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vendredi 15 novembre 2013

L7E tabli un petit semainier de romans courts

On n'a pas toujours le temps, pas toujours l'envie, de lire des romans longs. Pareil pour les moins de douze ans. A leur intention, une sélection de sept romans courts, un semainier en quelque sorte.
Des livres drôles, tendres, ou un peu tristes, mais toujours ancrés dans la vie. Ils sont présentés selon l'ordre alphabétique de l'initiale du prénom de leurs auteurs.


"Mes zombis"
Béatrice Fontanel
Oskar éditeur, Court Métrage, 47 pages.

Auteure multirécidiviste en littérature de jeunesse (romans et documentaires), en art de vivre, en littérature générale (un très beau roman, "L'homme barbelé", Grasset, 2009), Béatrice Fontanel met en scène un petit garçon qui hérite d'une télé dans sa chambre après le départ du foyer familial de son père. Sa maman croyait bien faire! Elle était également persuadée qu'il saurait gérer son temps devant l'écran...
Que regarder, que ne pas regarder? Mère et fils ne partagent pas les mêmes goûts. Ni les mêmes idées sur l'heure d'éteindre la fameuse télé. Plusieurs fois, le roman s'écarte gentiment de son propos initial. Il donne une leçon sur les bâillements, revient aux films d'horreur et de zombis, repart sur les jeux vidéo et retombe dans la réalité à cause d'un bête mensonge pour lequel le narrateur se fait pincer. Et c'est toute la vie du duo mère-fils qui défile, et surtout ce qui y coince. Les deux vont se réconcilier évidemment mais verront leurs vies encore modifiées lors d'une énorme panne d'électricité dans tout le quartier. Un petit texte sympa, vif, écrit à la première personne, plein de sympathiques surprises.


"Le  livre qui te rend super méga heureux"
Françoize Boucher
Nathan, 112 pages.

En pages, c'est le plus long des sept livres choisis, mais il est plein d'images; "les textes (intelligents) et les illustrations (un peu ratées) sont de moi", précise l'auteur qui n'en est pas à son coup d'essai. Elle a déjà commis précédemment, selon cette formule, "Le livre qui fait aimer les livres" et "Le livre qui explique tout sur les parents" (même éditeur). Cette fois, elle se présente comme le "nouveau coach en bonheur" du lecteur. Pour commencer, elle compose un schéma comparatif des ventes de son livre "merveilleux" (!), du "Petit Prince" et des 7 tomes de "Happy (!) Potter": sans surprise, elle est largement en tête.
Mais, au fond, tout le monde peut-il être heureux? Réponses par le texte et l'image. Sur le thème délicat du bonheur, Françoize Boucher a concocté un opus drôle, original et percutant. Efficace aussi car elle repère (et encourage) les attitudes qui font qu'un enfant a une vie joyeuse, riche et amusante. Pour cela, elle se sert bien sûr de comparaisons éloquentes. Adepte d'une méthode Coué à prendre au second degré, elle invite à reconnaître le bonheur où il est, à inventorier ses ingrédients, à les booster pour être encore plus heureux, à surtout, utiliser positivement son énergie. L'air de rien, elle a fait un petit ouvrage de philosophie du bonheur.


"Le plus joli des rêves"
Nathalie Brisac
L'école des loisirs, Mouche, 53 pages.

Face à face, Mougueule, le plus puissant des hommes d'un royaume, et le grand Gaston, chargé par le premier de lui apporter vite fait non pas un rêve, mais LE rêve qui n'a encore été rêvé par personne. A leurs côtés, Rosalie, qui viendra en aide au grand dadais par son état d'enfant. Car si le grand Gaston repère assez vite le fameux rêve, libre comme l'air, ce dernier impose une épreuve en trois étapes pour perdre sa liberté. "Je suis le plus joli des rêves et je ne m'offrirai qu'au plus merveilleux des humains." Les trois devinettes seront posées à Mougueule, sans succès. Grand Gaston, aidé par Rosalie, s'en sort beaucoup mieux. Il saisit même cette occasion pour réfléchir à ses choix de vie. Subtilement illustrée par Rascal, cette jolie et tendre histoire s'inspire des contes et fait un clin d’œil au délicieux album qu'est "Le petit de la poule" (Margaret A. Hartelius, Père Castor), épuisé depuis trop longtemps. Elle rappelle que les rêves sont indispensables à la vie et que les enfants en détiennent les clés.


"La célèbre Marilyn"
Olivier de Solminihac 
L'école des loisirs, Neuf, 71 pages.

Auteur pour enfants, auteur pour adultes, Olivier de Solminihac est aussi le pisteur  de nombreux "ready-made poems" sur Facebook, qu'il numérote inlassablement (687 pour le moment, fréquence un peu en baisse). Dans ce nouveau roman, il raconte les relations compliquées entre le jeune narrateur et Marilyn, sa voisine de rue et sa voisine de classe. Lui est plutôt tourné vers le positif, appréciant le congé inattendu d'une grippe, retrouvant ensuite ses copains avec plaisir. Elle, plutôt d'un genre compliqué, se montre d'habitude bavarde , taiseuse le lendemain.
Que remâche-t-elle dans sa petite tête? Que voudrait-elle sans l'exprimer? Broie-t-elle vraiment du noir? "Je n'ai pas d'autre ami que toi. Si tu n'es pas là, je ne compte pour personne." Pauvre petite Marilyn. Heureusement que son voisin, "à l'école et dans la vraie vie", est là pour la soutenir, l'épauler, la consoler. Même s'il mène aussi sa vie à lui, entre copains, famille, livres et rendez-vous hebdomadaires avec son père après l'entraînement de basket de ce dernier. Ils se racontent alors, tard, des petits bouts de vie. Même que la phrase de l'un peut interférer dans la vie de l'autre sans qu'il le sache... "Ah, la célèbre Marilyn!",  la phrase paternelle d'un soir peut se concrétiser le lendemain lorsque l'intéressée déclare à son unique ami: "Je veux devenir célèbre." Une déclaration qui va faire pas mal de chemin chez les uns et chez les autres. Olivier de Solminihac s'amuse à raconter cette nouvelle célébrité dans tous ses détails, autographes compris, avec ses avantages et ses conséquences. Pas de morale mais une attention aux choses et aux êtres qui invite  à réfléchir tout en incitant aux expériences. Un roman plein de rires et de finesse.


"Small"
Pef
Rue du monde, 95 pages (illustrées).

Pef, ce sont bien sûr les Motordus (mots tordus) et plein d'autres albums pour rire. Avec "Small", délicat album au dos toilé, où texte et images se posent sur des fond blancs, il change de registre. Tout en continuant à jouer avec les mots. Avec deux mots en réalité, "petit" et "grand". Il nous fait prendre conscience de leur fréquence et de leur pouvoir à travers l'histoire douce-amère d'un héros prénommé Small qu'on va suivre de la naissance à la mort. Un petit bonhomme avec des rêves mais guère d'ambition, un gentil qui se fait avoir souvent mais mène en finale une vie simple qui le comble. Après plusieurs déceptions amoureuses, quand son jeune neveu aura grandi, il rencontrera l'amitié d'un chien, compagnon fidèle comme on le sait. Un petit traité de vie, qui se joue de nombreuses expressions de la langue française. Un tout petit format, mais un grand album, aussi humain que serein.


"Une girafe un peu toquée"
Séverine Vidal 
Motus, Mouchoir de poche, 32 pages.

On sait bien que les enfants s'inventent des codes magiques, garants de nombreuses prophéties: ne marcher que sur les dalles blanches du couloir, ne pas glisser du rebord étroit du trottoir, manger ses petits pois et ses carottes selon un ordre établi, répéter les derniers mots des phrases... Autant de rituels qui peuvent donner une amoureuse, le beau temps, un frère quasi éternel... Mais trop de manies enferment et étouffent. Quelques phrases et à peine plus d'images en fils de fer, font un sort à ces gages et ces paris épuisants. Jusqu'à la finale, pleine de nouveaux possibles.


"Sept jours à l'envers"
Thomas Gornet
Rouergue, doado, 72 pages.

Du dimanche au dimanche précédent de ce mois de décembre, un narrateur en âge de collège, égrène ce qui s'est passé dans sa famille et qui est cette famille. Ce deuil qui ne dit qu'à la fin l'identité du mort mais bouleverse atrocement tous ceux qui restent, même si tous ne le montrent pas. "On n'oublie pas. On fait avec." Chaque chapitre remonte d'un jour dans le temps et se termine par une réponse différente à une mystérieuse devinette. Cette construction à reculons crée une atmosphère un peu oppressante mais non morbide, touchante plutôt car on perçoit immédiatement les flots d'amour de et pour l'absent.
Le livre est comme une photo Polaroïd qui se révélerait peu à peu sous nos yeux,  quand il donne à chaque page davantage de détails sur ce fils unique et sa famille. Des indices sont fournis au lecteur pour composer son puzzle. L'écriture de Thomas Gornet est sobre, soignée, agréablement travaillée. L'auteur a de nombreuses trouvailles, le choix de la  marche arrière pour son récit, les dialogues anciens qui entrecoupent le temps présent, des formules comme le "sourire horizontal". Un roman apaisant sur le deuil et la perte.


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