chine, au texte écrit à la main, où la nuit devient féerique, lieu de tous les possibles et de toutes les inventions. Petit garçon solitaire, Eddie aime la nuit et cela se sent. Il aime aussi la vie qu'il s'invente avec son dinosaure et son cochon ailé. Les adultes ont bien remarqué qu'il a un don pour se faire oublier. Du coup, il vit dans son imaginaire, en totale liberté, tout en ayant l'air d'être dans la réalité. Et il ne lésine pas sur les efforts pour inventer une "machine à avaler les gens"! Quand elle est prête, il lui faut trouver un cobaye...
 


"Tony Tiny Boy"
Vincent Cuvellier
et Dorothée de Monfreid (ill.)
Hélium, 40 pages

Tony Tiny Boy est un cow-boy qui rentre de la guerre. Les Indiens ont perdu mais le héros, fatigué, n'est pas heureux. Même ses parents ne le reconnaissent pas. Qu'est-ce qui a fait changer Tony Tiny Boy? Réponse dans cet album sensible qui interroge la guerre, l'entente entre les peuples et prône la paix. "C'est un texte très court que j'ai écrit en pensant aux dessins de Dorothée de Monfreid", explique l'auteur, Vincent Cuvellier. "Là, cette histoire est un peu suspendue, je l'ai voulue douce, calme, sans fioritures." Le récit d'une métamorphose est magnifiquement porté par les illustrations qui montrent bien toutes les interrogations du héros. Tony Tiny Boy glisse doucement vers ce qu'il est profondément, un petit homme plus en accord avec les choix de vie des Indiens qu'avec ceux des siens. A tel point qu'il deviendra Petite Plume tout en restant Tony Tiny pour ses parents. Un album attentif aux êtres.


"Les poupées c'est pour les filles"
Ludovic Flamant & Jean-Luc Englebert
L'école des loisirs/Pastel,40 pages

Un garçon peut-il aimer avoir et jouer avec une poupée? Quand le petit frère du narrateur adopte Cindy, poupée en chiffon que lui offre sa tante, les parents semblent d'accord: "Rien de grave, ça lui passera", disent-ils. Mais quand le petit veut emmener Cindy à l'école, les choses se corsent. Ludovic Flamant étudie avec légèreté le partage des rôles masculin/féminin. Jean-Luc Englebert pose ses traits délicats et expressifs sur ces situations familiales compliquées que semblent compliquer encore davantage, comme pour le plaisir, les parents. Et ce n'est pas la boîte à outils offerte au petit garçon qui va arranger les choses. Enfin si, elle lui permettra d'aller au bout de ses idées et de révéler la bêtise de certains clichés.


"Méchant Petit Prince"
Grégoire Solotareff
L'école des loisirs, 40 pages

 Qui peut savoir qu'Ulysse qu'on appelle le "Méchant Petit Prince" fait ça pour rire? Par exemple, il pince son père et mord sa mère pour les saluer. Un jour de nouvelle méchanceté, il est puni et enfermé. Mais il s'échappe et décide d'aller au bout du monde, là où les gens vivent la tête en bas, sans vivre mieux à ses yeux pour autant. Il se construit une fusée, ce qui permet à Grégoire Solotareff de rendre joliment hommage à Georges Méliès. Au retour, il atterrit dans le jardin de Lucrèce, dite la "Méchante Petite Princesse"! Ils se marient, se disputent et ont énormément d'enfants assez malheureux. Jusqu'à la finale colorée qui explique le rouge de la colère et le rose du bonheur.


"Inventions complètement inventées"
Pierre-Dominique Burgaud
et Laure Solus Babinet
Gautier-Languereau, 120 pages

Réédition bienvenue que ce petit format loufoque portant un œil amusé sur notre environnement. Une image cadrée serré et un texte drôle se font face. On apprend avec surprise et amusement pourquoi ont été inventés les canards, les rêves, les escargots, les feuilles mortes et même les brocolis, quelques exemples parmi les dizaines qui figurent dans le livre. Evidemment, les explications valent leur pesant d'or. Chapeau aux auteurs Pierre-Dominique Burgaud et Laure Solus Babinet!


"Tout blanc"
Marie-Sabine Roger et Sylvie Serprix (ill.)
Casterman, 32 pages

La neige est tombée, tout est blanc. Le narrateur perdu dans cette immensité immaculée se demande ce qu'est le point rouge qui semble s'avancer vers lui. Un loup? Noooooon, c'est une patineuse qui glisse joliment sur le lac gelé. Une petite fille-fée, une petite fille-fleur. Elle s'approche de lui, le prend dans ses bras et le ramène au chaud dans la cabane de ses parents. Et voilà comment un petit chien blessé parvient à échapper à l'hiver et à trouver un foyer. Marie-Sabine Roger met beaucoup de douceur dans cette histoire rude tandis que Sylvie Serprix fait vibrer ses couleurs pour renforcer les effets du texte, suspense, rencontre, et finalement réconfort.


"Mes robots en pyjamarama"
Michaël Leblond et Frédérique Bertrand
Rouergue, 32 pages et une grille

Après les albums "New York en pyjamarama", "Lunaparc en pyjamarama" et "Moi en pyjamarama" (tous au Rouergue), basés sur la technique de l'ombro-cinéma, Michaël Leblond et Frédérique Bertrand proposent aux enfants un cahier d'activités pour créer leurs propres images animées. Les auteurs donnent des pistes pour inventer un robot, le décorer et la grille sert à l'animer sur les fonds fournis dans le cahier. Explications en vidéo ici.




"La plume"
Gwendal Le Bec
Albin Michel Jeunesse, 56 pages

Que se passe-t-il quand une troupe de volailles partie gratter les coins de la cour rencontre un dindon drôlement emplumé? Gwendal Le Bec nous le confie dans une excellente allégorie sur l'absurdité de la mode à suivre envers et contre tout. Car le dindon est affirmatif et convaincant: pas question pour un oiseau de sortir nu-tête! Il faut la "Plume". A force de répéter son discours, il ébranle les certitudes de la troupe des poules et des canes. Et la majorité de la basse-cour se convertit et impose ce nouveau mode de vie, allant jusqu'à oublier qu'il n'en a pas toujours été ainsi. On se renie mais quelle satisfaction de se sentir spécial. Et puis, une dissidence coupe le groupe en deux. Les cornus et les barbus ne se supportent plus. Ce sont des bagarres, des combats, des massacres... et le moment que choisit le renard pour pointer le bout de son nez. Il faut voir les illustrations de Gwendal Le Bec pour savourer complètement cette caricature fine de notre société. Toute cette basse-cour portant la plume obligatoire sur la tête ou sous le menton... Impossible de ne pas rire, impossible de ne pas réfléchir.


"Ou alors pompier..."
Hubert Ben Kemoun
et Bruno Heitz (ill.)
Rue du Monde, 40 pages

Quel métier plus tard? Beaucoup d'enfants en rêvent déjà. Aux envies classiques, le texte de Hubert Ben Kemoun et les gravures de Bruno Heitz offrent des contre-propositions, pleines de fantaisie et d'imagination. Sculpteur de nuages plutôt que pilote d'avion, ramoneur de cheminées pour Père Noël plutôt que testeur de jeux vidéo, éplucheur d'oranges pour les filles qui ne supportent pas d'avoir les mains collantes plutôt que cuisinier... Bruno Heitz a choisi d'illustrer les propositions classiques en deux couleurs alors qu'il ouvre sa palette pour les autres. Et le pompier du titre? Pourquoi pas, au fond, tant il offre d'attraits, entre autres auprès de la jeune Mathilda.


"Zooptique"

Guillaume Duprat
Seuil Jeunesse, 40 pages animées

On a déjà de la peine à imaginer la vision des daltoniens alors que dire de la vision des espèces animales?  C’est pourtant ce que propose ce super album de Guillaume Duprat, basé sur des recherches scientifiques et un brin d’imagination. Au début du livre, après les infos de base, une page à déplier montre un paysage tel que le voit l’être humain. Ensuite, en soulevant les volets posés sur les dessins des têtes des animaux, on découvre comment eux le perçoivent. Laisser la première page ouverte permet de comparer les visions. Certains sont attendues, comme les visions de l’aigle ou de la chouette, d’autres réservent des surprises. L’album est à la fois ludique et pertinent. On y découvre que le chimpanzé voit presque comme nous, que le chien est daltonien, le chat myope, que cheval et vache ne voient pas devant eux. Plus de vingt visions animales sont partagées, sans oublier celle, particulière, de la chauve-souris ! C’est passionnant.


"Point d'exclamation!"
Amy Krouse Rosenthal
et Tom Lichtenheld
traduit de l'anglais par Jean-François Ménard
Gallimard Jeunesse, 56 pages

L'histoire d'un point d'exclamation racontée dans un cahier d'écolier ligné. Au début de cet album en format à l'italienne, le point d'exclamation a bien de la peine car, toujours, il dépasse des autres points. Sauf quand il dort couché. Mais sa particularité le fait souffrir, lui qui aimerait tellement ressembler aux autres alors qu'il n'est pas comme tout le monde. Il manque tout quitter quand il rencontre un point d’interrogation qui lui pose mille questions. Jusqu'à ce que notre point hurle "STOP!" Un cri de survie qui lui ouvre mille possibilités. Il a trouvé sa place, sa voie, sa voix. Une très belle parabole sur la place que chacun a à trouver dans le monde par un duo de "New York Times", Amy Krouse Rosenthal et Tom Lichtenheld, qui avaient déjà signé le très bel album "Canard! Lapin!" (Kaléidoscope).



"Mon petit Calder"
Colombe Schneck et Emmanuel Javal
Iris de Moüy (ill.)
Palette/Hélium, 40 pages

Le titre pourrait faire songer à une biographie d'Alexander Calder, mais il n'en est rien. Il s'agit par contre de l'histoire vraie d'un Stabile de l'artiste, un mobile qui a eu une vie incroyable et nous la raconte à la première personne. Il explique d'abord sa construction, lui tout petit dans la famille des Stabiles, lui, si joli avec ses trois jambes en métal orange et ses bras jaunes, bleus, rouges et noirs, toujours en mouvement. A l'atelier, il était le voisin d'un autre petit Stabile, plus élancé, en compagnie de qui il se sentait vraiment bien. D'eux, Alexander Calder disait qu'ils étaient "un poème qui danse avec l'allégresse de la vie et de ses surprises". Confiés à un marchand, ils ont été séparés mais chacun est parti avec les bras de l'autre! Antoine Javal a acheté le narrateur et a trouvé dans cette œuvre d'art le réconfort lors d'épisodes de vie particulièrement douloureux. Il découvrira ensuite l'existence de l'autre Stabile et tentera tout pour les réunir et leur rendre à chacun leurs bras. Une histoire vraie qui défie la fiction et est complétée de quelques pages documentaires sur l'artiste.


"Les Frères Moustaches"
Alex Cousseau et Charles Dutertre
Rouergue, 40 pages

L'histoire des Frères Moustaches qui, en Birmanie, aux côtés d'Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, symbolisent la résistance populaire à l'oppression. Et comment s'y prennent-ils? Par le rire. Moustachus ou non, ils font les pitres en se moquant des tyrans et appellent à la résistance. Leur courage est plus fort que les mesures prises contre eux. Alex Cousseau met en scène de manière originale les tyrannies ordinaires. Quant aux illustrations de Charles Dutertre, elles exploitent à fond le format à l'italienne et leur côté volontairement guindé révèle encore davantage la force des Frères Moustaches. Magnifique!


**
*

Si j'étais Saint Nicolas, j'éviterais absolument quelques albums ratés.

"Anton et le cadeau de Noël"
Ole Könnecke
traduit de l'allemand par Bernard Friot
De La Martinière Jeunesse, 36 pages

Autant j'avais adoré les quatre précédents titres du génial petit garçon qu'est Anton, parus à L'école des loisirs, autant celui-ci me déçoit tant par son sujet mal construit que par son graphisme peu abouti. Pas étonnant qu'il soit publié dans une autre maison d'édition. Fallait-il d'ailleurs le publier?


"Le carnet secret de Timothey Fusée"
Amanda Sthers et Ronan Badel (ill.)
Nathan, 64 pages

Un journal trouvé à l'entrée du métro de New York, une héroïne habillée par Rykiel enfant... Surtout un propos lourd et manquant autant de sincérité que d'inspiration, appliquant la recette du livre précédent, "Le carnet secret de Lili Lampion", déjà fermé par un élastique.


"Super-Charlie et le voleur de doudou"
Camilla Läckberg et Millis Sarri (ill.)
traduit du suédois par Johanna Brock
et Erwan Le Bihan
Actes Sud Junior, 40 pages

On peut écrire de bons polars et être un mauvais auteur jeunesse. La preuve par Camilla Läckberg qui, après "Super-Charlie", un premier album pour enfants super raté, recommence avec un deuxième titre. Cette traque d'un doudou par un super-bébé est toujours super poussive, super ennuyante et très mal illustrée.



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Si j'étais Saint Nicolas enfin, je passerais le relais au Père Noël pour encore compléter les bibliothèques des enfants.


2 commentaires:

  1. Oh la belle sélection! Chez Si Tu Veux on aime beaucoup "Bonjour le monde"

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  2. Très jolie sélection ! Tu m'as fait vivre un petit "ascenseur émotionnel avec Anton et le cadeau de noël que je ne connaissais pas : "Wouah ! chic ! un nouvel Anton que je ne connaissais pas !!!" (excitation hystérique) "rhôôô noooon, il est nul en fait" (déception amère) ... tant pis. M'en vais chercher "J'aime pas l'eau" qui me fait de l'oeil depuis un moment !

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