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lundi 25 mai 2020

Une nouvelle fable sociale d'Anna Rozen

Temps de lire, de relire, de découvrir, de se souvenir, de faire fondre sa PAL,
pour les petits et pour les grands #confinothèque41


Le poète Germain Nouveau (Pourrières1851- Pourrières 1920).


Observation fine de ses contemporains, plume pétillante et humour grinçant, telle est la romancière Anna Rozen qui publie l'excellent "Loin des querelles du monde" (Le Dilettante, 254 pages). Un roman savoureux, son septième chez cet éditeur, sur un écrivain parisien auteur de best-sellers qui décide tout d'un coup d'en finir avec ce genre et d'écrire SON grand roman. Non commercial évidemment. Voilà pour l'ossature. Car ce qui compte chez Anna Rozen, dans tous ses livres, c'est ce qu'il y a autour de cette structure. Et tant les ingrédients qu'elle choisit que leur arrangement sont savoureux. Ils réjouissent, font sourire et réfléchir.

Difficile de ne pas penser à tous ceux et celles qui se sont senti pousser des ailes d'écrivain durant le confinement en faisant connaissance de Germain Pourrières, écrivain bien établi, lui, qui va passer aux rayons Rozen. Pour mieux savourer encore ce nouveau livre, qui oscille constamment entre écriture du nouveau roman et quotidien des protagonistes, il n'est pas inutile de parcourir l'auto-présentation de l'auteure sur le site de son éditeur.

Anna Rozen 
Je suis née en 1960 – je ne sais pas tout, mais je crois que c'est assez important de dire son âge, parce que quand on lit, on aime bien avoir quelques repères et il faut bien reconnaître que comme point de repère, un âge, une génération, donc une culture, des références, ça se pose un peu là. Dans le même ordre d'idée – pour que les gens sachent un peu à qui ils ont affaire – dire que j'ai beau être née "ailleurs" (l'Algérie, en l'occurrence), je n'ai vécu (à part les deux premières années) qu'en France… Lorient, à peine, Toulouse, beaucoup, Paris, énormément.
Je crois qu'on se moque un peu des études que j'ai pu faire.
Il semble que j'en ai assez dit sur ma vie privée et que ce que je n'ai pas dit, je ne devais pas avoir envie de le dire. J'imagine qu'on s'intéresse éventuellement à la manière dont je subviens à mes besoins matériels, donc je précise que j'ai travaillé dans la publicité, et maintenant pour la télévision, comme rédactrice. Ce qui prouve à quel point je suis obstinée, ou maniaque: mon boulot, c'est écrire, mon plaisir c'est écrire, et avec ça je tiens un journal depuis l’âge de 15 ans…
Vaguement monomaniaque donc.
Et puis?
Ah si, les livres que j'aime, ceux que je relis chaque année – presque – quand ils me coulent des yeux jusqu'à la gorge et au ventre, je sens que je ne serai jamais perdue sur la terre:
La Deltheillerie, de Joseph Delteil
Mon amie Nane, de Paul Jean Toulet
Mitsou, de Colette (mais aussi Mes apprentissages, que je confonds avec Le pur et l'impur, L'envers du music hall, Sido et quasi tous les autres en fait! Mais Mitsou, c'est le petit bijou, la fleur à l'épaule, toute l'ivresse dans un minuscule flacon …)
Penses-tu réussir!, de Jean de TinanLes aventures du Roi Pausole de Pierre Louÿs
A l'étranger, Mary Frances Kennedy Fisher, Martin Amis et Philip Roth (ben oui c'est le seul contemporain et il est loin – il fut un temps où je ne lisais, exprès, que des auteurs morts, je me suis calmée, je veux dire ma jalousie l'est… j'en lis d'autres maintenant, mais ma liste c'est la crème de la crème. Qui j'aime d'ici et maintenant? Jaenada (tous les charmes), Dustan (généreux, encourageant), Ernaux (obstinée, chercheuse), Berroyer.
Evidemment, j'espère que je pourrai me remettre à jour de temps en temps, parce que, quelle merveille, je change.

On va donc découvrir Germain Pourrières, le parfait cliché de l'écrivain de Saint-Germain-des-Prés, adulé du public, surveillé comme du lait sur le feu par son agent compréhensif, en plein travail de création. Une satire de la société contemporaine, qui portera le titre de "Plus rien ne sera comme avant", car ses succès le lassent. Un texte inspiré et hanté par un tableau de Toulouse-Lautrec. Pourrières a plein de manies. Quand il coupe une baguette tradition, quand il utilise sa machine à café, quand il se nourrit de boîtes de thon et de sucrines... Pourrières a aussi ses contradictions. Il n'hésite ainsi jamais à se faire inviter à un dîner chic et plutôt bien servi. Bien servi en nourriture et boisson, mais aussi en femmes car l'écrivain en est amateur, on le verra très vite.

L'homme du monde est maniaque et infernal. Il n'hésite pas à malmener ses proches. Dont son neveu Joseph, végane envoyé chez lui par sa sœur cadette Bergère, réfugiée en pleine cambrousse entre élevage de chèvres et potier fougueux. Ce garçon bien de notre temps qui discute de tout, se fait remonter les bretelles par son oncle égocentré mais n'ose pas dire à sa mère qu'il part en Inde. Et quand il est accompagné de sa petite amie Julie, sculptrice et militante, Germain écume. Pour le reste, il écrit, drague dur, pas toujours avec succès. Il profite de ce qui passe. Oublie ce qui rate.

"Quel dur métier que celui d'auteur à succès."

On compatit en souriant en suivant Germain dans ses aventures avec les mots, avec les femmes, avec les humains. En parallèle, Anna Rozen nous glisse un portrait plein de verve mais bien tranchant de la société d'aujourd'hui et du monde de l'édition en particulier. Fable sociale et plaisant marivaudage, "Loin des querelles du monde" avance inexorablement vers les questions essentielles de la vie et de la mort. Le décès de son agent sert de révélateur à Germain qui s'autorise enfin à être lui-même. En est-il encore temps quand sa maison d'édition ne vise plus que le profit?



Pour lire en ligne le début de "Loin des querelles du monde", c'est ici.


Les autres romans d'Anna Rozen parus au Dilettante.








2 commentaires:

  1. merci pour le papier !!!
    est-ce que vous arrivez à lire ce qui est inscrit sur la plaque de granit gris ???
    à bientôt
    Anna R

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  2. Il est écrit:
    "Qui est mort dans la misère
    Lui, de la pléiade des rois.
    Le plus grand poète varois
    Germain Nouveau de Pourrières."

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