Atticus Lish. |
Créé l'an dernier à l’initiative du libraire et éditeur Francis Geffard, fondateur du Festival America et de la librairie Millepages (lire ici), avec comme objectif de "couronner un roman américain, paru depuis le 1er janvier, qui se distingue par ses qualités littéraires de premier plan", le Grand prix de littérature américaine devait être dévoilé le vendredi 4 novembre et ensuite remis à son lauréat fin novembre à Paris. Est-ce l'effet Brive? Ce n'est que dimanche matin que "Livres-Hebdo" a annoncé que la nouvelle récompense allait à l'Américain Atticus Lish pour son superbe premier roman "Parmi les loups et les bandits" ("Preparation for the Next Life", lauréat du prix Pen/Faulkner 2015, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, Buchet-Chastel, 560 pages).
Un auteur dont le sourire et les paroles ne sont pas passés inaperçus lors du dernier Festival America à Vincennes en septembre, manifestation littéraire qu'il a arpentée de long en large, signant, rencontrant, dialoguant, toujours en compagnie de son épouse Beth, d'origine coréenne.
Le jury a déclaré: "Ce premier roman ambitieux se distingue non seulement par sa puissance narrative mais aussi par la force de ses deux personnages principaux […] qui vivent une histoire d’amour déchirante dans le New York des exclus du rêve américain. Mais ce livre résonne aussi particulièrement, au-delà de ce portrait sans concession d'une Amérique en crise, de toutes les grandes problématiques de l'époque qui est la nôtre. C'est ce qui en fait une lecture inoubliable, servie par la traduction impeccable de Céline Leroy". Il est composé de trois critiques - Orianne Jeancourt ("Transfuge"), Philippe Chevilley ("Les Echos") et Bruno Corti ("Le Figaro littéraire"), trois éditeurs - Emmanuelle Heurtebize (Delcourt Littérature), Olivier Cohen (L'Olivier) et Francis Geffard (Albin Michel) et trois libraires - Sylvie Loriquer (L'attrape-cœur), Jean-Christophe Millois (Librairie de Paris) et Pascal Thuot (Millepages).
"Parmi les loups et les bandits" est une tragédie contemporaine, puissante, lyrique. Le roman met en scène l'improbable histoire d'amour entre deux marginaux dans un New York spectral, encore en proie aux secousses de l'après 11 septembre. Zou Lei, une clandestine chinoise d'origine Ouïghour errant de petits boulots en rafles des Homeland Security Services, rencontre Brad Skiner, un vétéran de la guerre en Irak meurtri par les vicissitudes des combats.
Ensemble, ils arpentent le Queens et cherchent un refuge, un havre, au sens propre comme figuré. L'amour fou les mènera au pire, mais avant, Atticus Lish nous décrit avec soin cette Amérique d'en bas, aliénée, sans cesse confinée même quand elle erre dans les rues. Il nous assène l'histoire de ces hommes et de ces femmes qui composent le corps organique de la grande ville: clandestins, main-d'œuvre sous-payée, chair à canon, achevant sous nos yeux les derniers vestiges du rêve américain.
Né en 1972 à Manhattan, Atticus Lish est le fils de Gordon Lish, l'éditeur mythique de Raymond Carver mais aussi de Rick Bass ou de Richard Ford. Petit garçon, il fréquentait fatalement des écrivains, dont Don DeLillo qui l'a fait apparaître dans un de ses livres. Etudiant, il a abandonné après deux ans ses études à Havard au profit de petits boulots peu glorieux, ouvrier, maçon, déménageur, télémarketeur... Il s'est ensuite engagé pour quatre ans dans les Marines mais a quitté l'armée après dix-huit mois de service. La trentaine arrivée, il est retourné à Harvard, ce qui lui a donné l'idée d'écrire lui-même, puis a passé un an à enseigner l'anglais en Chine. Il a profité de ce déplacement pour voyager au nord-ouest du pays, là où vivent les Ouïghours. En parallèle à l'écriture de ce premier roman qui lui a demandé cinq ans, Atticus Lish est devenu traducteur du mandarin, langue qu'il pratique depuis l'enfance. Autant d'éléments biographiques que l'on retrouve d'une manière ou d'une autre dans son livre.
"Parmi les loups et les bandits" d'Atticus Lish l'a finalement emporté sur "New York, esquisses nocturnes", le premier roman de Molly Prentiss (traduit par Nathalie Bru, Calmann-Lévy) et sur "Les petites consolations", d'Eddie Joyce (traduit par Madeleine Nasalik, Rivages).
A noter que les trois romanciers étaient présents au dernier Festival America, que leurs trois romans se déroulent à New York, ceux des deux hommes dans la ville de l'après 11 septembre, celui de la femme dans la sphère artistique de la ville, une vingtaine d'années auparavant.
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