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mercredi 11 mars 2020

E1P2FDL 3 Deux auteurs belges flamands, un sujet commun et sans concertation

Encore un peu de Foire du Livre de Bruxelles, E1P2FDL

Au hasard de mes pérégrinations, entre rendez-vous fixés et rencontres de hasard.

L'édition 2020, la cinquantième, la cinquième où l'entrée est gratuite, a été suspendue à l'avancée du coronavirus. Mais le Covid-19 n'a eu raison ni de la Foire, ni de l'enthousiasme des lecteurs. On a dénombré 60.000 visiteurs dans les allées de Tour & Taxis au cours des quatre jours (du jeudi 5 au dimanche 8 mars), 12.000 de moins que l'an dernier, mais l'on sait pourquoi.
Cap sur la Suisse l'an prochain, du 25 au 28 février 2021.

Stefan Hertmans et Tom Lanoye à la FLB 2020. (c) V.V.

Ils s'apprécient beaucoup mais ne doivent pas se croiser assez souvent à leur goût à voir l'énergie avec laquelle ils se sautent littéralement dans les bras quand ils se retrouvent samedi à la Foire du livre de Bruxelles, en présence de leur éditeur du Castor astral, Richard Bégault. Ils sont un peu en retard mais on leur pardonne volontiers. Stefan Hertmans venait de chez lui, à Dworp, aux environs de Bruxelles, Tom Lanoye d'Amsterdam où il avait participé à la grande fête des auteurs hollandais. Ils sont tous les deux romanciers, auteurs de nouvelles et de pièces de théâtre, poètes et essayistes. Le premier est né à Gand en 1951, le second à Saint-Nicolas en 1958.

Ils étaient là pour participer à une rencontre autour du passage en poche de leurs derniers livres respectifs, écrits à peu près au même moment, sans se concerter, mais traitant du même sujet, la perte d'un jeune homme radicalisé et terroriste. "Le deuil d'une mère est-il différent de celui d'une sœur?", interrogent-ils.

Deux monologues de femmes, une mère pleurant son fils dans "Gaz – Plaidoyer d'une mère damnée" de Tom Lanoye (traduit du néerlandais par Alain van Crugten, Le Castor astral, 2019, 1243e titre de la maison, 88 pages, initialement paru aux défuntes Editions de la Différence en 2016),

une sœur réclamant le corps de son frère dans "Antigone à Molenbeek" de Stefan Hertmans (traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif, Le Castor astral, 2019, 1242e titre de la maison, 88 pages).






Tom Lanoye.
C'est une femme bien habillée, d'âge moyen mais marchant avec difficulté qui prend la parole dans "Gaz - Plaidoyer d'une mère damnée". Elle est la mère du jeune homme qui a commis une tuerie de masse sur un quai de métro. Au gaz et par d'autres moyens. Une horreur. Elle se raconte sous la plume de Tom Lanoye, ne se pardonne rien, dit ce gamin né par césarienne qui a toujours été différent, ce gamin qui l'a fait atrocement souffrir, qui a commis l’innommable et dont elle est la mère, aimante malgré tout. Un partage vertigineux de sentiments et d'émotions qui fouille l'humain et le dit sans fausse honte ni masque. Un texte bouleversant.



Stefan Hertmans.
Dans "Antigone à Molenbeek", sorti en 2017, un an après les attentats meurtriers de Bruxelles, Stefan Hertmans réécrit au mode contemporain le mythe de cette jeune femme, fille d'Œdipe et de Jocaste, qui tenta jusqu'à la mort, et contre son oncle Créon, d'enterrer son frère Polynice. Ici, Nouria réclame en vain à la police, à l'agent de quartier Crénom précisément, la dépouille de son frère radicalisé, mort dans l'attentat à la bombe qu'il a perpétré. Un terroriste a-t-il le droit d'être inhumé, questionne l'auteur. La mort d'un kamikaze peut-elle être humaine en même temps que politique? Le parcours de Nouria face à l'administration, son idée folle d'entrer en cachette dans l'institut médico-légal avec les découvertes que cela suppose, nous font réfléchir au fait que les attentats-suicides ne font pas que des victimes innocentes mais d'autres dans leurs propres familles, écartelées entre le besoin d'ensevelir un mort et l'horreur d'avoir un meurtrier parmi les siens. L'écriture extrêmement dépouillée de Stefan Hertmans, renforcée par les sauts de ligne constants, nous oblige à regarder ce qu'on ne veut pas voir.


Rappel

E1P2FDL 1 Prix 1ère, premier prix pour "Sœur" (ici)
E1P2FDL 2 Prendre un thé avec Gaya (ici)



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