Temps de lire, de relire, de découvrir, de se souvenir, de faire fondre sa PAL,
pour les petits et pour les grands #confinothèque1
Il est curieux de rédiger une chronique de livre en cette période confuse, alors que l'Europe sombre dans un chaos d'une nature inédite. Inédite pour la plupart de nos contemporains mais qui rappelle d'autres périodes de l'Histoire et certaines grandes œuvres romanesques. Non, je ne les (re)lirai pas, il me suffit de regarder autour de moi, dans la rue, le tout et son contraire sur les réseaux sociaux et de lire la presse pour prendre la mesure de la détresse et me rendre compte de ce dont nous sommes capables en de telles circonstances, tant en pire, mesuré qu'en flamboyance. "Humans as usual"… dont je suis.
En terminant les dernières pages du roman de Pierre Lemaitre, "Miroir de nos peines" (Albin Michel, 537 pages), j'ai éprouvé cette sensation étrange de ne pas être tout à fait sortie du récit. Je n'ai vécu ni la guerre, ni la grippe espagnole, encore moins la peste, mais le chamboulement dans lequel nous avons basculé depuis plusieurs jours me rapproche sans doute plus près des personnages de ce livre, mis à l'épreuve de circonstances si pareillement déstabilisantes. À la différence que je ne me trouve pas au centre le plus dramatique de la tragédie.
1940, la France est en proie à un bouleversement qui plonge ses habitants dans une pétaudière où l'humanité déploie le nuancier de tout ce qu'elle peut être. Des couleurs sombres de la lâcheté, des spéculateurs profitards et autres insensibles à celles, plus chatoyantes - sublimes - des héros qui surgissent du plus infâme des fumiers, Pierre Lemaitre peuple à nouveau son récit de personnages puissants et attachants. Tout ce petit monde nous emporte dès les premières pages et nous tient en éveil tout au long de la progression de chapitres gorgés d’une imagination foisonnante, de drôlerie abracadabrante, de basse mesquinerie et de rebondissements en tous genres. Page après page, la complexité des personnages se déploie, mettant à jour les liens qui les réunissent à mesure qu'ils se rapprochent les uns des autres, à la manière de voyageurs progressant sans le savoir vers un point de rencontre ultime.
Dans l'univers de Pierre Lemaitre, ça palpite, ça rebondit, ça tourbillonne, ça explose en une sarabande de serpentins et de sarbacanes soufflant des paillettes multicolores. Et ça fait du bien. Du début jusqu'à la fin, on se sent embarqué sur un immense manège de taille réelle, on plonge dans les époques et les situations avec un sensationnel goût du tangible piqué d'une dose de féerie dont le romancier français a le secret. Un savant assemblage où se mêlent faits historiques un rien revisités et fiction, tout en effleurant subtilement le fantastique. Cette lecture a été légère, infiniment chaleureuse et a le goût des grands théâtres de boulevard où l'on s’amuse et s'enivre de ce que nous sommes.
"Miroir de nos peines", troisième volet de la série qui peut très bien se lire indépendamment des autres, "Au revoir là-haut" (Albin Michel, 2013; Le Livre de poche, 2015), prix Goncourt 2013, et "Couleurs de l'incendie" (Albin Michel, 2018; Le Livre de poche, 2019), achève avec brio sa splendide trilogie "Les enfants du désastre".
Pour lire le début de "Miroir de nos peines", c'est ici.
pour les petits et pour les grands #confinothèque1
Par Sarah Trillet, invitée de LU cie & co
Pierre Lemaitre. (c) Sarah Trillet. |
Il est curieux de rédiger une chronique de livre en cette période confuse, alors que l'Europe sombre dans un chaos d'une nature inédite. Inédite pour la plupart de nos contemporains mais qui rappelle d'autres périodes de l'Histoire et certaines grandes œuvres romanesques. Non, je ne les (re)lirai pas, il me suffit de regarder autour de moi, dans la rue, le tout et son contraire sur les réseaux sociaux et de lire la presse pour prendre la mesure de la détresse et me rendre compte de ce dont nous sommes capables en de telles circonstances, tant en pire, mesuré qu'en flamboyance. "Humans as usual"… dont je suis.
En terminant les dernières pages du roman de Pierre Lemaitre, "Miroir de nos peines" (Albin Michel, 537 pages), j'ai éprouvé cette sensation étrange de ne pas être tout à fait sortie du récit. Je n'ai vécu ni la guerre, ni la grippe espagnole, encore moins la peste, mais le chamboulement dans lequel nous avons basculé depuis plusieurs jours me rapproche sans doute plus près des personnages de ce livre, mis à l'épreuve de circonstances si pareillement déstabilisantes. À la différence que je ne me trouve pas au centre le plus dramatique de la tragédie.
1940, la France est en proie à un bouleversement qui plonge ses habitants dans une pétaudière où l'humanité déploie le nuancier de tout ce qu'elle peut être. Des couleurs sombres de la lâcheté, des spéculateurs profitards et autres insensibles à celles, plus chatoyantes - sublimes - des héros qui surgissent du plus infâme des fumiers, Pierre Lemaitre peuple à nouveau son récit de personnages puissants et attachants. Tout ce petit monde nous emporte dès les premières pages et nous tient en éveil tout au long de la progression de chapitres gorgés d’une imagination foisonnante, de drôlerie abracadabrante, de basse mesquinerie et de rebondissements en tous genres. Page après page, la complexité des personnages se déploie, mettant à jour les liens qui les réunissent à mesure qu'ils se rapprochent les uns des autres, à la manière de voyageurs progressant sans le savoir vers un point de rencontre ultime.
Dans l'univers de Pierre Lemaitre, ça palpite, ça rebondit, ça tourbillonne, ça explose en une sarabande de serpentins et de sarbacanes soufflant des paillettes multicolores. Et ça fait du bien. Du début jusqu'à la fin, on se sent embarqué sur un immense manège de taille réelle, on plonge dans les époques et les situations avec un sensationnel goût du tangible piqué d'une dose de féerie dont le romancier français a le secret. Un savant assemblage où se mêlent faits historiques un rien revisités et fiction, tout en effleurant subtilement le fantastique. Cette lecture a été légère, infiniment chaleureuse et a le goût des grands théâtres de boulevard où l'on s’amuse et s'enivre de ce que nous sommes.
"Miroir de nos peines", troisième volet de la série qui peut très bien se lire indépendamment des autres, "Au revoir là-haut" (Albin Michel, 2013; Le Livre de poche, 2015), prix Goncourt 2013, et "Couleurs de l'incendie" (Albin Michel, 2018; Le Livre de poche, 2019), achève avec brio sa splendide trilogie "Les enfants du désastre".
Pour lire le début de "Miroir de nos peines", c'est ici.
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