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mercredi 10 décembre 2014

Pourquoi mener l'enfant au lit d'adultes?

Son format proche du livre de poche, sa minceur et son titre intriguant incitent à glisser dans son sac en vue d'une brève attente "La photo au-dessus du lit", le nouveau  livre de Bertrand Schefer (P.O.L., 68 pages). Sans se douter de la claque qu'on prendra dans ce récit de maltraitance d'enfant car c'est de cela qu'il s'agit. Et la phrase de Wittgenstein en ouverture dévoile alors tout son sens: "Une image nous tenait captifs. Et nous ne pouvions lui échapper, car elle se trouvait dans notre langage qui semblait nous la répéter inexorablement."

Voilà un livre dont on perçoit tout de suite l'urgence qu'a éprouvée l'auteur à l'écrire. Dans ce format précis de livre court, ni nouvelle, ni roman, non, livre court. Un récit autobiographique qui dit une blessure subie à huit ou neuf ans, quand l'enfant ne peut encore s'opposer à l'adulte qui lui ordonne ceci ou cela. Un traumatisme qui a été oublié comme l'esprit peut masquer des choses pour alors continuer, pour ne pas tomber. Comme si le souvenir enfoui au plus profond de la mémoire ne remontait pas un jour à la surface, n'imposait pas d'être considéré pour lui-même. Sans doute, pour pouvoir alors définitivement être mis de côté.

Bertrand Schefer. (c) Claire Mathon.
Bertrand Schefer consigne cette remontée soudaine du souvenir d'une photo terrifiante vue quand il avait huit ou neuf ans. Il refait le chemin vers son enfance et cette journée brutale qui n'aurait jamais dû exister. En mots qui jaillissent, il raconte et dévoile peu à peu ce qui lui est arrivé, dans un contexte familial étrange. Son écriture tient de l'impression d'une plaque photographique. Quelles conditions terribles que la confrontation d'un enfant à cette "Photo au-dessus du lit"! Et quelle reconstitution minutieuse mais nécessaire que ce récit à la première personne. Les adultes se rendent-ils compte des folies dévastatrices dans lesquelles ils entraînent curieusement leurs petits? Livre libérateur, mettant enfin une distance entre un fait et un être, ce récit terrible peut aussi se lire comme une supplique à protéger les enfants.

Les vingt premières pages du livre sont à lire ici.



1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Ce n'est pas exactement un récit à la première personne. Le narrateur s'adresse à l'enfant qu'il fut à la 2e personne du singulier, et ce tout au long du livre, sauf à la dernière page où il peut enfin dire "je" et l'écrire. Un détail plein de sens...

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