L'inconvénient d'un événement bisannuel est qu'on le regrette l'année où il n'a pas lieu. L'avantage d'un événement bisannuel est qu'on se réjouit vraiment de pouvoir y participer l'année où il est organisé.
C'est précisément le cas du Passa Porta Festival, dont la sixième édition se tiendra du 24 au 26 mars à Bruxelles. Plus de cent auteurs feront le déplacement, et pas des moindres. Des stars comme Paul Auster (le vendredi soir en ouverture) et Annie Ernaux (en clôture le dimanche). Des valeurs sûres comme Lionel Shriver, Herman Koch, Maylis de Kerangal, Marcus Malte ou Sofi Oksanen. Des Belges des deux côtés de la frontière linguistique comme Nathalie Skowronek ou Dimitri Verhulst. De nouvelles voix littéraires à découvrir. Et tous ceux qui vous attendent sur le site dédié au Festival. Autant de belles surprises!
Plus de cent rencontres programmées en dix-neuf lieux rempliront le calendrier festivalier, rendant des milliers de lecteurs heureux.
Le rendez-vous incontournable des amoureux de la littérature se situe dans la continuité des précédents pour la qualité des événements programmés. Festival aussi bien international (17 nationalités) que plurilingue (français, néerlandais, anglais, espagnol, norvégien, finnois), bruxellois et lié à l'actualité. Il innove aussi. Principalement, en étendant le traditionnel parcours littéraire à deux jours, le samedi et le dimanche. Egalement en proposant douer duos inédits entre artistes pluridisciplinaires, "Duality" (samedi soir).
Comment organiser les rencontres autours des livres de la centaine d'auteurs invités? En choisissant des fils rouges reliant leurs ouvrages: dépassement des peurs et prise de risques, sortie des sentiers battus, dialogue, auteurs féminins, auteurs européens, poésie, lecture...
En attendant le 24 mars
Le "Prélude" avec Erika Fatland. (c) Passa Porta. |
Un "prélude" autour de la formidable auteure norvégienne Erika Fatland se décline en trois temps: hier à Bruxelles (lire en fin de note), ce soir à Anvers et demain soir (24 février) à Liège.
Le label #ppf2017reader a été créé pour repérer différentes activités encadrées par des auteurs belges qui se dérouleront dans plusieurs librairies indépendantes de tout le pays autour de six auteurs du festival, Lionel Shriver, Almudena Grandes, Sofi Oksanen, Negar Djavadi, Patrick Declerck, P.F. Thomése. Dix bibliothèques bruxelloises ont préparé des tables destinées aux livres des auteurs du festival. Ce hashtag permet de rassembler les initiatives en rapport avec le Festival à venir.
Sans oublier ce qui se réalise dans le cadre des Brussels Book Days (lire ici).
Le sixième Passa Porta Festival
Les soirées
Vendredi 24
Paul Auster (c) Lotte Hansen. |
Flagey, 20h15, interview par Annelies Beck, en anglais.
Samedi 25
Négar Djavadi (c) Matsas-Opale-Levi. |
Beursschouwburg, 20 heures, en français, néerlandais et anglais.
⌚ Et en rentrant, on passe à l'heure d'été (on avance sa montre d'une heure)!
Dimanche 26
Annie Ernaux. (c) C. Hélie-Gallimard. |
Bozar, 18 heures, en français.
Connie Palmen. () I. Olhbaum. |
Herman Koch. (c) M. Kohn. |
KVS, 18 heures, en néerlandais.
Le parcours
Je répète, cette année, le parcours se déroule sur les journées du samedi et du dimanche (avec passage à l'heure d'été entre les deux, soit avancer sa montre d'une heure).
A chacun de picorer selon ses envies, tout est clair sur le site (www.passafestival.be), organisé par lieux, catégories et auteurs. De se faire son parcours, en choisissant entre conférence, débat, lecture, installation, joute de traduction, club de lecture en présence ou non de l'auteur, dédicace, installation, poésie (dont la Rimbaudmobile), illustration, musique, promenade, visite guidée, petit déjeuner, sans oublier le programme Kids. Les infos pratiques et les réservations en ligne se font sur le même site.
Plus près de l'événement, je me ferai mon petit parcours, que je vous communiquerai.
📚 Dans l'intervalle
Avant tout cela, je me réjouis de lire "Soviétistan, un voyage en Asie centrale" d'Erika Fatland (traduit du norvégien par Alex Fouillet, Gaïa, 512 pages, février 2016). La rencontre de la romancière avec des hommes et des femmes du Turkménistan, du Kazakhstan, du Tadjikistan, du Kirghizistan et de l'Ouzbékistan.
Le début du livre peut se lire ici.
Et début avril, on aura la traduction française de son roman pour enfants, "La guerre des enfants" (Gaïa), qu'elle a mis six ans à écrire.
Erika Fatland. (c) Reineord. |
Erika Fatland a réjoui mercredi soir le public bruxellois lors du "Prélude" au Passa Festival 2017! Mince alors! A 33 ans à peine, la Norvégienne peut exhiber un passeport de vieux baroudeur. Anciennes républiques soviétiques, Corée du Nord, Chine, du lourd par rapport à son voyage post études universitaires au Guatemala. Partout, elle a voulu rencontrer les gens, communiquer avec eux. Et elle a fait de ces rencontres, consignées dans les pages d'un journal quotidien, des livres très travaillés. C'est que l'anthropologue de formation, se considère davantage comme un écrivain. Et quel écrivain que celle qui a suivi son rêve d'enfant!
Lu en norvégien, avec projection simultanée des traductions en français, néerlandais et anglais, son formidable discours d'ouverture du festival, "Les confessions d'une écrivain voyageuse", était un régal d'humour et de réflexions sur le monde, sa pratique d'auteur, ses rencontres... Un semblant de zig-zag autour du fil rouge des frontières visibles et invisibles pour mieux embrasser tous les sujets qui touchent ou fâchent. Faire sourire le public par une anecdote avec un garde-frontière tout en le conscientisant par une autre au monde d'hier, d'aujourd'hui et de demain.
Pour le moment, Erika Fatland écrit de la "non fiction" comme on dit en anglais, ce qui implique pour elle que tout ce qu'elle écrit doit être vrai. Seule concession, elle modifie les noms des intervenants pour les protéger des régimes autoritaires de leurs pays. Mais elle rêve d'écrire un roman.
Elle a publiés deux livres sur le terrorisme, non traduits, l'un sur l'attaque terroriste qui frappa une école de Beslan (Nord-Caucase) en 2004, où elle s'est rendue plusieurs fois plusieurs années après les faits afin d'interroger les témoins de cette tragédie. L'autre sur les attaques terroristes de 2011 en Norvège, dont la tuerie d'Utoya. Et ce "Soviétistan" qu'il me tarde de découvrir. Autant de sujets difficiles dont la qualification la fait sourire.
En attendant le texte complet de son discours d'ouverture, en voici le début (traduction française d'Alex Fouillet).
"L'organisatrice a eu l'amabilité de me faire parvenir une liste des auteurs qui m'ont précédée pour ce discours d'ouverture, et comme si ça ne suffisait pas, elle m'a aussi envoyé une copie de leurs allocutions. C'est donc en proie à des sentiments mêlés que je m'adresse à vous aujourd'hui. En premier lieu parce que je devine les silhouettes des géants qui ont eu cette responsabilité avant moi. Oui, l'année dernière, il s'agissait d'un lauréat du Prix Nobel, ai-je appris. En second lieu, parce que je ressens le poids des années. Mon mari, écrivain lui aussi, est nettement plus âgé que moi. Quand nous avons fait connaissance, il y a un peu plus de dix ans, il venait d'entrer dans l'âge où on commence à être sollicité pour des ouvertures - festivals musicaux, expositions artistiques, ce genre de choses. Rien n'indique plus certainement qu'on a intégré pour de bon les rangs des adultes, oui, qu'on approche imperceptiblement de ceux des gens entre deux âges, que la jeunesse est sans conteste une époque révolue, que d'être invitée à ouvrir - par exemple - un festival de littérature en Belgique!
Les gens ont des pieds, pas des racines. Cette affirmation figure sur la première page d'une introduction à l'anthropologie sociale. C'est l'un des éléments les plus importants de cette matière - et de l'histoire de l'humanité. Il y a environ 80.000 ans, des gens ont traversé la mer Rouge, depuis l'Afrique et jusqu'au Yémen actuel. Ils ont poursuivi vers l’Asie centrale et l’Himalaya, avant de peupler l'Europe il y a à peu près 40.000 ans. Pendant cette période, leur culture et leur langue se sont modifiées à de nombreuses reprises.
Depuis, nous avons poursuivi, élargi et amélioré nos irrépressibles déplacements.
Aujourd'hui, nous n'allons plus à pied, nous nous glissons dans un siège étroit pour nous laisser porter dans les airs, à dix mille mètres du sol, enfermés dans de minces tubes d'aluminium. En Europe du Nord, nous voyageons tant et si souvent que nos cartes bancaires attrapent des ampoules, et si l'on fait abstraction du bilan carbone, qui peut nous le reprocher? Ce n'est pas un hasard si 90 % des touristes qui viennent à Oslo le font en été. (...)"
Le texte complet peut être lu ici.
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