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vendredi 12 décembre 2014

Treize albums lumineux pour la Sainte-Lucie

La Sainte-Lucie, fête de la lumière, c'est le 13 décembre.
Drôles, imaginatifs, débordant de vie, une sélection de treize albums pour enfants.
Leurs héros animaux mettent de la lumière dans la lecture et dans la littérature.

"Le chevalier de Ventre-à-Terre"
Gilles Bachelet
Seuil Jeunesse, 36 pages

On pourrait facilement décider de n'aller sur Facebook que pour y découvrir les activités picturales variées de Gilles Bachelet. Quand il ne fait pas des batailles de dessins avec Benjamin Chaud, qui ont donné lieu par la suite à de vrais tournois dessinés dans des salons et des festivals (lire ici), l'auteur de "Madame le lapin blanc" (Seuil Jeunesse, 2012, lire ici) nous réjouit avec ses 1001 élucubrations diverses et variées. Je me demande même si les escargots à l'honneur dans son nouvel album ne sont pas apparus au détour de l'une ou l'autre blague sur FB. Finis les lapins, les chats et les éléphants? C'est à voir. En tout cas, on ne verra ici que des escargots même si on peut aussi les appeler coq à l'occasion.

Quelques messages...
L'album s'ouvre sur le jour J: le chevalier de Ventre-à-Terre (!) doit partir en guerre contre le chevalier de Corne Molle qui a envahi ses fraisiers, leurs armées à l'appui. Les images montrent ses préparatifs: se tirer du lit conjugal pour prendre un petit-déjeuner, faire de la gymnastique, plonger dans un bon bain, sauter dans son armure, enfiler son heaume. Pas question de sortir sans avoir répondu à ses messages au look facebookien, ni dit au revoir à ses enfants, ni embrassé voluptueusement son épouse.

Cette fois-ci, c'est sûr, il est en route. Mais quand même, il est obligé de s'arrêter pour diverses bonnes raisons. Quand il repart enfin, son ennemi est en vue. Apparemment, on n'attendait plus que lui... Mais mais mais, quelle heure est-il? Celle de déjeuner! On déploie des nappes pour se partager les victuailles. Et puis? Ben oui. Et alors? Ben non.

Le combat pourrait commencer mais... (c) Seuil Jeunesse.

"Le chevalier de Ventre-à-terre" procure une bonne dose de rigolade bien baveuse. Comme tous les albums de Gilles Bachelet, il peut se prendre au premier degré. Il fourmille de détails plus comiques les uns que les autres, tous dans la logique des escargots, et on y croise quelques contes célèbres. On peut aussi le déguster au second degré, et savourer l'image qu'il nous renvoie de notre société - même Hello Kitty - en nous invitant à nous interroger. Questions que résume admirablement la moralité en finale. Voilà du grand Gilles Bachelet, fantasque à souhait, et un épatant album au service de la paix.


"Yok-Yok Le hibou blanc"
Etienne Delessert
Gallimard Jeunesse/Giboulées, 32 pages

Un grand format champêtre où on retrouve Yok-Yok avec son grand chapeau rouge-orange et ses amies Noire la Souris et Josée la Chenille. Leur promenade de fin de journée est troublée par l'arrivée d'un très grand oiseau blanc inconnu.
Ni cygne, ni fantôme, s'agirait-il d'un fantôme?

Première rencontre. (c) Gallimard Jeunesse.
C'est un tout cas un chasseur qui s'empare immédiatement de Noire. Heureusement, Yok-Yok a un signe magique pour libérer son amie. L'occasion de procéder enfin aux présentations.
"Je suis le Hibou Blanc. Pardonnez-moi, je suis un peu perdu." Le voyageur raconte le Grand Nord d'où il vient, comment il y vit, comment il s'y nourrit, combien il y fait clair ou sombre et combien sont belles les aurores boréales.

Cette conversation donne lieu à de magnifiques paysages nordiques, sur doubles pages. Elle nous apprend aussi que le Hibou Blanc a quitté son pays parce qu'il y avait faim. Une façon discrète et allégorique d'évoquer les drames humains qui font régulièrement la une de l'actualité. Etienne Delessert donne à ses héros comme aux jeunes lecteurs l'occasion de découvrir le monde où ils vivent mais il les rassure par la douceur de ses propos et de ses images.


"Le chat rouge"
Grégoire Solotareff
L'école des loisirs, 40 pages

Impossible en lisant ce titre de "Chat rouge" de ne pas penser à "Chien bleu", immense album de Nadja, une des sœurs de Grégoire Solotareff, publié il y a tout juste vingt-cinq ans (et dont sort aujourd'hui une très discutable version à colorier, mais bon). Y aurait-il un lien entre les deux livres? Bien sûr que oui. Par exemple, le fait que les deux histoires se déroulent dans une forêt, ou celui qu'elles relatent toutes les deux une rencontre d'amour dans un moment de danger.

Les couleurs de Solotareff. (c) L'école des loisirs.
"Le chat rouge", c'est Valentin. Différent des autres puisque rouge, il se défend. Il griffe. Il est craint mais souffre de la solitude qu'il s'impose en se réfugiant dans la forêt. Sa vie change le jour où il rencontre Blanche-Neige, une chatte immaculée.
Ils jouent ensemble, s'enfoncent de plus en plus loin dans la forêt. Là, précisément où rôde un vieux loup. Evidemment...
Valentin va sauver la vie de Blanche-Neige mais les deux chats ne sont pas encore au bout des difficultés: une sorcière a quelques idées pour les occuper.

De superbes effets de couleurs de fonds oscillant entre les roses, les jaunes, les bleus, les mauves et les gris et les silhouettes des personnages croquées en quelques traits rapides et expressifs confèrent successivement chaleur et froideur à cet album plein d'espoir, de vie et de confiance. Où les chats restent des chats: ils n'obéissent jamais à personne. Quelques pages de l'album sont à feuilleter ici.


"Un éléphant légèrement encombrant"
David Walliams et Tony Ross
traduit de l'anglais
par Valérie Le Plouhinec
Albin Michel Jeunesse, 32 pages

Voici le premier album jeunesse de David Walliams, l'auteur de l'excellente série de romans illustrés "Witty" (Albin Michel Jeunesse) dont Tony Ross a illustré certains titres. Elle est trop drôle, cette histoire d'éléphant qui débarque un jour chez Sam. Un éléphant gigantesque et bleu! Le jeune narrateur avait complètement oublié le papier qu'il avait signé au zoo: "Adopte un éléphant." L'encombrant visiteur commence par se plaindre de son voyage (il est venu d'Afrique) puis s'installe carrément dans la maison.

C'est un enchaînement de catastrophes extrêmement drôles qui nous est alors présenté. Le bain, le repas, la télé, la sortie... rien ne se passe normalement. Mais que c'est drôle! Comment Sam va-t-il se débarrasser de cet invité au caractère impossible et dont le toupet n'a pas de limite? Les scènes se suivent, ahurissantes jusqu'à la finale qui dépasse toutes les autres. Les mimiques des uns et des autres sont diantrement éloquentes. On s'amuse vraiment beaucoup dans cet album farfelu.


"La farce de l'éléphant"
Takabatake Jun
traduit du japonais par Yukari Maeda
et Patrick Honnoré
Picquier Jeunesse, 40 pages

Caché derrière un buisson, un éléphant farceur observe qui va tomber dans le piège qu'il a creusé. Mais les déceptions se succèdent: les fourmis sont trop légères, le lapin saute au-dessus du trou, le chien se contente d'y faire pipi... Quant aux canards, ils sont mis en fuite par des impétrants, destructeurs involontaires de ce piège pour rire. L'éléphant est déconfit. Il l'est d'autant plus que la pluie remplit le creux qu'il vient de refaire. Au retour du soleil, après l'averse, c'est une finale pleine de joies simples qui attend tout ce petit monde. Ah!, barboter tous ensemble dans la boue, quel bonheur!


"La fête de Billy"
Catharina Valckx
L'école des loisirs, 40 pages

Chic! Une quatrième histoire avec Billy, le hamster du Far West (après "Haut les pattes!", "Le bison" et "Cheval fou", même éditeur). C'est son anniversaire. Son père s'occupe de la logistique de la fête, noisettes, etc. Billy va inviter ses amis au bal costumé, souvenir d'enfance de l'auteure.

Il file chez son ami Jean-Claude, le ver de terre, lequel est doté d'un tout nouveau petit frère, Didier. A trois, ils vont chez Josette, la souris, chez le bison, chez... Tout s'arrête, Didier a disparu! Oui, c'est bien Jack le vautour qui a enlevé le petit ver tout rose. Va-t-il gâcher la fête de Billy qui découvre que le sale oiseau est né le même jour que lui? Le hamster tente le tout pour le tout.

L'album reprend avec de nouvelles scènes touchantes ou drôles jusqu'à l'arrivée des invités déguisés. Que de trouvailles dans ces costumes, proches des souhaits d'enfants: un buisson, une rivière, un chat, une fée, une crotte, un fantôme... Comme elle est fine, Catharina Valckx qui agence tout ce petit monde en une histoire pleine de péripéties, montrant le désir de tous de s'amuser, même le revêche vautour. Ses dessins sont une nouvelle fois formidables d'expressivité, comme son histoire qui oscille entre humour et tendresse.

Ici, un petit dessin dessiné inspiré de cette remarquable "Fête de Billy".




"Animanège"
Arno et Renaud Perrin
Rouergue, 40 pages

Un album en jaune et bleu, aux tampons, imaginatif et dépouillé, où différents animaux passent, laissent des éléments d'eux, deviennent d'autres animaux. Chacun se déguise et c'est un régal de suivre cette parade animale.

Deux pigeons laissent  leurs ailes quand ils se posent sur le sol. Des ailes qui se joignent à la tache d'une vache qui se détache. Voilà des hérissons à moins que ce ne soient des buissons qui se séparent de quadrupèdes. Les cerfs plantent leurs bois qui se mettent à pousser, les escargots deviennent limaces sans leurs dos, les chameaux offrent leurs bosses... La parade se poursuit au fil de toutes ces métamorphoses jusqu'à la moitié du livre où chacun des animaux repasse en sens inverse et se déguise à nouveau avec les effets mis à leur disposition jusqu'aux pigeons du début qui ne trouvent plus aucun accessoire.

En boucle, un carnaval des animaux totalement revu, inventif en diable et extrêmement construit.


"Journal d'un chat assassin"
Véronique Deiss d'après Anne Fine
d'après la version française de Véronique Haïtse
Rue de Sèvres, 48 pages

Le "chat assassin" d'Anne Fine nous est arrivé en traduction française en 1997. Il était déjà illustré par Véronique Deiss. C'est elle qui signe la version BD de cet excellent roman pour lecteurs débutants.  Combien de lecteurs n'ont-ils pas été séduits par les démêlés de Tuffy, un chat qui ne fait que son boulot de chat, selon lui, et de ses maîtres qui n'apprécient guère qu'il rapporte oisillons et souris sans vie au pied de l'escalier. Quand ils découvrent le lapin des voisins au même endroit et dans le même état, les affaires se corsent. Les dessins vifs de l'illustratrice renforcent encore les propos piquants de la romancière.L'impeccable journal intime d'un serial killer pour rire atterrit fort bien dans ces cases dynamiques.


"Charles apprenti dragon"
Alex Cousseau
Philippe-Henri Turin
Seuil Jeunesse, 104 pages

Cet album grand format réunit deux aventures déjà parues, "Charles à l'école des dragons" (Seuil Jeunesse, 2010) et "Charles prisonnier du cyclope" (Seuil Jeunesse, 2012) que complète une troisième partie inédite, "Mémoires d'un jeune dragon".

On retrouve avec plaisir le dragon aux si gros pieds et si grandes ailes, qui s'appelle Charles en hommage à Baudelaire et écrit des poèmes tristes pour rire. Un dragon différent qui crache des mots plutôt que du feu... On le découvre en détails dans des illustrations débordant de couleurs et de détails. La troisième partie, nouvelle, présente des lettres, des croquis, des éléments de biographie, bien sûr des poèmes et différents projets d'avenir. Puzzle un rien inquiétant que ce Charles et sa poésie, mais tempéré par le rappel de choses importantes dans la vie, saucisson sec, purée de fraises, frites, ketchup, pizza quatre saisons... Sacré Charles!


"1 poisson 3 voleurs 1 dragon"
René Guichoux
Janik Coat
Nathan, 32 pages

Un titre énigmatique pour une très sympathique histoire de petit poisson rusé qui parvient à triompher de trois voleurs qui ne cessent de se disputer et d'un dragon plus impressionnant que malin. Un album bien rythmé à l'écriture musicale qui enchaîne des épisodes pleins de suspense, soutenus par des illustrations stylisées et hautes en couleurs.


"Gérard le bousier"
Andrée Prigent et Fred Paronuzzi
Kaléidoscope, 40 pages

Rentrant chez lui, Gérard découvre un œuf abandonné. Il sait qu'un œuf DOIT être couvé. Notre bousier se met en route pour retrouver ses parents. Ce qui donne lieu à de belles rencontres d'animaux pondant tous des œufs, oiseaux, grenouilles, serpents,.. qui font chacun des remarques par rapport à celui que transporte Gérard. Et pour cause! Le bousier consciencieux ignore qu'il va au-devant d'une sacrée claque.


"Tu ne dors pas, Petit Ours?"
Martin Waddell et Barbara Firth
traduit de l'anglais par Claude Lager
L'école des loisirs, Pastel
34 pages animées

Depuis sa traduction française en 1988, on ne se lasse pas de cette histoire d'ourson qui a peur du noir et ne parvient pas à s'endormir.
Un album doux, tendre, drôle et vrai, que voici maintenant en mini format animé, à lire pelotonné sous une couverture, pour retrouver la  douce complicité entre Grand Ours et Petit Ours, les trois lanternes de plus en plus grandes dans la grotte, et, à l'extérieur, la Lune si lumineuse que toutes les peurs s'évanouissent.


"On verra demain"
Michaël Escoffier et Kris Di Giacomo
Kaléidoscope, 32 pages

Pour terminer, un très amusant album sur la procrastination, cet art élégant de remettre à plus tard ce qu'on pourrait faire en ce moment même. Je parle pour moi? Peut-être. Mais pas dans ce cas-ci. J'y suis arrivée à mes treize albums pour la Sainte-Lucie. Mais bon, ça peut toujours servir.

Voyons ce qui arrive à Paco, paresseux de son état et procrastinateur comme pas deux. Installé à siester dans son arbre, il résiste à toutes les invitations à bouger de ses amis de la forêt. Et refuse de voir les castors qui sont en train de couper tous les arbres autour de lui. Tous les arbres? Oui, même celui de Paco. Le paresseux se ressaisit alors dans un grand moment d'éloquence qui va, évidemment, lui permettre d'avoir gain de cause. Finement observé et très joliment dessiné.







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