Jean-Marc Ceci. (c) Gallimard. |
Lire encore et encore, aimer lire encore et encore. Parfois, tomber sur une pépite qui vous fait encore plus aimer les livres et la lecture. Se dire alors que, non, tout n'est pas écrit, vraiment pas. C'est ce qui m'est arrivé en découvrant le savoureux "Monsieur Origami", premier roman de l'Italo-Belge gaucher Jean-Marc Ceci (Gallimard, 160 pages). Une histoire entre le Japon et la Toscane à nulle autre pareille, présentée dans une écriture dépouillée, terriblement attachante.
"Washi". |
"Monsieur Origami" s'ouvre sur un haïku.
"Là
tout simplement
Sous la neige qui tombe"
KOBAYASHI ISSA
(1763-1827)
Le texte peut d'abord surprendre. Des phrases concises, presque blanches, énormément d'alinéas, de larges interlignes, parfois doublés. Des scènes plutôt courtes, souvent d'une demi-page mais qui peuvent s'étendre et aller sur deux feuillets. Une impression de calme, de tranquillité. Un rythme lent très séduisant.
On va découvrir peu à peu Maître Kurogiku, nom qui signifie en japonais chrysanthème noir, et la feuille de papier carrée devant lui. On va apprendre pourquoi il a quitté jeune le Japon à destination de la Toscane, pourquoi il s'est installé dans une maison en ruines, avec un seul kimono et trois plants de mûrier à papier. Un coup de cœur, fulgurant, pour une femme qu'il a entraperçue chez lui quand il avait vingt ans! La signorina "Tchao" qu'il espère que le destin remettra sur son chemin.
Tout cela, on va l'entrevoir grâce à Casparo, un jeune horloger qui arrive chez Kurogiku, devenu Monsieur Origami. S'il projette de fabriquer une montre complexe, il débarque surtout avec des questions et des attitudes qui vont bousculer le vieil homme et ses habitudes (la voisine Elsa, la chatte Ima, les séances de méditation) et le forcer à se confronter à son passé. La rencontre transformera à jamais le Japonais comme l'Italien. Passionnantes, riches, respectueuses, leurs longues conversations les mèneront même au Japon.
Extrêmement dialogué, "Monsieur Origami" est un enchantement permanent, qui oscille entre légèreté et philosophie, action et silence, vie quotidienne et espoirs infinis. L'écriture dépouillée et parfaitement documentaire en fait un livre unique qui emmène le lecteur au-delà des mots. Jusqu'à la fin qui lèvera les secrets de Maître Kurogiku et le ramènera au haïku initial. Ce roman d'une remarquable finesse est un de mes préférés de la rentrée 2016.
Mais comment Jean-Marc Ceci est-il publié chez Gallimard? Le mieux est de le lui demander. Il me répond: "Ne connaissant absolument personne dans le milieu de l'édition, ni de près ni de loin, je l'ai envoyé par la poste. Chez Gallimard, je l'ai adressé en particulier à Guy Goffette dont l'écriture me touchait particulièrement. Le manuscrit a suivi son chemin chez Gallimard et a été retenu. Et Guy Goffette est devenu mon éditeur." Encore un témoignage qui tord le cou à l'idée fausse, on a beau le répéter, que rien de ce qu'on envoie aux éditeurs par la poste n'est jamais publié!
Pour lire le début de "Monsieur Origami", c'est ici.
A noter que Jean-Marc Ceci est l'un des invités de la librairie Tropismes ce jeudi 17 novembre à 19 heures.
Comment plier une grue traditionnelle. |
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