Concertation. (c) Versant Sud Jeunesse. |
Le dernier album jeunesse en date de Marine Schneider, artiste belge prometteuse, le fascinant "Tu t'appelleras Lapin" (Versant Sud Jeunesse, 48 pages) apparaît dans la sélection des Pépites 2020 en catégorie livres illustrés (lire ici) au tout prochain Salon du livre de Montreuil (lire ici). Ce moyen format très réfléchi sur le fond et sur la forme mais pas du tout inaccessible, en tout cas pas aux jeunes lecteurs, s'intéresse à la manière d'un conte aux différentes manières d'aborder la peur et l'inconnu à travers ses divers personnages. Dans ce village peuplé de familles, un événement étrange s'est déroulé. Une nuit, un mystérieux lapin s'y est allongé.
L'animal est gigantesque. Immobile, muet, il modifie considérablement l'espace
de ce lieu campagnard, en bordure de forêt. C'est Belette, une petite fille de
sept ans qui vit seule dans sa maison, qui le découvre un matin, en allant
chercher comme tous les jours du petit bois (pour son feu) et des champignons
(pour sa soupe). Sa première frayeur passée, elle questionne l'intrus, mais
n'obtient pas de réponse. Alors, elle informe ses copains de sa trouvaille.
Ils n'en reviennent pas et ne savent trop quoi faire. La musique du texte vient
se poser sur des illustrations de toute beauté.
Après plusieurs splendides doubles pages montrant la forêt, Belette chez elle, Belette
dehors, Belette faisant sa découverte, Belette discutant avec ses amis, une
carte topographique des lieux informe clairement le lecteur de l'étrange
phénomène. C'est que le lapin est vraiment grand! Il recouvre le terrain de
foot, une prairie et un champ.
Les choses se compliquent quand les parents arrivent, informés de l'événement.
Logiquement, ils emmènent vite leurs enfants avec eux dans leurs maisons.
Seule demeure Belette qui n'a personne pour la commander. La fillette reste
auprès du géant allongé: "Tu t'appelleras Lapin". Tandis que la petite
fille tente de protéger le nouvel arrivé du froid, les parents tiennent
réunion pour décider de la manière de faire disparaître ce géant qui leur fait
peur. Pas facile.
Impossible même. Lapin reste donc à sa place dans le village. Certains
l'évitent mais d'autres l'escaladent pour raccourcir leur chemin. Les enfants
en ont fait leur animal-montagne. Belette veille toujours sur le sommeil de
son protégé. Lapin, malgré toutes ses particularités, s'est fondu dans le
paysage. Cependant, un matin, un an après, il n'est plus là. Où est-il? Nul
ne le sait. Mais il n'en est sans doute pas besoin. Les enfants, Belette y
compris, continuent de vivre et de grandir.
Marine Schneider conte
une fable douce et mystérieuse,
"une histoire qu'elle portait depuis longtemps" dit-elle, une histoire
sur laquelle chacun pourra imaginer ce qui lui va le mieux. Car
l'auteure-illustratrice suggère plutôt qu'elle n'affirme. En même temps, elle
accompagne les peurs, sans jugement. Son récit étrange ouvre aussi une belle
part à l'humour et à la joie de vivre. Ses illustrations sont également autant
de suggestions, scènes de forêt comme scènes de village, plans larges et rapprochés. Elles se singularisent aussi par le fait que les personnages humains
n'apparaissent qu'en aplats roses sur lesquels sont dessinés quelques traits
d'expression. A chacun de les interpréter. Pas de morale dans
"Tu t'appelleras Lapin" mais la douce
juxtaposition de différentes attitudes devant l'inconnu et le dépassement de
la peur, son apprivoisement et finalement sa disparition. Dès 4 ans.
Pour feuilleter en ligne le début de
"Tu t'appelleras Lapin", c'est
ici.
Après son premier album chez le même éditeur,
"Hiro, hiver et marshmallows" (Versant
Sud Jeunesse, 40 pages, 2018, feuilletage en ligne le début
ici
Toute jeune, elle illustrait un album sur la mort. Et fort bien. Publiés
respectivement en 2015, 2016 et 2017 en Norvège, les trois très beaux albums
jeunesse "Je suis la Mort",
"Je suis la Vie" et
"Je suis le Clown" de l'auteure
norvégienne
Elisabeth Helland Larsen
et l'illustratrice belge
Marine Schneider
(traduits du norvégien par
Aude Pasquier,
Versant Sud Jeunesse, 48 pages chacun) nous sont parvenus en même temps en
2019 en traduction française. Une excellente idée car ils composent un
triptyque abordant de très belle façon, avec puissance, bienveillance et
poésie, des questions essentielles, la mort, la vie, l'autre. A partir de 5
ans.
Comment parler de la mort aux enfants? La question revient régulièrement. Peut-être est-il plus simple de ne pas la poser mais de proposer aux enfants des albums de qualité qui traitent du sujet? Kitty Crowther l'a superbement fait dans "La visite de Petite Mort" (l'école des loisirs/Pastel, 2004), Wolf Erlbruch dans "Le canard, la mort et la tulipe" (La joie de lire, 2007), Max Velthuijs dans "La découverte de Petit-Bond" (l'école des loisirs/Pastel, 1990), Jürg Schubiger et Rotraut Susanne Berner dans "Quand la mort est venue" (La joie de lire, 2012), Claude Ponti dans "L'arbre sans fin" (l'école des loisirs, 1992). Entre autres.
L'apaisante image finale. (c) Versant Sud Jeunesse. |
Pour feuilleter en ligne le début de "Je suis la Mort", c'est ici.
Pour feuilleter en ligne le début de "Je suis la Vie", c'est ici.
Pour feuilleter en ligne le début de "Je suis le Clown", c'est ici.
Marine Schneider a
aussi publié plusieurs autres albums chez d'autres éditeurs, mais ils ne
me sont pas parvenus.
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