Samuel Benchetrit. (c) JF Paga. |
Avec "Reviens" (Grasset, 248 pages), Samuel Benchetrit pourrait bien avoir écrit le livre le plus drôle de cette rentrée littéraire, écartelée entre drames divers et explorations historiques. Drôle, en apparence du moins, car on comprend tout de suite que le looser de héros a aussi un grand cœur. "Le livre le plus drôle? Peut-être", confirme le romancier, de passage à Bruxelles, "mais il faut rappeler la formule "le rire est la politesse du désespoir". Mon narrateur s'excuse de la situation dans laquelle il se trouve."
Son écrivain est en effet en panne d’inspiration, il a peur de croiser son éditeur à qui il a promis un nouveau livre, il n'a pas de vie amoureuse, son fils de dix-huit ans qui vivait chez lui est parti voyager à travers monde depuis six mois, et encore pour six mois, ce qui angoisse son ex-femme et l'empêche, lui, de dormir. Alors il se raccroche à des habitudes, dont celle d'écrire des promesses, dont celle de cacher les factures, dont celle de suivre l'émission de télé-réalité "4 mariages pour une lune de miel", dont celle de fumer comme un pompier, dont celle de se morfondre tout en épiant ses mails. Et s'il y en avait un du fils?
Et c'est là que le propos s'emballe pour le meilleur. D'abord il faut que l'écrivain narrateur retrouve un exemplaire d'un de ses livres envoyés au pilon pour l'expédier à un producteur intéressé à en faire une série. La commande sur Amazon vaut à elle seule une expédition en terre inconnue. Ensuite, il y a ce mail de Paul Blanchot appelant à l'aide et le priant de lui envoyer de l'argent à Abidjan. N'importe qui flairera l'arnaque. Pas le héros qui va mener toute une enquête pour venir en aide à ce Paul Blanchot qui se révélera en finale être quelqu'un avec qui il ne souhaitait pas vraiment reprendre contact. Enfin, vu la difficulté de la commande sur Amazon, l'écrivain décide de voler l'exemplaire d'une de ses admiratrices. Et là, ça dépote encore grave, entre les mémés de la maison de retraite, l'infirmière bègue au grand cœur, et l'achat d'un canard vivant.
Entre tout cela, la devinette à propos d'une histoire inuite envoyée par mail par le fils... Des gaffes et des vagues à l'âme. Des scènes épiques racontées avec un impeccable sens de la formule, du "big mac littéraire" pour un auteur concurrent accumulant les best-sellers au "Springsteen des maisons de retraite", une dérision sans moquerie, une satire bien tournée de la société, un usage savant du second degré.
On comprend bien que le coup de l'écrivain bloqué sur sa page blanche est une manière pour Samuel Benchetrit de parler d'amour entre un homme et une femme ainsi que d'amour filial. "Je n'avais pas cette idée au départ", répond-il. "Ce livre s'est révélé naturellement, avec ce personnage en panne d'inspiration. Je voulais montrer comment un artiste se trouve entre deux projets, qu'il retrouve une réalité qu'il a laissé passer. Je voulais qu'il aille vers la lumière, vers l'amour, vers l'inspiration. C'est un peu parallèle à ma propre vie."
Plus loin, le narrateur va en effet changer de registre: entamer l'écriture d'un livre sur Pline l'Ancien, sujet vendeur, on s'en doute ("C'est très beau l'idée d'un écrivain qui annonce un sujet infaisable à son éditeur et en fait une comédie"), une rencontre féminine inattendue, des tensions qui s'apaisent, une énigme qui trouve sa solution et un personnage non attendu. "Lola n'était pas prévue au début", précise Samuel Benchetrit. "Quand j'écris un livre, j'écris chaque jour une page sur laquelle je rebondis ensuite. Lola est le secret. Le père pense que son fils est parti pour une raison qui n'est pas la vraie. Les enfants ont une vie secrète et c'est merveilleux."
Si "Reviens" est le roman le plus drôle de la rentrée, il est aussi l'un des plus sensibles.
Pour lire le début de "Reviens", c'est ici.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire