Histoires excellentes
et images où tout est à regarder, où tout est à raconter,
une bonne douzaine d'albums pour enfants à ne pas rater.
"Blaise et le Kontrôleur de Kastatroffe"
Claude Ponti
L'école des loisirs, 48 pages
Enfin, le "Claude Ponti" de l'année est arrivé. A temps pour les fêtes de fin d'année et même pour la Saint-Nicolas. En grand format toilé, avec tellement de poussins qu'on n'arrive pas à les compter - comment l'auteur-illustrateur est-il parvenu à les dessiner et à les colorier?
Ils dorment nos chers petits poussins quand éclate un orage avec tonnerre et foudre. "C'est une grande Kastatroffe énorme épouvantabloriblifique", écrit Claude Ponti. La maison est détruite, les affaires perdues, les voisins fâchés mais le pire est à venir, je veux parler de l'arrivée du Kontrôleur de Kastatroffe!
Il n'a pas l'air commode, le Kontrôleur: ventre et bouche prison, pieds écrase-poussins, des yeux partout... Et il hurle. Devant l'absence de permis de Kastatroffe, il se remet à crier: "Infraktion! Puniktion! Sanktion! Payez LA MENDE! Apportez-moi LA MENDE! Vite, sinon, prison dans mon bidon!"
Misère, on se croirait presque dans la vraie vie. Surtout quand Blaise, le poussin masqué, remarque qu'il ne sait pas ce que c'est, LA MENDE. Il n'en a jamais vue mais il se met à sa recherche. Cette quête est au cœur de ce magnifique album, pontien en diable: défense des plus faibles, voyages extraordinaires, mots inventés drôles et en contrepèteries souvent, soutiens inopinés et bien utiles, imagination et logique dans le non-sense. Les arbres y sont au rendez-vous, comme les livres et on y croise une foule de personnages, dont une cousine de Pétronille - petite joueuse, elle n'a que 34 petits.
Les images sont extraordinaires par leur composition et les innombrables détails qu'elles présentent toutes. On passe des heures à les examiner, à les mettre en rapport les unes avec les autres, à les savourer jusqu'à la moelle. "Blaise et le Kontrôleur de Kastatroffe" ménage suspense et rigolade dans ses différents épisodes à la poursuite de LA MENDE. Des éléments rassurants sont glissés avant la grande finale, particulièrement réjouissante avec la nouvelle maison, la girafe de la couverture et le traitement réservé au Kontrôleur grâce à une formule qui devrait bien plaire aux enfants.
Grand maître d’œuvre, Claude Ponti nous emmène dans les lieux les plus incroyables, toujours en compagnie de Blaise et des poussins, avant de nous ramener à bon port grâce à son imagination et son sens du récit. Ce nouvel album procure des heures de bonheur, rappelle que les méchants sont punis à la hauteur de leur agressivité et montre la joie d'une excursion en compagnie de ces incroyables poussins, joyeux et décidés.
"Le bazar de Crabtree"
Jon & Tucker Nichols
traduit et adapté de l'anglais par Sophie Giraud
Hélium, 48 pages à déplier
Fort réussi, le premier album pour enfants des artistes américains Jon et Tucker Nichols. Les frères se sont répartis le travail: à Jon la plupart des mots, à Tucker la plupart des dessins. Un grand format tout en hauteur, étroit même, dont certaines doubles pages se déplient en autant de capharnaüms successifs.
Tout commence le matin où Alfred Crabtree ne trouve plus son dentier. Il le cherche d'abord autour de lui. Quel bazar! Mais le lecteur n'a encore rien vu. Le meilleur suit dans ces pages où apparaissent des centaines d'objets hétéroclites légendés de leur nom, avec l'une ou l'autre anecdote. Alfred n'est pas plus avancé quand il sort toutes ses affaires.
Par téléphone, sa sœur Myrna lui conseille de les ranger par catégorie pour fatalement tomber sur le dentier. Il s'exécute: "casques & chapeaux", "vrais canards", "faux", "portraits", "fourmis", "outils et ustensiles", "pommes de terre", "gants & chaussettes"... Mais comment encore circuler entre tous ces objets étalés? Mets-les dans des cartons, lui recommande alors sa sœur Irma. Effectivement, on y voit un peu plus clair et cela permet d'opérer d'autres rangements tout aussi croquignolets. En revanche, toujours pas de dentier. C'est la sœur Velma qui vient en aide cette fois, avec la vraie bonne idée, celle à laquelle personne n'avait pensé.
Une petite merveille que "Le bazar de Crabtree", album totalement décalé, aussi extravagant que réjouissant.
"Montagne en balade"
Benoît Audé
Rouergue, 40 pages
C'est un Ptérodactyle postal qui apporte la missive: "Très chère Montagne, je t'invite à mes 200 millions d'années. Signé Ton cousin Volcan". En partant d'un décor où cent dinosaures font les fous, on va suivre le chemin de Montagne. Puis son voyage de retour de la fête, à travers le temps et l'évolution cette fois. "Montagne en balade" est une fresque historique particulièrement originale dont les dessins miniatures font se pencher sur les pages pour n'en rien rater tant ils fourmillent de détails. L'héroïne poursuit sa balade, sans se soucier des humains qui apparaissent dans les doubles pages, ceux de l'Egypte ancienne ici, les Indiens et les cow-boys là-bas, et tout plein d'autres en attendant la pirouette finale de cet album très réussi.
"Le voyage extraordinaire"
William Grill
traduit de l'anglais par Valentine Palfrey
Casterman, 76 pages
Il y a cent ans que l'explorateur britannique Ernest Shackleton et son équipage ont embarqué à bord de l'Endurance pour traverser l'Antarctique en passant par le pôle Sud. C'était le 8 août 1914, la Première Guerre mondiale détruisait l'Europe. L'expédition durera deux ans. Le Britannique William Grill, 24 ans, nous la raconte sous la forme d'un documentaire grand format remarquable. Il découpe l'aventure vraie en une trentaine de chapitres sur doubles pages finement et largement illustrées: financement et équipement, équipage, chiens, endurance, matériel et vivres, etc. De multiples images, originales par leur traitement aux crayons de couleur et de grande qualité graphique, renouvellent complètement la vision qu'on avait de cette aventure humaine extraordinaire.
"Imagine"
Aaron Becker
Gautier-Languereau, 40 pages
Pas de texte dans ce bel album qui nous vient des Etats-Unis, où tout est donc à regarder. Dans les premières images, la teinte est sépia, à l'exception de quelques objets en rouge, une trottinette, un cerf-volant, un ballon, ceux que tient une fillette, l'héroïne de l'histoire.Visiblement, personne ne veut jouer avec elle et elle se réfugie dans sa chambre. Soudain, elle découvre un crayon rouge sur le sol. Un crayon magique! Dès qu'elle dessine quelque chose, ce qu'elle représente devient vrai, se réalise. Dans "Imagine", en tout cas. Et les couleurs arrivent alors en masse dans les illustrations sur doubles pages. On suit la fillette avec plaisir dans ses formidables pérégrinations qui vont la mener dans une foule de lieux fabuleux, campés avec mille détails. Jusqu'au moment où elle perd son crayon magique. Heureusement, l'oiseau qu'elle avait sauvé lui viendra en aide, permettant en outre à cette aventure palpitante de ne pas se terminer comme on le pensait.
"Le miel des trois compères"
Richard Marnier
Gaëtan Dorémus
Rouergue, 40 pages
Quand un loup, un renard et un ours qui se promènent en forêt découvrent un incroyable rayon de miel, il y a fatalement deux compères excédentaires face à un tel butin. Comment vont-ils faire? Se disputer, se trahir, s'entendre? Réponse dans les dix-sept versions, en texte et en images, de ce scénario que propose ce très amusant album. A noter que les deux premières phrases de l'histoire sont elles aussi déclinées dix-sept fois. Autant de variations pour dire "Il était une fois un renard, un loup et un ours qui se promenaient en forêt. En chemin, ils découvrirent un appétissant rayon de miel", il faut le faire! Et assembler ces quatre pièces en autant de scénarios aussi. C'est d'autant plus plaisant que "Le miel des trois compères" dépasse le simple exercice de style pour être un album qui, discrètement, interroge chacun sur la version qui lui correspond le mieux.
"Saperlipopette mon chapeau!"
Steve Antony
adapté de l'anglais par Sophie Koechlin
Gautier-Languereau, 32 pages
Où courent-ils, tous les bobbys en couverture de ce très rigolo album qui se déroule à Londres? C'est bien simple. La reine d'Angleterre se rendait en visite quand "un coup de vent emporta son chapeau préféré"! Les soldats de la garde se précipitent donc pour récupérer le royal couvre-chef. Mais le vent l'entraîne de plus en plus loin. Cette course-poursuite effrénée nous vaut une incroyable visite des monuments principaux de Londres, de Trafalgar Square à Big Ben. D'autant plus réjouissante graphiquement que le nombre de gardes en bonnets à poils ne cesse d'augmenter derrière la Queen et son chien. Humour et non-sense mènent la danse jusqu'à la récupération du chapeau, à l'endroit où se rendait la reine.
"Oh! mon chapeau"
Anouck Boisrobert
Louis Rigaud
Hélium, 14 doubles pages animées
Voilà une autre histoire de chapeau voyageur, en trois dimensions cette fois, dans un prodigieux pop-up concocté par le duo qui en renouvelle le genre ("Dans la forêt du paresseux", "Popville", "Océano", tous chez Hélium). Ici, c'est un singe qui chipe le chapeau que le narrateur dessine. Vite, il saute dans un taxi pour tenter de le récupérer. Cela nous vaut de remarquables séquences en papiers découpés et pliés qui font naître des décors en trois dimensions quand on tourne les pages: la rue, le zoo, la boulangerie, la bibliothèque... Un jeu de piste qui est aussi l'occasion de saynètes amusantes quand le héros non-chapeauté rencontre par exemple un alligator. Un album très réussi dont on découvre avec saisissement qu'il n'est composé que de dix formes géométriques et de quelques traits de crayon. Et aussi bien sûr d'une formidable inventivité.
"Zébulon et le poussin"
Alice Brière-Haquet (texte)
Olivier Philipponneau
et Raphaële Enjary (gravures sur bois)
MeMo, 40 pages
Une remarquable partie de cache-cache pour les tout-petits que cet album graphiquement superbe. Zébulon voudrait bien faire du poussin son copain, mais la boule jaune a disparu. Le héros tout en noir se lance à la recherche. Il trouve du jaune partout, un champ de blé, de la paille, une ruche, des mottes de beurre, mais se fait chaque fois houspiller par les occupants, la souris, la poule, l'abeille, la vache... Pauvre Zébulon, dépité de tout ce qui lui arrive alors qu'il ne fait que chercher un ami. Un aveu qui fait changer tout le monde d'avis. Plus de fâcheries, mais des cadeaux que le héros va rudement bien utiliser et qui auront un effet magique sur le poussin recherché. Une histoire drôle et tendre, bien menée dans des pages superbes, à hauteur d'enfant, surtout quand elle s'achève sur une nouvelle partie de cache-cache.
"La graine du petit moine"
Wang Zaozao
Huang Li
traduit du chinois par Chun-Liang Yeh
HongFei Cultures, 40 pages
Un sage offre une graine d'un lotus vieux de mille ans à trois de ses jeunes disciples. Chacun des petits moines réagit selon son caractère devant la mission. Ben l'Ardent plante immédiatement la sienne, Jing le Studieux le fait après s'être bien documenté et avec beaucoup de soin, An le Serein attend le retour du printemps. C'est évidemment ce dernier qui obtiendra les seuls résultats. Il fera germer la graine millénaire et ensuite grandir le lotus. Un délicieux conte de sagesse, une belle ode au respect de la nature, une expérience à partager sans qu'il n'y ait de culpabilisation de ceux qui ont échoué, des images douces et expressives qui montrent la Chine de l'intérieur.
"Le grand imagier des animaux du monde"
Ole Könnecke
traduit de l'allemand
L'école des loisirs, 22 pages cartonnées
Trois ans après "L'imagier des petits", Ole Könnecke a repris ses pinceaux pour offrir à ses jeunes lecteurs un nouvel imagier sur un de leurs sujets préférés, les animaux. Dans ce grand format cartonné, on parcourt les différentes régions du monde en compagne d'une petite souris, fil rouge de cet excellent album qui cligne parfois de l’œil à Babar.
Chaque fois, différents animaux, légendés de leurs noms, apparaissent dans un paysage, un peu comme dans une planche documentaire. On va de continent en continent, on survole les océans, on découvre chaque fois la faune et la flore locale, mises en scène dans d'exquises micro-saynètes. Un planisphère final remet tous les animaux qu'on a croisés dans leur région. Cela paraît tout simple mais cela a sûrement demandé beaucoup de travail. C'est en tout cas excellent de bout en bout.
"Nuages"
Gong Gwang-kyu
Kim Jae-hong
traduit du coréen par Lim Yeong-hee
Picquier Jeunesse, 24 pages
Un texte poétique et, sur les doubles pages, de larges peintures de ciels, apparaissant à différents moments de la journée. Dans les nuages qui s'y promènent, on distingue différents animaux suggérés par les mots. Un album en boucle qui appelle à la sérénité, à ouvrir les yeux sur les vrais paysages et à savourer le temps qui passe.
"Suivrez le guide!
Promenade au jardin"
Princesse Camcam
Autrement Jeunesse, 22 pages à volets
L'impeccable équipée au jardin d'un chat siamois et de trois chiots labradors. On visite les moindres recoins de cet immense terrain planté et fleuri. Grâce notamment à la cinquantaine de volets à soulever. Le matou narrateur invite les petits à le suivre et leur présente les différents habitants du jardin de manière assez négative: des loirs au poil hirsute, des ratons-laveurs sournois, des grenouilles trouillardes... Mais chaque fois, les images cachées sous les volets donnent une toute autre idée des animaux présentés. Même qu'ils ont tous l'air très occupés à préparer quelque chose, la surprise finale de cet album précieux et joyeux.
"Bonjour au revoir"
Delphine Chedru
Albin Michel Jeunesse, 48 pages et des lunettes
Les contraires en trois versions: celle qu'affiche la page imprimée, dessin étrange et attrayant qui semble le mélange de deux images. C'est en effet le cas, car selon qu'on chausse la partie bleue ou la partie rouge des lunettes fournies avec l'album, on a les deux scènes opposées de la même situation. A la page "sec mouillé" par exemple, la partie illustrée montre une scène de rue, pleine de lignes roses et bleu ciel. Mais avec le filtre bleu, on y voit un chien qui danse sous la pluie dans la rue, et avec le filtre rouge, un chat qui se protège sous un parapluie. Si les notions sont connues, comment les changer?, "petit-gros", "hiver-été, "captif-libre", "léger-lourd", "ville-campagne", "nuit-jour"..., elles sont exploitées avec beaucoup d'originalité dans ces pages soucieuses d'esthétique et d'humour. Il n'est pas aisé de rendre artistique la superposition de deux images! Et Delphine Chedru y parvient magistralement.
et images où tout est à regarder, où tout est à raconter,
une bonne douzaine d'albums pour enfants à ne pas rater.
Claude Ponti
L'école des loisirs, 48 pages
Enfin, le "Claude Ponti" de l'année est arrivé. A temps pour les fêtes de fin d'année et même pour la Saint-Nicolas. En grand format toilé, avec tellement de poussins qu'on n'arrive pas à les compter - comment l'auteur-illustrateur est-il parvenu à les dessiner et à les colorier?
Ils dorment nos chers petits poussins quand éclate un orage avec tonnerre et foudre. "C'est une grande Kastatroffe énorme épouvantabloriblifique", écrit Claude Ponti. La maison est détruite, les affaires perdues, les voisins fâchés mais le pire est à venir, je veux parler de l'arrivée du Kontrôleur de Kastatroffe!
L'arrivée du Kontrôleur. (c) L'école des loisirs. |
Misère, on se croirait presque dans la vraie vie. Surtout quand Blaise, le poussin masqué, remarque qu'il ne sait pas ce que c'est, LA MENDE. Il n'en a jamais vue mais il se met à sa recherche. Cette quête est au cœur de ce magnifique album, pontien en diable: défense des plus faibles, voyages extraordinaires, mots inventés drôles et en contrepèteries souvent, soutiens inopinés et bien utiles, imagination et logique dans le non-sense. Les arbres y sont au rendez-vous, comme les livres et on y croise une foule de personnages, dont une cousine de Pétronille - petite joueuse, elle n'a que 34 petits.
Les images sont extraordinaires par leur composition et les innombrables détails qu'elles présentent toutes. On passe des heures à les examiner, à les mettre en rapport les unes avec les autres, à les savourer jusqu'à la moelle. "Blaise et le Kontrôleur de Kastatroffe" ménage suspense et rigolade dans ses différents épisodes à la poursuite de LA MENDE. Des éléments rassurants sont glissés avant la grande finale, particulièrement réjouissante avec la nouvelle maison, la girafe de la couverture et le traitement réservé au Kontrôleur grâce à une formule qui devrait bien plaire aux enfants.
Grand maître d’œuvre, Claude Ponti nous emmène dans les lieux les plus incroyables, toujours en compagnie de Blaise et des poussins, avant de nous ramener à bon port grâce à son imagination et son sens du récit. Ce nouvel album procure des heures de bonheur, rappelle que les méchants sont punis à la hauteur de leur agressivité et montre la joie d'une excursion en compagnie de ces incroyables poussins, joyeux et décidés.
"Le bazar de Crabtree"
Jon & Tucker Nichols
traduit et adapté de l'anglais par Sophie Giraud
Hélium, 48 pages à déplier
Fort réussi, le premier album pour enfants des artistes américains Jon et Tucker Nichols. Les frères se sont répartis le travail: à Jon la plupart des mots, à Tucker la plupart des dessins. Un grand format tout en hauteur, étroit même, dont certaines doubles pages se déplient en autant de capharnaüms successifs.
Tout commence le matin où Alfred Crabtree ne trouve plus son dentier. Il le cherche d'abord autour de lui. Quel bazar! Mais le lecteur n'a encore rien vu. Le meilleur suit dans ces pages où apparaissent des centaines d'objets hétéroclites légendés de leur nom, avec l'une ou l'autre anecdote. Alfred n'est pas plus avancé quand il sort toutes ses affaires.
Par téléphone, sa sœur Myrna lui conseille de les ranger par catégorie pour fatalement tomber sur le dentier. Il s'exécute: "casques & chapeaux", "vrais canards", "faux", "portraits", "fourmis", "outils et ustensiles", "pommes de terre", "gants & chaussettes"... Mais comment encore circuler entre tous ces objets étalés? Mets-les dans des cartons, lui recommande alors sa sœur Irma. Effectivement, on y voit un peu plus clair et cela permet d'opérer d'autres rangements tout aussi croquignolets. En revanche, toujours pas de dentier. C'est la sœur Velma qui vient en aide cette fois, avec la vraie bonne idée, celle à laquelle personne n'avait pensé.
Une petite merveille que "Le bazar de Crabtree", album totalement décalé, aussi extravagant que réjouissant.
"Montagne en balade"
Benoît Audé
Rouergue, 40 pages
C'est un Ptérodactyle postal qui apporte la missive: "Très chère Montagne, je t'invite à mes 200 millions d'années. Signé Ton cousin Volcan". En partant d'un décor où cent dinosaures font les fous, on va suivre le chemin de Montagne. Puis son voyage de retour de la fête, à travers le temps et l'évolution cette fois. "Montagne en balade" est une fresque historique particulièrement originale dont les dessins miniatures font se pencher sur les pages pour n'en rien rater tant ils fourmillent de détails. L'héroïne poursuit sa balade, sans se soucier des humains qui apparaissent dans les doubles pages, ceux de l'Egypte ancienne ici, les Indiens et les cow-boys là-bas, et tout plein d'autres en attendant la pirouette finale de cet album très réussi.
"Le voyage extraordinaire"
William Grill
traduit de l'anglais par Valentine Palfrey
Casterman, 76 pages
Il y a cent ans que l'explorateur britannique Ernest Shackleton et son équipage ont embarqué à bord de l'Endurance pour traverser l'Antarctique en passant par le pôle Sud. C'était le 8 août 1914, la Première Guerre mondiale détruisait l'Europe. L'expédition durera deux ans. Le Britannique William Grill, 24 ans, nous la raconte sous la forme d'un documentaire grand format remarquable. Il découpe l'aventure vraie en une trentaine de chapitres sur doubles pages finement et largement illustrées: financement et équipement, équipage, chiens, endurance, matériel et vivres, etc. De multiples images, originales par leur traitement aux crayons de couleur et de grande qualité graphique, renouvellent complètement la vision qu'on avait de cette aventure humaine extraordinaire.
"Imagine"
Aaron Becker
Gautier-Languereau, 40 pages
Pas de texte dans ce bel album qui nous vient des Etats-Unis, où tout est donc à regarder. Dans les premières images, la teinte est sépia, à l'exception de quelques objets en rouge, une trottinette, un cerf-volant, un ballon, ceux que tient une fillette, l'héroïne de l'histoire.Visiblement, personne ne veut jouer avec elle et elle se réfugie dans sa chambre. Soudain, elle découvre un crayon rouge sur le sol. Un crayon magique! Dès qu'elle dessine quelque chose, ce qu'elle représente devient vrai, se réalise. Dans "Imagine", en tout cas. Et les couleurs arrivent alors en masse dans les illustrations sur doubles pages. On suit la fillette avec plaisir dans ses formidables pérégrinations qui vont la mener dans une foule de lieux fabuleux, campés avec mille détails. Jusqu'au moment où elle perd son crayon magique. Heureusement, l'oiseau qu'elle avait sauvé lui viendra en aide, permettant en outre à cette aventure palpitante de ne pas se terminer comme on le pensait.
"Le miel des trois compères"
Richard Marnier
Gaëtan Dorémus
Rouergue, 40 pages
Quand un loup, un renard et un ours qui se promènent en forêt découvrent un incroyable rayon de miel, il y a fatalement deux compères excédentaires face à un tel butin. Comment vont-ils faire? Se disputer, se trahir, s'entendre? Réponse dans les dix-sept versions, en texte et en images, de ce scénario que propose ce très amusant album. A noter que les deux premières phrases de l'histoire sont elles aussi déclinées dix-sept fois. Autant de variations pour dire "Il était une fois un renard, un loup et un ours qui se promenaient en forêt. En chemin, ils découvrirent un appétissant rayon de miel", il faut le faire! Et assembler ces quatre pièces en autant de scénarios aussi. C'est d'autant plus plaisant que "Le miel des trois compères" dépasse le simple exercice de style pour être un album qui, discrètement, interroge chacun sur la version qui lui correspond le mieux.
"Saperlipopette mon chapeau!"
Steve Antony
adapté de l'anglais par Sophie Koechlin
Gautier-Languereau, 32 pages
Où courent-ils, tous les bobbys en couverture de ce très rigolo album qui se déroule à Londres? C'est bien simple. La reine d'Angleterre se rendait en visite quand "un coup de vent emporta son chapeau préféré"! Les soldats de la garde se précipitent donc pour récupérer le royal couvre-chef. Mais le vent l'entraîne de plus en plus loin. Cette course-poursuite effrénée nous vaut une incroyable visite des monuments principaux de Londres, de Trafalgar Square à Big Ben. D'autant plus réjouissante graphiquement que le nombre de gardes en bonnets à poils ne cesse d'augmenter derrière la Queen et son chien. Humour et non-sense mènent la danse jusqu'à la récupération du chapeau, à l'endroit où se rendait la reine.
"Oh! mon chapeau"
Anouck Boisrobert
Louis Rigaud
Hélium, 14 doubles pages animées
Voilà une autre histoire de chapeau voyageur, en trois dimensions cette fois, dans un prodigieux pop-up concocté par le duo qui en renouvelle le genre ("Dans la forêt du paresseux", "Popville", "Océano", tous chez Hélium). Ici, c'est un singe qui chipe le chapeau que le narrateur dessine. Vite, il saute dans un taxi pour tenter de le récupérer. Cela nous vaut de remarquables séquences en papiers découpés et pliés qui font naître des décors en trois dimensions quand on tourne les pages: la rue, le zoo, la boulangerie, la bibliothèque... Un jeu de piste qui est aussi l'occasion de saynètes amusantes quand le héros non-chapeauté rencontre par exemple un alligator. Un album très réussi dont on découvre avec saisissement qu'il n'est composé que de dix formes géométriques et de quelques traits de crayon. Et aussi bien sûr d'une formidable inventivité.
"Zébulon et le poussin"
Alice Brière-Haquet (texte)
Olivier Philipponneau
et Raphaële Enjary (gravures sur bois)
MeMo, 40 pages
Une remarquable partie de cache-cache pour les tout-petits que cet album graphiquement superbe. Zébulon voudrait bien faire du poussin son copain, mais la boule jaune a disparu. Le héros tout en noir se lance à la recherche. Il trouve du jaune partout, un champ de blé, de la paille, une ruche, des mottes de beurre, mais se fait chaque fois houspiller par les occupants, la souris, la poule, l'abeille, la vache... Pauvre Zébulon, dépité de tout ce qui lui arrive alors qu'il ne fait que chercher un ami. Un aveu qui fait changer tout le monde d'avis. Plus de fâcheries, mais des cadeaux que le héros va rudement bien utiliser et qui auront un effet magique sur le poussin recherché. Une histoire drôle et tendre, bien menée dans des pages superbes, à hauteur d'enfant, surtout quand elle s'achève sur une nouvelle partie de cache-cache.
"La graine du petit moine"
Wang Zaozao
Huang Li
traduit du chinois par Chun-Liang Yeh
HongFei Cultures, 40 pages
Un sage offre une graine d'un lotus vieux de mille ans à trois de ses jeunes disciples. Chacun des petits moines réagit selon son caractère devant la mission. Ben l'Ardent plante immédiatement la sienne, Jing le Studieux le fait après s'être bien documenté et avec beaucoup de soin, An le Serein attend le retour du printemps. C'est évidemment ce dernier qui obtiendra les seuls résultats. Il fera germer la graine millénaire et ensuite grandir le lotus. Un délicieux conte de sagesse, une belle ode au respect de la nature, une expérience à partager sans qu'il n'y ait de culpabilisation de ceux qui ont échoué, des images douces et expressives qui montrent la Chine de l'intérieur.
"Le grand imagier des animaux du monde"
Ole Könnecke
traduit de l'allemand
L'école des loisirs, 22 pages cartonnées
Trois ans après "L'imagier des petits", Ole Könnecke a repris ses pinceaux pour offrir à ses jeunes lecteurs un nouvel imagier sur un de leurs sujets préférés, les animaux. Dans ce grand format cartonné, on parcourt les différentes régions du monde en compagne d'une petite souris, fil rouge de cet excellent album qui cligne parfois de l’œil à Babar.
Chaque fois, différents animaux, légendés de leurs noms, apparaissent dans un paysage, un peu comme dans une planche documentaire. On va de continent en continent, on survole les océans, on découvre chaque fois la faune et la flore locale, mises en scène dans d'exquises micro-saynètes. Un planisphère final remet tous les animaux qu'on a croisés dans leur région. Cela paraît tout simple mais cela a sûrement demandé beaucoup de travail. C'est en tout cas excellent de bout en bout.
"Nuages"
Gong Gwang-kyu
Kim Jae-hong
traduit du coréen par Lim Yeong-hee
Picquier Jeunesse, 24 pages
Un texte poétique et, sur les doubles pages, de larges peintures de ciels, apparaissant à différents moments de la journée. Dans les nuages qui s'y promènent, on distingue différents animaux suggérés par les mots. Un album en boucle qui appelle à la sérénité, à ouvrir les yeux sur les vrais paysages et à savourer le temps qui passe.
"Suivrez le guide!
Promenade au jardin"
Princesse Camcam
Autrement Jeunesse, 22 pages à volets
L'impeccable équipée au jardin d'un chat siamois et de trois chiots labradors. On visite les moindres recoins de cet immense terrain planté et fleuri. Grâce notamment à la cinquantaine de volets à soulever. Le matou narrateur invite les petits à le suivre et leur présente les différents habitants du jardin de manière assez négative: des loirs au poil hirsute, des ratons-laveurs sournois, des grenouilles trouillardes... Mais chaque fois, les images cachées sous les volets donnent une toute autre idée des animaux présentés. Même qu'ils ont tous l'air très occupés à préparer quelque chose, la surprise finale de cet album précieux et joyeux.
"Bonjour au revoir"
Delphine Chedru
Albin Michel Jeunesse, 48 pages et des lunettes
Les contraires en trois versions: celle qu'affiche la page imprimée, dessin étrange et attrayant qui semble le mélange de deux images. C'est en effet le cas, car selon qu'on chausse la partie bleue ou la partie rouge des lunettes fournies avec l'album, on a les deux scènes opposées de la même situation. A la page "sec mouillé" par exemple, la partie illustrée montre une scène de rue, pleine de lignes roses et bleu ciel. Mais avec le filtre bleu, on y voit un chien qui danse sous la pluie dans la rue, et avec le filtre rouge, un chat qui se protège sous un parapluie. Si les notions sont connues, comment les changer?, "petit-gros", "hiver-été, "captif-libre", "léger-lourd", "ville-campagne", "nuit-jour"..., elles sont exploitées avec beaucoup d'originalité dans ces pages soucieuses d'esthétique et d'humour. Il n'est pas aisé de rendre artistique la superposition de deux images! Et Delphine Chedru y parvient magistralement.
Merci beaucoup pour toutes ces brillantes idées, j'en connaissais quelques -uns et c'est un plaisir de voir tous ceux que je vais découvrir. Je crois que Le père Noel saura y piocher quelques petites idées car pour saint Nicolas, c'est trop tard...il a déjà déposé sa tournée du jour!
RépondreSupprimer